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Georges Bordonove - Jacques Coeur et son temps.

Georges Bordonove, Jacques Coeur et son temps, Editions Pygmalion/gérard Watelet, 1977

Georges Bordonove, né le 25 mai 1920 à Enghien-les-Bains (Seine et Oise) et mort le 16 mars 2007 à Antony (Hauts-de-Seine), est un écrivain et historien français.

"Marchand, armateur, banquier, industriel, maître de mines, Jacques Cœur, né à Bourges vers 1395, a été investi des plus hautes charges publiques. Commissaire royal et grand argentier, il restaura le commerce français après la Guerre de Cent Ans et rétablit les échanges " Import-Export " avec l'Orient. Créateur avant la lettre des sociétés multinationales et des Entreprises à succursales multiples, il réussit à stopper la dévaluation de la monnaie, s'efforçant en même temps d'instaurer une justice fiscale. Génial administrateur doublé d'un inégalable esprit d'entreprise, mécène, constructeur (son palais de Bourges est le plus beau monument civil de l'époque), il fut couvert d'honneurs et passa pour l'homme le plus riche du royaume. Arrêté sous un prétexte futile, il fut condamné, au terme d'un simulacre de procès, à une énorme amende, à la confiscation de tous ses biens et au bannissement, transformé par ordre du roi Charles VII, en emprisonnement. Sa chute brutale, sa captivité aggravée de tortures, son extraordinaire évasion et sa mort lointaine ajoutent une touche tragique à sa destinée prodigieuse, non sans étroite similitude avec celle que connaîtra, un peu plus de deux siècles plus tard, l'infortuné Foucquet."

"Le XVème siècle est l'une des périodes les plus troubles et les plus tragiques de notre Histoire ; c'est aussi l'un de ses tournants. Le style flamboyant qui le caractérise procède de ce tumulte, de cette ambiguïté. On ne sait trop si les flammes de pierre dont il peuple ses églises et ses monuments civils sont d'enfer ou de paradis. Elles expriment en tout cas les angoisses et le défi ultimé d'un monde agonisant. Michelet notait que ces contrecourbes qui lèchent les façades et remplissent le vide des fenêtres peuvent aussi bien fugurer des flammes que des larmes ou des coeurs. Siècle charnière où la chevalerie en tant que telle expire, tout en exhaltant sa propre caricature : les tournois, les vêtements de parade, les fêtes dont le luxe et l'extravagance s'aggravent à mesure que le Peuple s'enfonce davantage dans la misère ! Où les cadres d'une société sclérosée s'effondrent, faute de s'adapter ou d'évoluer en profondeur. Où les vertus traditionnelles non seulement sont remises en question, mais tournées en ridicule et bientôt balayées. Où la Foi elle-même qui, depuis les invasions barbares, a été la raison d'être et le moteur secret de l'Occident, s'anémie sous l'effet du malheur, se corrompt, s'égare en superstitions, voire en pratiques de sorcellerie, entraînant la perversion des moeurs et le désespoir collectif.

C'est pourtant de ce chaos que vont naître une société nouvelle et une nouvelle façon de vivre connue plus tard sous le nom de Renaissance. Le pouvoir central rassemblera dans sa main, en se substituant à la féodalité, les morceaux épars de la puissance publique. La richesse ne sera plus exclusivement terrienne ; elle changera de nature et trouvera d'autres sources. L'argent, si rare aux siècles précédents, va brusquement se répandre et devenir le ressort de toute politique. La bourgeoisie bénéficiera de cette mutation. Le Peuple lui-même s'appropriera une partie des biens jusque-là détenus par la seule  noblesse. Celle-ci ne gardera même pas le privilège de mourir pour son roi et de défendre le territoire. Le rôle déterminant du Peuple dans la libération du royaume conduira Charles VII à l'inclure dans cette première armée permanente et nationale dont il va jeter les bases et qui est promise à la fortune que l'on sait !

Il y a dans ce déracinement, ici brutal, et là, progressif, dans cet effondrement des hiérarchies séculaires, dans ce chevauchement des couches sociales qui en est la conséquence, dans cette décadence et cette gestation parralèles, quelque chose qui ressemble étrangement au monde où nous vivons.

C'est peut-être pour cela, et c'est en cela, que Jacques Coeur reprend une sorte d'actualité..."

 

Georges Bordonove, Jacques Coeur et son temps
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