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René Girard, La violence et le sacré, Editions Grasset et Fasquelle, 1972

René Noël Théophile Girard, né à Avigno (Vaucluse) le 25 décembre 1923 est un philosophe français, membre de l'Académie française depuis 2005. Ancien élève de l'Ecole des chartes  et professeur émérite de littérature comparéeà l'université Stanford et à l'Université Duke aux Etats-Unis. il est l’inventeur de la théorie mimétique qui, à partir dela découverte du caractère mimétique du désir, a jeté les bases d'une nouvelle anthropologie. Il se définit lui-même comme un anthropologue de la violence et du religieux.

Notes de lecture

Dans la violence et le sacré, Chapitre IX : "Lévi-Strauss, le structuralisme et les règles de mariage", René Girard s'intéresse à la conception structuraliste des systèmes de parenté.

I/ Avant Lévy-Strauss

C'est A. R. Radcliffe-Brown qui a dégagé les présupposés essentiels de toute réflexion antérieure aux travaux de Claude Lévi-Strauss  sur la parenté.

Note : Alfred Reginald Radcliffe-Brown (Birmingham, 17 janvier 1881 - Londres, 24 octobre 1954) est un anthropologue et ethnographe britannique. Il participe à la fondation de la tradition britannique de l'anthropologie sociale en opposition à l'ancienne ethnologie évolutionniste. Se positionnant dans l'héritage d'Emile Durkheim, il développe une théorie structuro-fonctionnaliste du social qui s'opposera au fonctionnalisme de Bronislaw Malinowski dans les premiers temps de l'anthropologie sociale britannique.

Selon A.R. Radcliffe-Brown, l'unité de structure à partir de laquelle s'élabore un système de parenté est le groupe qu'il nomme "famille élémentaire". Il consiste en :

Un homme, une femme, leurs enfants.

La famille élémentaire crée trois espèces particulières de rapports sociaux :

1/ Rapports de premier rang :

a) Le rapport entre les parents

b) Le rapport entre les parents et les enfants

c) Le rapport entre les enfants d'un même lit (siblings)

2/ Rapports de second rang :

Les rapports de second rang sont ceux qui résultent du rapprochement de deux familles élémentaires par l'intermédiaire d'un membre commun (le frère du père, le frère de la mère, la soeur de la mère, etc.)

On peut repérer des rapports de troisième, quatrième, cinquième ou nième rang.

II/ La conception structuraliste

Dans un article de 1945 intitulé "L'analyse structurale en linguistique et en anthropologie" (reproduit dans Anthropologie structurale, Paris, 1958), Lévi-Strauss oppose à Radcliff-Brown le principe de sa propre recherche (la méthode structrale).

Selon lui, la famille élémentaire n'est pas une unité irréductible puisqu'elle est fondée sur le mariage. Loin d'être originaire et élémentaire, elle est déjà un composé. Elle n'est donc pas un point de départ, mais un aboutissement ; elle résulte d'un échange entre des groupes qu'aucune nécessité biologique ne rapproche.

La parenté n'est admise à s'établir et à se perpétuer que par, et à travers des modalités déterminées d'alliance. Les "relations de premier ordre" sont fonction et dépendent des "relations de second ordre". Ce qui est vraiment "élémentaire", ce ne sont pas les familles, termes isolés, mais la relation entre ces termes.

Le sens commun n'oublie jamais les rapports biologiques vrais derrière la "famille élémentaire" et se refuse à penser le système en tant que tel. Lévi-Strauss précise qu'un système de parenté ne consiste pas dans les liens objectifs de filiation ou de consanguinité donnés entre les individus. Il n'existe que dans la conscience des hommes, il est un système arbitraire de représentations, non le développement spontané d'un fait.

Mais il n'est pas, pour autant, une espèce d'antinature : "Le système de parenté, même d'apparence la plus rigide et la plus artificielle, tiennent soigneusement compte de la parenté biologique."

III/ Le point de vue de René Girard

1) Seuls les systèmes de parenté permettent le répérage des données biologiques

René Girard souligne la nécessité de distinguer :

a) le fait de la parenté biologique, les données réelles de la reproduction humaine

b) le savoir de ces mêmes données, la connaissance de la génération et de la consanguinité

Les hommes ne peuvent pas se reproduire contrairement aux Lois de la biologie, mais ils peuvent ne pas connaître ces Lois.

En d'autres termes, il n'y a pas de proximité et d'affinité naturelle entre "l'état de nature" et la vérité biologique ou scientifique en général.

Le repérage des données biologiques élémentaires exige la distinction formelle :

a) des rapports d'alliance (père-mère)

b) des rapports de filiation (père-fils, père-fille/mère fils-mère fille)

c) des rapports de consanguinité (frère-soeur)

Cette distinction n'est possible que sur la base des interdits de l'inceste et des systèmes de parenté.

Seuls les systèmes de parenté peuvent assurer le repérage des données biologiques : "Il n'est pas de système de parenté qui ne distribue le licite et l'illicite dans l'ordre sexuel de façon à séparer la fonction reproductrice du rapport de filiation et du rapport fraternel, assurant de ce fait, à ceux dont la pratique sexuelle est gouvernée par lui (le système de parenté), la possibilité de repérer les données élémentaires de la reproduction." (La violence et le sacré, "Lévi-Strauss, le structuralisme...", p. 332)

Sans les interdits de l'inceste, il n'y aurait pas de distinction entre les trois rapports qui composent la famille élémentaire (alliance, filiation, consanguinité) et il n'y aurait pas non plus de biologie.

Les interdits de l'inceste ne conduisent pas nécessairement à la connaissance du rapport entre l'acte sexuel et l'enfantement qui nous paraît "évident" parce que nous appartenons à une culture qui a réussi à dégager ce rapport.

Mais quelles que soient leurs modalités, tous les systèmes de parenté opèrent des distinctions essentielles sous le rapport de la vérité biologique.

René Girard explique ensuite :

1) pourquoi les sociétés "modernes" sont capables de formaliser les systèmes de parenté.

Il montre :

2) que le structuralisme n'explique pas le passage de la nature à la culture (l'origine des systèmes de parenté, de la culture en général) et propose sa propre explication (le processus victimaire).

3) que ce sont les interdits qui précèdent les règles et non l'inverse (et donc que l'interdiction de l'inceste n'est pas simplement "l'inverse d'une obligation d'échange").

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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