François Rabelais, Gargantua, L'abbaye de Thélème
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Par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme, ou plus simplemen t Grangantua, est le deuxième roman de François Rabelais écrit en 1534. D’une structure comparable à celle de Pantagruel (1532), mais d’une écriture plus complexe, il conte les années d’apprentissage et les exploits guerriers du géant Gargantua. Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d’un enseignement sorbonnard figé, Gargantua est aussi un roman plein de verve, d’une grande richesse lexicale, et d’une écriture souvent crue, volontiers scatologique. Rabelais a publié Gargantua sous le même pseudonyme que Pantagruel : Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais) Abstracteur de Quintessence. François Rabelais (également connu sous le pseudonyme Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais, ou bien encore sous celui de Séraphin Calobarsy) est un écrivain français humaniste de la Renaissance né à La Devinière à Seuilly près de Chinon (dans l’ancienne province de Touraine), en 1483 ou 1494 selon les sources, et mort à Paris le 9 avril 1553. La première utopie de la littérature française "A l'intention de frère Jean des Entomeurs, Gangantua bâtit l'abbaye de Thélème (en grec : volonté libre), "au contraire de toutes autres", sur les bords de la Loire. Pas de mur extérieur, pas d'horloge : "la plus grande rêverie du monde était, disait-il, soi gouverner au son d'une cloche et non dicté au bon sens et entendement". L'abbaye accueille les femmes "depuis 10 jusqu'à 15 ans ; les hommes depuis 12 jusqu'à 18". "Fut ordonné que là ne seraient reçues sinon les belles, bien formées et bien naturées, et les beaux, bien formés et bien naturés... Fut constitué que là honnêtement on pût être marié, que chacun fût riche et vécut en liberté". Et Rabelais de décrire un splendide château de la Renaissance, "en figure hexagone", haut de six étages, "cent fois plus magnifique que n'est Bonniver, ni Chambord, ni Chantilly". Il évoque en détail les splendeurs de cette abbaye d'un nouveau genre : matériaux précieux, vastes salles claires, ornées de peintures et de tapisseries, jardins, vergers pleins d'arbres fruituers, "lices, hippodromes, théâtre et natatoires avecque les bains mirifiques..." "A l'issus des salles du logis des dames étaient les parfumeurs et les testonneurs (coiffeurs), par les mains desquels passaient les hommes quand ils visitaient les dames. Iceux fournissaient par chacun matin la chambre des dames d'eau de rose, d'eau de naphe et d'eau d'ange..." Là-dessus, Rabelais nous décrit, en deux pages chatoyantes, les vêtements et joyaux des hommes et des femmes : velours, satin, taffetas, or, perles et diamants ! Servis par "les maîtres des garde-robes" et les "dames de chambre", les religieux et religieuses de Thélème changent de costume chaque jour, "à l'arbitre des dames". "FAY CE QUE VOULDRAS" Après de rêve d'homme de la Renaissance, les yeux tout éblouis des fastes de la cour et des châteaux de la Loire, voici la "règle" morale de cette abbaye. Elle s'oppose entièrement à l'ascétisme monacal. Sur la grande porte de Thélème, une inscription en interdit l'entrée aux "hypocrites, bigots, cagots", gens de justice et usuriers ; seuls sont admis les "nobles chevaliers", "les dames de haut parage, fleurs de beauté, à céleste visage, à maintien prude et sage", et les chrétiens évangéliques : "Entrez, qu'on fonde ici la foi profonde, / Puis qu'on confonde, et par voix et par rôle / Les ennemis de la sainte parole." Ces mots donnent au chapitre qu'on va lire son éclairage véritable. Il s'agit de concilier le christianisme, retrempé à ses textes originaux, et l'épanouissement total de la "nature humaine", aspiration essentielle de la Renaissance. (source : Lagarde et Michard, p. 69) "Toute leur vie était employée, non par lois, statuts ou règles, mais selon leur vouloir et franc arbitre. Se levaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand bon leur semblait. Nul ne les éveillait, nul ne les parforçait ni à boire, ni à manger ni à faire chose autre quelconque. Ainsi l'avait établi Gargantua. En leur règle n'était que cette clause : FAIS CE QUE VOULDRAS, parce que gens libères (libres), bien nés, bien instruits, conversant (vivant ordinairement) en compagnies honnêtes, ont, par nature un instint et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux et retire de vice, laquel ils nommaient honneur. Iceux, quand par vile subjection et contrainte sont déprimés (écrasés) et asservis, détournent la noble affection (passion), par laquelle à vertu franchement (librement, spontanément) tendaient à déposer et enfreindre ce joug de servitude, car nous entreprenons toujours choses défendues et convoitons ce qui nous est dénié. Par cette liberté, entrèrent en louable émulation de faire tous ce qu'à un seul voyaient plaire. Si quelqu'un ou quelqu'une disait "Buvons", tous buvaient. Si disait : "Jouons", tous jouaient. Si disait : "Allons à l'ébat ès champ", tous y allaient. Si c'était pour voler (chasser avec des oiseaux de proie) ou chasser, les dames, montées sur belles haquenées (juments), avec leur palefroi gourrier (richement harnaché), sur le point (poing) mignonnement enganté portaient chacune ou un épervier, ou un laneret, ou un émerillon ; les hommes portaient les autres oiseaux. tant noblement étaient appris (instruits) qu'il n'était entre eux celui ni celle qui ne sût lire, écrire, chanter, jouer d'instruments harmonieux, parler de cinq ou six langages, et en iceux composer, tant en carme (en vers, du latin carmen) qu'en oraison solue (prose, oratio soluta = sans mesure). Jamais ne furent vus chevaliers tant preux, tant galants, tant dextres à pied et à cheval, plus verts, mieux remuants, mieux maniant tous bâtons (armes), que là étaient. Jamais ne furent vues dames tant propres (élégantes), tant mignonnes, moins fâcheuses, plus doctes à la main, à l'aiguille, à tout acte mulièbre (de femme) honnête et libère, que là étaient. Par cette raison quand le temps venu était que acun d'icelle abbaye, ou à la requête de ses parents, ou pour autre cause, voulut issir hors (sortir), avec soi il emmenait une des dames, celle laquelle l'aurait pris pour son dévot, et étaient ensemble mariés ; et si bien avaient vécu à Thélème en dévotion et amitié, encore mieux la continuaient-ils en mariage ; d'autant s'entr'aimaient-ils à la fin de leurs jours comme le premier de leurs noces." Gangantua, chapitre LVII Questions sur le texte : 1) En vous aidant du paratexte (présentation), montrez que l'utopie de Thélème subvertit les fondements de la vie monastique : a) la pauvreté b) la chasteté c) l'humilité Montrez qu'il s'applique d'abord Il s'applique d'abord aux besoins du corps : a) au sommeil, b) à la nourriture, c) à la boisson 2) A quelles conditions, selon Rabelais, ce précepte ("Fais ce que vouldras") peut-il s'appliquer ? 3) Expliquez comment Rabelais justifie la liberté accordée aux Thélémites (l'absence d'interdits). Qu'en pensez-vous ? 4) Les Thélémites ont tendance à s'imiter les uns les autres et font tous la même chose en même temps. Montrez-le en vous appuyant sur le texte. Peut-on, dès lors, véritablement parler de "liberté" ? 5) Montrez que l'abbaye de Thélème est réservée à une élite. 6) L'éducation des Thélémites : Montrez qu'il s'agit d'une éducation complète : a) intellectuelle b) morale c) artistique d) physique L'éducation est-elle la même pour les hommes et pour les femmes ? 7) Quelle conception de l'amour apparaît dans ce texte ?
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