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Henry James, Le Tour d'écrou (The Turn of the screw), traduction de Janine Lévy, Librairie générale française, 1995

"Le Tour d'écrou est unanimement considéré comme le chef d'oeuvre d'Henry James. Borges a même écrit que, selon lui, "aucune époque ne possède des romans de sujet aussi admirable que Le Tour d'écrou..." Une intrigue serrée, un mode narratif subtilement ouvragé, des personnages plus vrais que nature, une atmosphère étouffante : le surnaturel rejoint le quotidien et s'impose comme une version possible de la réalité."

Henry James (New York, 15 avril 1843 - Chelsea, 28 avril 1916) est un écrivain américain, naturalisé britannique le 26 juillet 1915.

"Je vois encore Douglas, debout, le dos au feu, les mains dans les poches, le regard baissé sur son interlocuteur. Jusqu'à présent, personne d'autre que moi n'en a entendu parler. C'est par trop horrible." Plusieurs voix s'étant naturellement élevées pour déclarer que cela donnait le plus grand prix à la chose, notre ami nous regarda les uns après les autres avec un art consommé et poursuivit, ménageant son triomphe : "Cela surpasse tout. Je ne connais rien qui s'en approche." Je me rappelle avoir demandé : "Rien d'aussi franchement terrifiant ?" Il eut l'air  de dire que cela n'était pas si simple, de se trouver en peine de qualificatif. Il se passa la main sur les yeux et eut une petite grimace : "Rien d'aussi épouvantablement... épouvantable !" "Oh ! quel délice" s'écria quelqu'un - une femme." (Henry James, Le Tour d'écrou, extrait)

"Le sujet est tout." affirmait Henry James. Et il ajoutait encore, dans ses Carnets rédigés de 1878 à 1911 (où il notait des résumés de faits divers) : "Plus je vais, plus intensément je me rends comte que c'est sur la solidité du sujet, l'importance, la capacité d'émotion du sujet, sur cela seul, désormais, qu'il me conviendra de m'étendre. Tout le reste croule, s'effondre, tourne court, tourne pauvre, tourne mal - vous trahit misérablement".

Voilà sans doute pourquoi Le Tour d'écrou est un chef d'oeuvre. Par la violence de son sujet, la subtilité de sa construction, la "capacité d'émotion" qui s'en dégage. Publié en 1898, alors que James a cinquante-cinq ans, et qu'il a déjà écrit Roderick Hudson, L'Américain, Daisy Miller, Portrait de femme, Washington square, Les Bostoniennes, Les Dépouilles de Poynton et de nombreuses nouvelles, ce récit naît d'une anecdote que lui a racontée l'archevêque de Canterbury... James vit alors en Angleterre après avoir longtemps multiplié les allers et retours entre l'Amérique et l'Europe. Depuis un an, il s'est fixé dans le Sussex où il a loué une grande maison avec un jardin, "Lamb's House" (qu'il achètera d'ailleurs en 1899). Il a engagé un secrétaire, il reçoit désormais beaucoup d'amis, de visiteurs, d'écrivains, tels que H.G. Wells et Stephen Crane, il entretient une vaste correspondance et... rêve longtemps à cette histoire de l'archevêque.

Retranscrite dans ses Carnets, elle pourrait se résumer d'abord à une situation simple : dans un vieux château, deux orphelins vivent sous la garde de deux domestiques équivoques et certainement pervers. Mais les serviteurs meurent, et "leurs fantômes, ajoute James, leurs figures reviennent hanter la maison et les enfants, à qui ils semblent faire signe... pour les inciter à se détruire, à se perdre en leur obéissant, en se mettant sous leur domination. Tout cela est obscur et imparfait - le tableau, l'histoire - mais il y a là-dedans la suggestion d'un effet, un étrange frisson d'horreur. L'histoire doit être racontée - avec suffisamment de crédibilité - par un spectateur, un observateur du dehors."

Un observateur du dehors, tout est là ! La trame du Tour d'écrou est trouvée. James va rendre l'histoire plus dramatique, plus cruelle, va imbriquer plus étroitement encore le pur et l'impur, l'innocence et la perversité, en ajoutant au fait divers initial cet "observateur du dehors" en la personne d'une jeune gouvernante attentive et dévouée qu'il place près des enfants. C'est elle qui va essayer de les arracher au pouvoir maléfique des spectres. Mieux, un nouveau filtre, un nouveau regard va approfondir encore le récit. Celui d'un ultime - ou premier - récitant au cours d'une soirée de Noël, qui nous fera connaître l'histoire à nous, les lecteurs.

Une lecture psychanalytique du Tour d'écrou peut expliquer sans doute comment la nervosité excessive, la sensibilité quasi maladive de la gouvernante troublent les enfants au point de leur faire croire à des phénomènes hallucinatoires. Mais ce serait limiter la pensée de James que de la réduire à une forme de rationalisme, quand on sait le goût immodéré que lui et sa famille entretiennent pour le surnaturel. "J'ai, dit James, Dieu merci, la tête pleine de visions. On n'en a jamais trop - jamais assez." Dans son oeuvre ne cessent de rôder les monstres, les "morts pas tout à fait morts", les âmes errantes, les fantômes que rien n'apaise. Le monde de James est étrange, exclusif, retranché dans les tourments et les ténèbres. Chez lui, tout est possible. La simple vie devient ensorcellement, jeu de miroirs promenés sur l'invisible... (Nicole Chardaire)

The Turn of the Screw (en français Le Tour d'écrou) est un opéra en anglais, en un prologue, deux actes et seize scènes, composé par Benjamin Britten. Le livret est de Myfanwy Piper, d'après la nouvelle éponyme d'Henry James publiée en 1898. La première représentation fut jouée au Teatro La Fenice de Venise, le 14 septembre 1954, dans le cadre de la Biennale de Venise.

Les Innocents (The Innocents) est un film britannique   réalisé et produit par Jack Clayton, sorti en 1961, adapté de la nouvelle d'Henry James, Le Tour d'écrou.

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