Stendhal, Le Rouge et le Noir (commentaire d'un extrait)
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Stendhal, Le Rouge et le Noir (aide au commentaire d'un extrait) "Julien Sorel, fils de paysans, vient d'être engagé par M. de Rênal comme précepteur de ses enfants. Il se présente à la porte de la famille des Rênal. Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, Mme. de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d'entrée la figure d'un jeune paysan, presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette. Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l'esprit un peu romanesque de Mme. de Rênal eut d'abord l'idée que ce pourrait être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d'entrée, et qui évidemment n'osait lever la main jusqu'à la sonnette. Mme. de Rênal s'approcha, distraite un instant de l'amer chagrin que lui donnait l'arrivée du précepteur. Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s'avancer. Il tressaillit quand une voix douce lui dit tout près de l'oreille : - Que voulez-vous ici, mon enfant ? Julien se tourna vivement, et frappé du regard si rempli de grâce de Mme. de Rênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de sa beauté, il oublia tout, même ce qu'il venait faire. Mme. de Rênal avait répété la question. - Je viens pour être précepteur, madame, lui dit-il enfin, tout honteux de ses larmes qu'il essuyait de son mieux. Mme. de Rênal resta interdite ; ils étaient fort près l'un de l'autre à se regarder. Julien n'avait jamais vu un être aussi bien vêtu et surtout une femme avec un teint si éblouissant, lui parler d'un air doux. Mme. de Rênal regardait les grosses larmes, qui s'étaient arrêtées sur les joues si pâles d'abord et maintenant roses de ce jeune paysan. Bientôt elle se mit à rire, avec toute la gaité folle d'une jeune fille ; elle se moquait d'elle-même et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Quoi, c'était là ce précepteur qu'elle s'était figuré comme un prêtre sale et mal vêtu, qui viendrait gronder et fouetter ses enfants ! - Quoi, monsieur, lui dit-elle enfin, vous savez le latin ?" Stendhal, Le Rouge et le Noir, Livre premier, chapitre VI, 1830 1) Le genre du texte Extrait de roman 2) Les types de textes : Alternance description/narration/dialogue 3) Le thème La rencontre amoureuse 4) L'auteur Henri Beyle, connu sous le pseudonyme de Stendhal, né le 23 janvier 1783 à Grenoble et mort le 23 mars 1842 à Paris, est un écrivain français réaliste et romantique, connu en particulier pour ses romans Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme. 5) Le mouvement littéraire, le style, les idées de Stendhal Le style est uni et transparent, hérité de la langue abstraite et pudique, de l’euphémisme et de la litote classique. Le Rouge et le Noir est roman d’amour, mais aussi roman de mœurs qui peint les libéraux de province, le grand séminaire et le faubourg Saint-Germain. Une chronique du XIXe siècle. En son temps, Stendhal n’espérait pas être compris que de très peu de gens. Il a un goût de l’exactitude et d’une vérité qui soit universelle, fortifiés par la fréquentation des philosophes du XVIIIe siècle et des idéologues dont il partage le désir de rendre parfaitement claire la mécanique morale. A tout cela s’ajoute une tête romanesque. Stendhal a dit: « Je n’ai jamais songé à l’art de faire un roman. » Le premier en date des grands romanciers réalistes. Stendhal a dit: « Le roman est un miroir qu’on promène le long d’un chemin. » Ce romancier qui veut dire exclusivement le réel a passé pour abstrait; ce romancier qui a voulu laisser parler seulement les faits, et se faire aussi discrètement que possible, est le plus subjectif qui soit. Ce n’est pas le monde extérieur qui l’intéresse, mais la conscience de l’individu et le développement de ses passions. Il veut garder de l’action uniquement son « résumé moral ». La curiosité psychologique du romancier, son souci d’analyse se manifestent dans ces monologues ou examens de conscience où le héros se demande ce qu’il doit faire pour garder sa propre estime. Stendhal croit l’homme enfermé dans ses sensations. Ainsi, il nous livre du réel seulement ce que son point de vue du moment, son attention ou son émotion lui ont permis de percevoir ou de sentir. Emiettement du réel, relativisme avoué de la vérité. Il y a un univers balzacien, il n’y a que des héros stendhaliens. Stendhal raconte. Il refuse le style « brillanté » et les grands mots. Le style de Stendhal refuse d’en être un, et ne reflète que le bonheur d’écrire; il produit sur le lecteur moderne une étonnante impression de liberté et de légèreté, l’impression aussi qu’on n’a pas affaire à un auteur, mais à un homme. (Rose Fortassier, Le roman français au XIXe siècle) 6) L’effet sur le lecteur Surprise, attendrissement, intérêt pour les deux personnages. Le lecteur en sait plus que les protagonistes (Julien et Mme. de Rênal), effet de suspens. Le lecteur a envie d'en savoir plus. 7) Les registres Comique : Mme. de Rênal s'attend à voir un prêtre sale et mal vêtu qui viendrait gronder et fouetter ses enfants et elle tombe sur un jeune homme timide, presque encore enfant, qui vient de pleurer. (quiproquo, figure récurrente dans la comédie) Pathétique : Mme. de Rênal est sous le coup d'un "amer chagrin", elle éprouve de la pitié de "cette pauvre créature arrêtée à la porte d'entrée", Julien est lui aussi sous l'emprise du chagrin et a de la peine à cacher ses larmes. Lyrique : le texte évoque les sentiments des personnages : la pitié, la timidité, le chagrin, l'admiration, la joie. 8) Le point de vue Le texte comporte un triple point de vue : omniscient (par ex. : "Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin du regard des hommes") focalisation interne alternée : Julien est perçu à travers le regard de Mme. de Rênal, Mme. de Rênal est perçu à travers le regard de Julien. 9) L'alternance récit/discours Le récit est pris en charge par un narrateur hétérodiégétique qui rapporte les paroles et les pensées des personnages, tantôt au style direct, tantôt au style indirect ou indirect libre. 10) La chronologie Les actions sont rapportées dans l'ordre chronologique, mais il est fait aussi allusion à des événements passés : Julien Sorel vient de pleurer parce qu'il a été rudoyé par son père et Mme. de Rênal ressent un "amer chagrin" car elle s'est imaginé que le précepteur de ses enfants serait un prêtre sale, brutal et mal vêtu. 11) La structure du texte Mme de Rênal se porte à la rencontre de Julien. Julien vu par Mme. de Rênal. Rencontre entre Mme. de Rênal et Julien. Mme. de Rênal, vue par Julien Le bonheur de Mme. de Rênal 12) Le vocabulaire, le niveau de langue, les champs lexicaux La blancheur, la jeunesse, la pitié, le chagrin, le bonheur Introduction : Ce texte est extrait de Le Rouge et le Noir, roman de Stendhal, écrivain français réaliste et romantique du XIXème siècle (1783-1842). Le Rouge et le Noir (1830) est le premier grand roman de Stendhal. L'histoire se déroule entre la petite ville de Verrières dans le Doubs et Paris. Julien Sorel, le héros principal, est un fils de charpentier ivre d'ambition qui rêve de gravir les échelons de la société et de devenir un nouveau Bonaparte. L'extrait se situe au début du roman. Julien vient d'être engagé comme précepteur de ses enfants par M. de Rênal. Il se présente à la porte de la maison des Rênal. Le texte évoque la première rencontre entre Julien et Mme. de Rênal. Comment l'auteur traite-t-il le thème de la première rencontre ? Nous verrons dans une première partie la dimension théâtrale de l'extrait, puis la construction du portrait des deux personnages. I. Une scène de comédie Cet extrait comporte tous les éléments d'une scène de comédie : Deux personnages : Mme. de Rênal et Julien Sorel Un décor : la maison de M. et Mme. de Rênal et de leurs enfants Des costumes décrits de façon plus ou moins précise Un dialogue Des didascalies (indications de mise en scène), aussi bien dans le récit que dans la description, concernant les déplacements, les gestes des personnages, leur position dans l'espace, leurs vêtements, leurs réactions. Cet extrait répond par ailleurs au critère théâtral de la "double énonciation" : le lecteur, comme le spectateur au théâtre en sait plus que les personnages. La première rencontre entre Julien et Mme. de Rênal s’apparente à une comédie romanesque : Julien ne connaît pas Mme. de Rênal. Il n'a eu à faire qu'à son mari. Il sait qu’elle a deux enfants dont il doit s'occuper et s'attend à une femme d'un certain âge, austère et sans grande beauté. Mme. de Rênal sait que son mari a engagé un précepteur, mais elle se le figure comme "un prêtre sale et mal vêtu". Nous avons donc une figure bien connue au théâtre, en particulier dans la comédie : un double quiproquo. Le lecteur note avec un certain amusement que Mme. de Rênal se méprend sur l'identité de Julien et sur son âge. Elle imagine même qu'il s'agit d'une jeune fille venue demander une faveur à son mari et qui s'est déguisée en homme pour passer inaperçue, notation psychologique sur les tendances "romanesques" de Mme. de Rênal. Le déguisement est un procédé souvent utilisé dans les comédies, notamment au XVIIIème siècle, chez Marivaux (Le jeu de l’amour et du hasard) et chez Beaumarchais (Le mariage de Figaro). Son soulagement, quand Julien lui explique qu’il est le futur précepteur de ses enfants est à la mesure de son angoisse : "Bientôt elle se mit à rire, avec toute la gaité folle d'une jeune fille ; elle se moquait d'elle-même et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Julien est un jeune homme d'origine modeste dont le père, un homme fruste et brutal, ne comprend pas plus qu’il n’admet son goût pour la lecture et son peu d'attirance pour le travail manuel. Sa position de précepteur ch
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