Jean-François Comte ex(l)pose par 360° d'éternel féminin les paysages et les perspectives du corps. En procédant par superposition et polyptiques, il réintroduit de l'espace et de la profondeur dans un univers initialement plat et parvient à connecter l'anatomie et la géométrie du cercle.
"Il s'agit de lever, avec le flair d'un chien courant, les métamorphoses dont sont capables la rondeur et la hauteur de ce bâtiment, avantageusement détourné de son premier emploi. Il se trouve que, par une heureuse coïncidence, le travail sur la géométrie du cercle est le fondement de ma recherche picurale.
Du coup, j'ai porté plus loin mon inventaire et vu surgir des idées pour une scénographie.
Il y a dans la déambulation circulaire permise par ces galeries, une figure d'immortalité. Le cercle est une image plate d'un temps réduit à deux dimensions que les pas du spectateur en mouvement viendront réveiller. Attention, les retours encourent un risque de monotonie. C'est pourquoi, j'ai voulu me contraindre à une traversée diamétrale, en m'ouvrant un raccourci symbolique, avec une oeuvre intitulée La Porte de l'enfer, par référence à Camille Claudel, Dante et Rodin.
L'idéal serait que cette porte puisse ouvrir sur un grand aquarium rempli d'eau. N'oublions pas que la vie est apparue dans l'univers à l'abri d'une goutte d'eau, toute première esquisse de l'utérus.
Mon souhait le plus cher serait qu'après l'exposition, ce château ait revêtu et conserve le sens d'une métaphore féminine, d'un parcours, d'une place forte privilégiant la beauté et la défense de conquêtes encore fragiles.
Fils d’un père chirurgien et d’une mère sculptrice (Florence Conti qui, fascinée par le nu féminin, aura une influence décisive sur la peinture de son fils), Jean-François Comte semble d’abord promis aux études classiques : passionné de grec, lauréat du concours général, khâgne au lycée Henri IV...
Il bifurque vite vers le cinéma, après un stage au Centre d’Etude de Radio-Télévision, département de l’alors ORTF. Il est engagé comme « Creative Supervisor » dans une agence de publicité londonienne où il dessine des story-boards, réalise et écrit des films tout en commençant à peindre. Il rentre à Paris à la veille des évènements de Mai 68 et participe à l’activité des cinéastes engagés.
Il crée alors son agence de production de spots publicitaires, ATVZ, tout en continuant à peindre, mais publie également plusieurs romans de science-fiction.
À partir des années 1990, il cesse progressivement toute activité cinématographique ou littéraire, et se consacre presque entièrement à la peinture.
Le cinéaste
Mis à part sa participation au cinéma politique de Mai 68 (un film sur Simca-Poissy), son activité est essentiellement publicitaire ( pour le compte d’une agence britannique puis pour son propre compte) et documentaire.
En tant que cinéaste publicitaire, il réalise une centaine de films et reçoit plusieurs distinctions telles que : Lions d’or, d’argent et de bronze aux festivals du film publicitaire de Venise et Cannes, TV Mail Awards (Londres), Clio du American TV Commercials Festival (New-York), etc.
En tant que réalisateur documentaire, il participe notamment pour FR3 à l'écriture d'une série, "Le roman de France", dont il réalise un épisode, Ève, la Pierre et le Serpent, sur la sculpture d’Autun et de Vézelay. Il prolonge cette veine par un film sur les bâtisseurs cisterciens de l’Abbaye de Fontenay : Les pierres apprivoisées.
Le romancier
Présenté à Marcel Julian par des amis qui évoluent dans la sphère SF, il publie un premier roman de science-fiction, Sylvie et les Vivisecteurs, Atelier Marcel Jullian, et collaborera à la revue de poésie Vagabondages chez le même éditeur (coordination, choix de poèmes, éditoriaux...)
Jean-François Comte publie ensuite deux autres romans de science-fiction, Les Géants Couverts d’Algues et Le Doge des Miroirs, illustrés par Jean-Pierre Andrevon dans la collection Futurs des Éditions de l’Aurore.
Le peintre
La peinture de Jean-François Comte, d’abord en huile aux couleurs vives et en général chaudes, restera toujours figurative, organisée par le dessin d’après modèle et (à part quelques portraits) orientée vers le nu féminin. « Une œuvre entière faisant référence à plusieurs champs disciplinaires, peinture, dessin, cinéma, écriture, mathématiques, à partir d'un seul thème, le corps féminin. » (Brigitte Camus)
Mais à partir de la fin des années 1990 se dessine une orientation décisive : de l’intrusion des lignes visibles de perspective et de construction à la mise en perspective du tableau lui-même. Cette évolution s’enracine sans doute dans sa culture optique de cinéaste et de cadreur, plus particulièrement de documentariste de la sculpture romane, mais aussi dans une passion pour les nombres et la géométrie (rectangle d’or etc).
Les lignes de perspective et de construction deviennent d’abord de plus en plus apparentes sur la toile (Un peu de rouge, 1998). Puis la construction même du tableau éclate en plusieurs toiles solidaires d’une structure fixe, polyptyque permettant au spectateur de faire jouer la perspective en se déplaçant: une construction inspirée des retables. Il en résulte une évolution vers une sorte de peinture-sculpture monumentale, avec pour sujet, comme toujours, de grands nus, dont les jeux de recouvrement/dévoilement, selon la position du spectateur, permet une véritable exploration du caché . «…Tout un soubassement, une mathématique de l’espace, des calculs de géomètre, la prise en compte de l’histoire de la peinture sans laquelle on ne peut parler de modernité, et surtout, la sagacité des femmes elles-mêmes : nombre d’entre elles ont jugé que cette « cause » valait le sacrifice de leur pudeur et le don de leur nudité comme d’autres donnent leur corps à la Science » observe le metteur en scène et critique Bruno Streiff dans une étude consacrée au peintre, où il compare l’érotisme de la peinture de Jean-François Comte à celle d’Egon Schiele. Puis, très logiquement chez un homme pétri de culture classique, et grecque en particulier, apparaissent des thèmes de l’art religieux chrétien ou de la mythologie grecque, traités parfois avec ironie (L’écartelée, Diomède et Aphrodite, 2007), et tout aussi logiquement la figure du Cheval aux côtés de la Femme.
Du fait de cette évolution vers une peinture monumentale, ces œuvres ont plutôt pour clientèle la commande publique… ou des amateurs disposant de place !