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Arthur Schopenhauer, De la quadruple racine du principe de raison suffisante, (Über die vierfache Wurzel des Satzes vom zureichenden Grunde), Librairie philosophique Vrin, traduction par J. Gibelin, 1972

De la quadruple racine du principe de raison suffisante (Über die vierfache Wurzel des Satzes vom zureichenden Grunde) est le titre de la thèse de doctorat d’Arthur Schopenhauer publiée en 1813. Le philosophe allemand en donnera une seconde édition remaniée en 1847. Schopenhauer considérait indispensable la lecture de cet ouvrage auquel il renverra toujours ses lecteurs comme le point de départ nécessaire pour une compréhension complète de tout son système. L'ouvrage se compose de 8 chapitres et 52 paragraphes.

Table des matières :

Avant-propos du traducteur - Préface

Chapitre premier : Introduction -  §1. La Méthode - §2. Son application dans le cas présent - §3. Utilité de ce examen - §4. Importance du principe de raison suffisante - §5. Le principe lui-même

Chapitre II :  Aperçu général de ce qui a été enseigné concernant le principe de raison suffisante - §6. Première position du principe et distinction entre deux de ses significations (la cause en tant que principe de connaissance et la cause en tant que production d'un événement) - §7. Descartes - §8. Spinoza - § 9. Leibniz - § 10. Wolf - §11. Les philosophies de Wolf à Kant - §12. Hume - §13. Kant et son école - §14. Des preuves du principe

Chapitre III : Insuffisance de l'exposé fait jusqu'ici et plan d'un exposé nouveau - §15. Cas qui ne sont pas compris parmi les acceptions du principe présentées jusqu'ici - §16. La racine du principe de raison suffisante

Chapitre IV : De la première classe d'objets pour le sujet et de la forme du principe de raison suffisante qui y règne - §17. Explication générale de cette classe d'objets - §18 Ebauche d'une analyse transcendantale de la réalité emipirique - §19. De la présence immédiate des représentations - §20. Principe de raison suffisante du devenir - §21. Apriorité du concept de causalité - Intellectualité de l'intuition empirique. - L'entendement - §22. De l'objet immédiat - §23 Contestation de la preuve établie par Kant de l'apriorité du concept de causalité - §24. De l'abus de la loi de causalité - §25. Le temps du changement

Chapitre V : De la seconde classe d'objets pour le sujet et de la forme du principe de raison suffisante qui y règne - §26. explication de cette classe d'objets - §27. De l'utilité des concepts - §28. Les représentants des concepts. Le Jugement - §29. Principe de raison suffisante de la connaissance - §30. Vérité logique - §31 Vérité empirique - §32. Vérité transcendantale - §33 Vérité métalogique - §34. La raison

Chapitre VI : De la troisième classe d'objets pour le sujet et de la forme du principe de raison suffisante qui y règne - §35. Explication de cette classe d'objets - §36. Principe de raison de l'être - §37. Raison de l'être dans l'espace - §38. Raison de l'être dans le temps - l'arithmétique - §39. La géométrie

Chapitre VII : De la quatrième classe d'objets pour le sujet et de la forme du principe de raison suffisante qui y règne - §40 Explication générale - §41. Le sujet du connaître et l'objet - §42. Le sujet du vouloir - §43. Le vouloir. La loi de la motivation - §44. Influence de la volonté sur la connaissance - §45. La mémoire

Chapitre VIII : Observations générales et résultats - §46. L'ordre systématique - §47 Du rapport de temps entre principe et conséquence - §48. Réciprocation des raisons - §49. La nécessité - §50. Séries des raisons et des conséquences - §51. Toute science a pour fil conducteur l'une des formes du principe de raison de préférence aux autres - §52. Deux résultats principaux

Table des matières - Errata

La vie de Schopenhauer, reconnaissace et gloire posthumes, la thèse de doctorat de 1813 : De la quadruple racine du principe de raison suffisante (Source : Avant-Propos du traducteur, J. Gibelin) :

Vie de Schopenhauer

"Arthur Schopenhauer naquit à Dantzig le 22 février 1788. Son père était un riche commerçant de cette ville, d'esprit cosmopolite et épris de liberté ; il quitta, en effet Dantzig quand la Russie y eut établi sa domination et alla s'installer à Hambourg. Comptant faire de son fils un commerçant comme lui, il le fit voyager ; Arthur apprit ainsi à connaître l'Allemagne, la France, l'Angleterre, et se rendit maître des langues étrangères dans le pays même. - Toutefois, ayant peu de goût pour la carrière commerciale, il l'abandonna après la mort de son père survenue en 1805, pour se consacrer aux Lettres.

Ses études classiques achevées, nous le trouvons (1809) en qualité d'étudiant à Goettingue (Göttingen) ; il y suivit les cours de Schulze, l'auteur bien connu d'Aenisidème, qui l'initia à la philosophie kantienne. Schopenhauer termina à Berlin ses études universitaires. Il y entendit Fichte qui ne lui inspira aucune sympathie. En 1813, Schopenhauer quitta Berlin et se mit à travailler à sa thèse de doctorat, loin des agitations de la guerre dans la ville de Rudolstadt.

Cette thèse, qui fait précisément l'objet de notre traduction, est intitulée : De la quadruple racine du principe de raison suffisante. Schopenhauer envoya ce travail à l'Université d'Iéna et il lui valu le titre de docteur, en octobre 1813.

Le nouveau docteur se rendit alors à Weimar pour y retrouver sa famille, c'est-à-dire sa mère Johanna et sa soeur Adèle. Dès 1806, Madame Schopenhauer, en effet, s'était installée à Weimar. Elle devait plus tard acquérir une certaine célébrité comme romancière. En attendant, aimable et spirituelle et, ce qui ne gâte rien, riche et généreuse, elle réunit rapidement autour d'elle un cercle de littérateurs et d'esprits distingués. Son salon fut renommé et l'on cite parmi les personnes qui le fréquentèrent : Bettina Brentano, Z. Werner, Wieland, Fernow et surtout Goethe, qui ne manqua pas de s'intéresser au jeune Schopenhauer.

Mais le séjour de celui-ci à Weimar ne fut pas de longue durée ; ne pouvant vivre en bon accord avec sa mère, il partit pour Dresde en mai 1814 ; la mère et le fils ne devaient plus se revoir.

A Dresde, Schopenhauer rédigea son Traité De la vision et des couleurs, prétendant compléter la théorie de Goethe ; en fait, il en modifiait l'esprit tout objectif en recherchant dans le sujet même, c'està-dire dans les conditions physiologiques de la vision, l'origine du phénomène. Il n'échappa pas à Goethe que de notables divergences le séparaient de Schopenhauer ; ils étaient selon lui "comme deux amis qui ayant cheminé ensemble, se donnent la main, l'un cependant veut aller vers le nord, l'autre vers le midi et les voilà qui se perdent de vue rapidement." (Goethe, Annales, 1816)

L'ouvrage principal de Schopenhauer, Le Monde comme volonté et représentation, parut en 1819. L'auteur, dont le point de départ est le phénoménisme, en arrive à affirmer la primauté de la volonté, c'est-à-dire d'un vouloir-vivre aveugle et décevant, que le sage seul parvient à surmonter par la contemplation désintéressée, la pitié et finalement le renoncement ascétique. Cet ouvrage n'eut aucun succès.

Après un voyage en Italie, Schopenhauer se rendit à Berlin où il entreprit de faire des cours à l'Université, comme Privatdocent, en 1820 ; puis il essaya encore en 1826, après de nouveaux séjours en Italie, à Munich, à Desde, etc. Son enseignement toutefois n'eut pas plus de succès que son grand ouvrage. Il quitta Berlin en 1831 pour se fixer définitivement à Francfort sur le Main. Il y mourut le 21 septembre 1860.

Reconnaissance tardive et gloire posthume

Avant sa mort cependant Schopenhauer connut la gloire. Un petit livre, De la volonté dans la nature (1836) passa, il est vrai inaperçu, mais notre philosophe ne se décourageait pas facilement et si son Mémoire sur le Fondement de la Morale (1840) ne fut pas primé par la Société Royale de Copenhague, il avait eu en 1839 la satisfaction de voir couronné par la Société Royale de Drontheim celui qu'il avait rédigé sur la Liberté de la volonté. Ces deux Mémoires furent publiés sous ce titre : Les deux problèmes fondamentaux de l'Ethique.

Le monde comme volonté et représentation, complété et remanié, parut en seconde édition en 1844 ; mais le public en fit aussi peu de cas que de la première ; ce fut le dernier ouvrage de Schopenhauer, Parerga et Paralipomena, qui triompha enfin de cet apathie ; des disciples fervents firent le reste et c'est finalement la philosophie de Schopenhauer qui profita du profond discrédit où étaient tombés les grands systèmes métaphysiques des Schellling et des Hegel.

Pour se rendre compte de l'enthousiasme que provoqua chez certains la personnalité philosophique de Schopenhauer, on n'a qu'à relire l'Inactuelle de Nietzsche intitulée "Schopenhauer éducateur". "Grâce à Schopenhauer, dit-il, nous pouvons nous former nous-mêmes, contre notre temps, car, nous avons, grâce à lui, le privilège de connaître ce temps, ce temps où la philosophie elle-même est devenue quelque chose de ridicule ou d'indifférent". Et ailleurs : "Le style de Schopenhauer est loyal, rude, bon enfant... car il sait exprimer ce qui est profond avec simplicité, ce qui est saisissant, sans rhétorique, ce qui est rigoureusement scientifique, sans pédantisme."

Première de couverture de l'édition française de 1882.

Première de couverture de l'édition française de 1882

La Dissertation sur la quadruple racine du principe de raison suffisante

« Le monde est ma représentation » : telle est la proposition centrale de la philosophie de Schopenhauer. À toute représentation possible, la question du « pourquoi ? » peut toujours être posée, tel est le principe de raison suffisante.

Le principe de raison suffisante se présente sous quatre aspects correspondant aux quatre racines du titre de la Dissertation. Quatre classes d'objets sont en relation avec un sujet connaissant et selon une capacité corrélative : 

1. principe de raison suffisante du devenir. Tout état nouveau par lequel passe un objet a été nécessairement précédé par un autre état qui se nomme cause, alors que l'autre se nomme effet. C'est la loi de causalité.
 
2. principe de raison suffisante de l'être. Chaque être réel est déterminé par un autre être. Dans l'espace, c'est la situation, et dans le temps c'est la succession. Espace et temps sont les conditions du principe d'individuation.
 
3. principe de raison suffisante de l'agir. La volonté agit quand elle est immédiatement ou médiatement sollicitée par une sensation. Il s'agit de la loi de motivation, qui est une causalité vue de l'intérieur.
 
4. principe de raison suffisante du connaître. La vérité est une relation entre un jugement et sa cause. La vérité formelle trouve son fondement dans l'exacte conclusion des syllogismes ; la vérité empirique dans les données immédiates de l'expérience ; la vérité transcendantale (« pas d'effet sans cause » ; 3 x 5 = 15) dans les formes pures de l'espace et du temps ainsi que dans les lois de la causalité ; enfin, les vérités métalogiques (principes d'identité, de non-contradiction, du tiers exclu, de raison suffisante) dans les formes de l'entendement.

Différentes règles régissent les explications possibles des représentations des quatre classes et « toute explication donnée en conformité avec cette ligne directrice est seulement relative. Le principe de raison suffisante explique les phénomènes les unes par rapport aux autres, mais laisse toujours inexpliqué quelque chose qu'il présuppose »

Les deux réalités absolument inexplicables sont le principe de raison suffisante lui-même et la « chose en soi » que Schopenhauer identifie avec la Volonté. La chose en soi ainsi que le principe dans son essence demeurent à jamais inconnaissables.

Outre les formes de l'espace et du temps, le contexte culturel (nous dirions aujourd'hui l'idéologie) détermine notre relation à l’expérience. 

Notre conscience connaissante est divisible uniquement en sujet et objet. Toutes nos représentations sont des objets et tous les objets sont nos représentations. Les représentations et les objets sont dans un rapport nécessaire qui est déterminable a priori dans sa forme. En vertu de cette connexion, rien d'existant et d'indépendant par soi-même ne peut devenir un objet pour nous.

Si Schopenhauer réédita sur le tard cet ouvrage de jeunesse, c'est qu'il y voyait, comme il le dit lui-même, la substruction de tout son système et le considérait par conséquent comme indispensable à la connaissance de sa pensée philosophique. Il s'agissait pour lui avant tout de définir le sens du terme raison, avec exactitude, ainsi que la valeur propre du principe de raison ; d'après Schopenhauer, en effet, Kant lui-même ne s'était pas servi de ces notions sans une certaine imprécision. Schopenhauer pensait avoir établi en fin de compte que le principe n'existait pas en tant qu'abstraction, mais qu'il n'était valable que sous forme concrète et pour le monde phénoménal. La fonction de l'intelligence consistant précisément dans la mise en oeuvre de ce principe, il est clair qu'on ne peut donc pas parvenir à la chose en soi, et c'était la ruine de la preuve cosmologique.

Le terrain ainsi déblayé, du moins il le semblait, pour la théorie irrationnaliste et volontariste à laquelle était consacré le grand ouvrage de l'auteur qui prétend saisir par intuition directe le fond de l'univers. "Ma philosophie, écrit Schopenhauer déjà en 1814, doit, en son essence intime, se distinguer des philosophies antérieures en ceci qu'elle n'est pas, comme elles, une application pure et simple du principe de raison." On voit par là de quelle manière étroite la dissertation de 1813 se rattache à la pensée philosophique générale de l'auteur. En ce qui concerne l'ensemble du système, elle joue vraiment (selon K. Fischer) le rôle d'une "propédeutique".

Extrait de l'ouvrage  (définition et importance du principe de raison suffisante) :

§4 : Importance du principe de raison suffisante : "Elle est infiniment grande puisqu'on peut appeler ce principe la base de toute science. Science, en effet, signifie un système de connaissances, c'est-à-dire une totalité de connaissances reliées ensemble, par opposition à leur simple agrégat. Quelle autre chose cependant unit les membres d'un système si ce n'est le principe de raison suffisante ? Ce qui précisément distingue toute science du simple agrégat, c'est que les connaissances qui la composent, dérivent l'une de l'autre comme de leur principe (...) - De plus, presque toutes les sciences renferment des notions de causes permettant de déterminer les effets et de même d'autres notions concernant les nécessités des conséquences qui résultent des principes, comme il s'en présentera dans le cours de notre étude (...) - Or, comme c'est l'hypothèse, toujours admise par nous a priori que tout a une raison, qui nous autorise à demander partout le Pourquoi, on peut appeler le Pourquoi la Mère de toutes les sciences."

§5 : le principe lui-même : "On montrera plus loin que le principe de raison suffisante est un terme commun pour désigner plusieurs notions données a priori. cependant, il faut le fixer provisoirement dans une formule. Je choisis celle de Wolf, comme étant la plus générale : "Nihil est sine ratione cur potius quam sit quam non sit." (Il n'est rien qui ne soit sans sa raison d'être).

 

 

 

 

 

 

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