Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Anthony Berkeley, Le club des détectives (The Poisoned Chocolates Case), traduit de l'anglais par M. Faure, Librairie des Champs-Elysées, 1985

Le Club des détectivesThe Poisoned Chocolates Case dans l'édition originale britannique — est un roman policier britannique de Anthony Berkeley publié en 1929. C'est le 5e roman de la série mettant en scène Roger Sheringham. Apparaissent également dans ce roman Ambrose Chitterwick et l'inspecteur Moresby de Scotland Yard, d'autres héros récurrents de Berkeley. Le roman est un version allongée de la nouvelle Le Hasard vengeur (The Avenging Chance) publiée par Anthony Berkeley en 1929, mais la solution considérée vraie dans la nouvelle se révèle fausse dans le roman. Les détectives proposent à tour de rôle pas moins de huit solutions différentes au mystère soumis à leur sagacité, ce qui constitue un véritable tour de force dans l'histoire du whodunit. La réunion des limiers en quête d'une solution préfigure les rencontres du Detection Club, fondée par Anthony Berkeley en 1930, et qui compte dans ses rangs G. K. Chesterton, Agatha Christie, Dorothy L. Sayers et d'autres écrivains britanniques de l'Âge d'or du roman d'énigme. Le Club des détectives occupe la 41e place au classement des cent meilleurs romans policiers de tous les temps établie par la Crime Writers' Association en 1990.

Anthony Berkeley Cox (Watford, Hertfordshire, - Londres, ), plus connu sous ses pseudonymes Anthony Berkeley et Francis Iles, est un écrivain britannique de roman policier. Il est le fondateur du célèbre Detection Club (1928), encore en activité aujourd'hui. Sous le pseudonyme d'Anthony Berkeley, il écrit la série des aventures de Roger Sheringham, personnage de détective un peu inhabituel, plutôt violent et désagréable, mais il est également, sous le pseudonyme de Francis Iles, l'autreur de deux autres "classiques", cette fois plus psychologiques, Complicité et Préméditation (dont Alfred Hitchcock a tiré son film Soupçons).

"Bien entendu, Mr et Mrs Bendix n’avaient pas résisté aux chocolats. C’est un ami de Mr Bendix, au club, qui avait reçu la boîte, un envoi promotionnel, et qui les avait offerts au couple. Les chocolats à la liqueur étaient bons, mais un peu forts. Tellement forts, même, que Mr Bendix avait été malade. Et que Mrs Bendix en était morte.

Malheureusement, la police n’a pu remonter la piste des confiseries empoisonnées : aucun indice, aucune trace… Alors, en désespoir de cause, pourquoi ne pas soumettre le problème à la sagacité des éminents membres du Club des Détectives ? Peut-être les amateurs éclairés verront-ils plus loin que Scotland Yard…"

Les 20 règles de S.S. Van Dine publiées en septembre 1928 dans L'American magazine

1. Le lecteur et le détective doivent avoir des chances égales de résoudre le problème. Tous les indices doivent être pleinement énoncés et décrits en détail.

2. L'auteur n'a pas le droit d'employer vis-à-vis du lecteur des " trucs " et des ruses, autres que ceux que le coupable emploie lui-même vis-à-vis détective.

3. Le véritable roman policier doit être exempt de toute intrigue amoureuse ).(...)

4. Le coupable ne doit jamais être découvert sous les traits du détective lui-même ni d'un membre quelconque de la police. Ce serait de la tricherie (...)

5. Le coupable doit être déterminé par une suite de déductions logiques et non pas par hasard, par accident, ou par confession spontanée.

6. Dans tout roman policier il faut, par définition, un policier. Or, ce policier doit faire son travail et il doit le faire bien. Sa tache consiste à réunir les indices qui nous mèneront à l'individu qui a fait le mauvais coup dans le premier chapitre. Si le détective n'arrive pas à une conclusion satisfaisante par l'analyse des indices qu'il a réunis, il n'a pas résolu la question.

7. Un roman policier sans cadavre, cela n'existe pas (... ) Faire lire trois cents pages sans même offrir un meurtre serait se montrer trop exigeant vis-à-vis d'un lecteur de roman policier. La dépense d'énergie du lecteur doit être récompensée.

8. Le problème policier doit être résolu à l'aide de moyens strictement réalistes. Apprendre la vérité par le spiritisme, la clairvoyance ou les boules de cristal est strictement interdit. Un lecteur peut rivaliser avec un détective qui recourt aux méthodes rationnelles. S'il doit rivaliser avec les esprits et la métaphysique, il a perdu d'avance.

9. Il ne doit y avoir, dans un roman policier digne de ce nom, qu'un véritable détective. Réunir les talents de trois ou quatre policiers pour la chasse au bandit serait non seulement disperser l'intérêt et troubler la clarté du raisonnement, mais encore prendre un avantage déloyal sur le lecteur.

10. Le coupable doit toujours être une personne qui ait joué un rôle plus ou moins important dans l'histoire, c'est-à-dire quelqu'un que le lecteur connaisse et qui l'intéresse. Charger du crime, au dernier chapitre, un personnage qu'il vient d'introduire ou qui a joué dans l'intrigue un rôle tout a fait insignifiant, serait, de la part de l'auteur, avouer son incapacité de se mesurer avec le lecteur.

11. L'auteur ne doit jamais choisir le criminel parmi le personnel domestique tel que valets, laquais, croupiers, cuisiniers ou autres. Ce serait une solution trop facile. (... ) Le coupable doit être quelqu'un qui en vaille la peine.

12. Il ne doit y avoir, dans un roman policier, qu'un seul coupable, sans égard au nombre d'assassinats commis. (...)

13. Les sociétés secrètes, les mafia, (...), n'ont pas de place dans le roman policier. L'auteur qui y touche tombe dans le domaine du roman d'aventures ou du roman d'espionnage.

14. La manière dont est commis le crime et les moyens qui doivent mener à la découverte du coupable doivent être rationnels et scientifiques. La pseudoscience, avec ses appareils purement imaginaires, n'a pas de place dans le vrai roman policier.

15. Le fin mot de l'énigme doit être apparent tout au long du roman, à condition, bien sûr, que le lecteur soit assez perspicace pour le saisir. Je veux dire par là que, si le lecteur relisait le livre une fois le mystère dévoilé, il verrait que, dans un sens, la solution sautait aux yeux dès le début, que tous les indices permettaient de conclure à l'identité du coupable et que, s'il avait été aussi fin que le détective lui-même, il aurait pu percer le secret sans lire jusqu'au dernier chapitre. Il va sans dire que cela arrive effectivement très souvent et je vais jusqu'à affirmer qu'il est impossible de garder secrète jusqu'au bout et devant tous les lecteurs la solution d'un roman policier bien et loyalement construit. Il y aura toujours un certain nombre de lecteurs qui se montreront tout aussi sagaces que l'écrivain (... ). C'est là, précisément, que réside la valeur du jeu (...).

16. Il ne doit pas y avoir, dans le roman policier, de longs passages descriptifs pas plus que d'analyses subtiles ou de préoccupations atmosphérique. Cela ne ferait qu'encombrer lorsqu'il s'agit d'exposer clairement un crime et de chercher le coupable. De tels passages retardent l'action et dispersent l'attention, détournant le lecteur du but principal qui consiste à poser un problème, à l'analyser et à lui trouver une solution satisfaisante. (... )

17. L'écrivain doit s'abstenir de choisir son coupable parmi les professionnels du crime. Les méfaits des bandits relèvent du domaine de la police et non pas de celui des auteurs et des détectives amateurs. De tels forfaits composent la grisaille routinière des commissariats, tandis qu'un crime commis par une vieille femme connue pour sa grande charité est réellement fascinant.

18. Ce qui a été présenté comme un crime ne peut pas, à la fin du roman, se révéler comme un accident ou un suicide. Imaginer une enquête longue et compliquée pour la terminer par une semblable déconvenue serait jouer au lecteur un tour impardonnable.

19. Le motif du crime doit toujours être strictement personnel, (... )

20. Enfin, je voudrais énumérer quelques trucs auxquels n'aura recours aucun auteur qui se respecte parce que déjà trop utilisés, et désormais familiers à tout amateur de littérature policière :

  • a. La découverte de l'identité du coupable en comparant un bout de cigarette trouvé à l'endroit du crime à celles que fume un suspect.
  • b. La séance spirite truquée au cours de laquelle le criminel, pris de terreur, se dénonce.
  • c. Les fausses empreintes digitales
  • d. L'alibi constitué au moyen d'un mannequin.

Mon avis  :

Le club des détectives est structurellement très proche de la série des Veuf noirs d'Isaac Asimov qui s'en est probablement inspiré.

C'est Monsieur Chitterwick, l'alter ego du serveur Henry chez Asimov, le personnage le plus humble, le plus timide et le plus effacé, qui résout le mystère. Berkeley et Asimov se sont certainement souvenus du Père Brown de J.K. Chesterton.

J'en étais arrivé personnellement à la "solution" de Roger Sherringham, l'antépénultième à prendre la parole, solution qui est paraît-il, celle de la nouvelle (je l'ai appris après). Je m'étais pourtant juré de résister aux "cartes forcées" de l'auteur  et de n'écarter aucune possibilité, même les plus invraisemblables, par exemple que le coupable puisse être le mari (c'est la "solution" de Sheringham)... ou même un  membre du club...

... J'aurais dû me douter que d'un point de vue "structuraliste",  ce ne pouvait être que le petit monsieur timide et effacé (Chitterwick) qui aurait, au sens propre et au sens figuré "le dernier mot" et que, dans la mesure où il prend la parole avant lui, la solution de Sheringham ne pouvait pas être "la bonne". Bref, j'ai oublié que j'avais affaire à des "personnages de papier" et je me suis retrouvé chocolat...

C'est d'autant plus rageant que l'auteur a l'obligeance de nous fournir (chapitre XVI, p. 136) un tableau récapitulatif établi par les soins de Mr. Chitterwick  comportant le nom des détectives du club, le point de vue, le fait saillant, le modus operandi, le cas parallèle dont le crime semble s'inspirer et enfin le criminel proposé par chacun d'eux.

Sachant que ce dernier ne peut être aucun de ceux proposés avant que Mr. Chitterwick ne prenne la parole, le lecteur plus perspicace que je ne l'ai été a donc toutes les cartes en main pour devancer sa conclusion qui est la seule bonne.

Les autres solutions proposées, celles de Sir Charles Wildman, celle de Mrs. Fielder Fleming, celle(s) de Bradley, de Sheringham ou de Miss Alicia Dammers étaient tout aussi possibles et convaincantes, à condition, évidemment, d'ignorer ce qu'un autre membre du club réussit à apprendre, réduisant en miettes les conclusions de son prédécesseur. Huit solutions différentes, donc,  pour une même énigme :  Chapeau l'artiste !

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :