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Pierre Reverdy, Ferraille, Plein verre, Le chant des morts, Bois vert suivi de Pierres blanches, préface de François Chapon, NRF Poésie/Gallimard, 1981

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Il ne faut jamais se fier aux apparences et parler d'un homme sans savoir ce qui se passe dans sa tête quand il se trouve seul, la lumière éteinte, entre ses draps. (Pierre Reverdy)

La vie et l'œuvre de Pierre Reverdy

Pierre Reverdy est né à Narbonne le 13 septembre 1889, à midi. Il vécut à Paris et à Solesmes ; il est mort à Solesmes en 1960. Il grandit au pied de la Montagne Noire dans la maison de son père, qui lui transmet le lire et l'écrire. Plusieurs de ses proches ancêtres avaient été sculpteurs, travaillant la pierre d'église et le bois. Il fait ses études au petit lycée de Toulouse et au collège de Narbonne. On imagine l'influence qu'eurent sur le jeune homme les spectacles offerts par la dernière décennie du XXème siècle en Languedoc : misère, émeutes et répression du peuple à qui on ne sait plus, selon le mot de Rousseau, qu'envoyer les soldats pour signifier : "payez ou mourez !" Il y eut des morts.

Exempté de service militaire, ce qui ne l'empêchera pas de s'engager dans la première guerre mondiale avant d'être réformé en 1916, il arrive à Paris le 3 octobre 1910. Il vit, travaille et souffre ; travaille pour vivre, écrit et fabrique des livres, du côté du Bateau-Lavoir. Pendant seize ans. Les noms pour ces années sont ceux de ses amis et des livres : Juan Gris, Picasso, Braque, Matisse, Léger, Max Jacob... La lucarne ovale, Le voleur de Talan, Les ardoises du toit, Les jockeys camouflés, La guitare endormie, Cravates de chanvre, Les épaves du ciel...

Il fonde la revue Nord-Sud en 1917. Son père l'avait laissé libre : en 1926, "il choisit librement Dieu". Il vit à Solesmes jusqu'à sa mort - "un affreux petit village réel". De ses voyages, il ne parle pas (Italie, Espagne, Grèce, Suisse, Angleterre.... "Ici ou là tout est pareil")

Du livre de mon bord à la Liberté des mers (1959), il écrit sans beaucoup de ratures. Quelques déplacements vers Paris le persuadent vite de rentrer à Solesmes où il achève sa vie.

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Brassaï, pseudonyme de Gyula Halász, le 9 septembre 1899 à Brasov (hongrois: Brassov - ville alors austro-hongroise et rattachée à la Roumanie depuis) et mort le 8 juillet 1984 à Èze (Alpes-Maritimes), était un photographe français d'origine hongroise, et aussi dessinateur, peintre, sculpteur et écrivain.

Portrait de Reverdy par Brassaï : "Reverdy dans son labyrinthe"

"Comment admettre que notre conversation commencée il y trente ans rue La Boétie à l'époque de Minotaure soit à jamais interrompue ; que je ne rencontrerai plus jamais la silhouette de provincial un peu endimanché, un peu gauche et dépaysé sur l'asphalte de Paris ; que je ne reverrai plus jamais son chapeau noir, sa gabardine, son complet bleu marine, son nœud papilllon ; que je n'aurai plus jamais le plaisir de regarder sa tête altière aux longs cheveux drus, noir de corbeau, balayant ce front têtu et une nuque habituée à de brusques coups de tête, son visage basané de campagnard émergeant toujours d'un nuage de soie claire, ses lèves qui s'entrouvraient sur des dents si blanches ; que je n'affronterai plus jamais le feu de son regard de petit taureau noir et trapu, prêt à charger ; que je n'entendrai plus jamais ses rocailleux et chaleureux "Mon cher..." de sa voix la plus mâle que je connaisse, d'une inoubliable résonnance.

J'ai rencontré l'homme avant de connaître sa poésie. L'homme rayonnait de santé et du contentement de vivre. Ses gestes vifs et tranchants, sa voix, sa volubilité méditerranéenne, son tempérament nerveux, son rire d'enfant, étaient ceux d'un homme parfaitement à l'aise dans sa peau, qui sourit à la vie et à qui la vie sourit. Il aimait manger bien et bien boire, adorait les femmes, le grouillement de la rue, les terrasses de café, les devantures, les journaux, les livres, et témoignait d'un intérêt passionné pour l'art et ses liens secrets avec la poésie. Et comme il se laissait échauffer par son sang vif, par une idée qui lui passait par la tête, par l'alcool, pour discourir ou même discuter pendant des heures et des heures, en homme qui avait tout son temps à perdre, en marcheur infatigable. Rien dans son apparence, dans sa curiosité toujours en éveil pour toutes choses, ne m'aurait fait supposer que cet homme si bien portant, resplendissant et beau, cachait une blessure dans son âme qu'il savait inguérissable, comme le révéla plus tard sa poésie. Et je n'avais pas encore lu son avertissement, qu'il ne faut jamais se fier aux apparences et parler d'un homme sans savoir "ce qui se passe dans sa tête quand il se trouve seul, la lumière éteinte, entre ses draps." (Mercure de France, 1962, janvier, n° 1181, numéro spécial Pierre Reverdy, p. 159-160)

Klee, Paul : Pauvre ange

Paul Klee, Pauvre ange

Outre mesure

Le monde est ma prison

Si je suis loin de ce que j'aime

Vous n'êtes pas trop loin des barreaux à l'horizon

L'amour la liberté dans le ciel trop vide

Sur la terre gercée de douleurs

Un visage éclaire et réchauffe les choses dures

Qui faisaient partie de la mort

A partir de cette figure

De ces gestes de cette voix

ce n'est que moi-même qui parle

Mon cœur qui résonne et qui bat

Un écran de feu abat-jour tendre

Entre les murs familiers de la nuit

cercle enchanté des fausses solitudes

Faisceaux de reflets lumineux

regrets

tous ces débris du temps crépitent au foyer

Encore un plan qui se déchire

un acte qui manque à l'appel

Il reste peu de chose à prendre

Dans un homme qui va mourir.

Chair vive

Lève-toi carcasse en marche

Rien de neuf sous le soleil jaune

Le der des ders des louis d'or

La lumière qui se détache

sous les pellicules du temps

La serrure au cœur qui éclate

Un fil de soie

Un fil de plomb

Un fil de sang

Après ces vagues de silence

Ces signes d'amour au crin noir

Le ciel plus lisse que ton œil

Le cou tordu d'orgueil

Ma vie dans la coulisse

d'où je vois onduler les moissons de la mort

Toutes ces mains avides qui pétrissent des boules de fumée

Plus lourdes que les piliers de l'univers

Têtes vides

Cœurs nus

Mains parfumées

tentacules des singes qui visent les nuées

Dans les rides de ces grimaces

Une ligne droite se tend

Un nerf se tord

La mer repue

L'amour

L'amer sourire de la mort.

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