Didier Eribon, Retour à Reims, Champs essais, Flammarion, 2010
Didier Eribon est professeur à la faculté de philosophie, sciences humaines et sociales de l'université d'Amiens. Il a également enseigné à l'université de Berkeley (Etats-Unis). Auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Réflexion sur la question gay (Fayard, 1999), Une morale du minoritaire (Fayard 2001), D'une révolution conservatrice et de ses effets sur la Gauche française (Léo Scheer, 2007).
Quatrième de couverture :
"Après la mort de son père, Didier Eribon retourne à Reims, sa ville natale, et retrouve son milieu d'origine, avec lequel il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Il décide alors de se plonger dans son passé et de retracer l'histoire de sa famille. Evoquant le monde ouvrier de son enfance, restituant son ascension sociale, il mêle à chaque étape de ce récit intime et bouleversant les éléments d'une réflexion sur les classes, le système scolaire, la fabrication des identités, la sexualité, la politique, le vote, la démocratie...
Réinscrivant ainsi les trajectoires individuelles dans les déterminismes collectifs, Didier Eribon s'interroge sur la multiplicité des formes de domination et donc de résistance..."
Alternant analyse sociologique, autoanalyse et évocation du milieu ouvrier de son enfance et de son adolescence, Didier Eribon réussit à montrer comment des concepts théoriques comme ceux d'idéologie dominante, d'aliénation, d'habitus de classe, de reproduction sociale, etc. peuvent éclairer l'expérience, en l'occurrence la sienne et celle de ses proches et comment son expérience personnelle peut illustrer ces concepts sans pour autant s'y réduire puisqu'il a pu échapper, au moins en partie, à l'emprise de ce qu'ils désignent.
Dans Retour à Reims, l'auteur enrichit donc notre compréhension des mécanismes de domination, mais il transmet aussi et surtout, au-delà de la dimension strictement sociologique et de la scientificité de ses analyses, une émotion poignante loin d'être passive - la compassion et le chagrin n'excluent pas l'indignation et la révolte - devant les vies gâchées et la souffrance des sans voix.
Cet équilibre rarissime dans le domaine des sciences justement appelées "humaines" entre son contenu subjectif, singulier et émotionnel irréductible et sa dimension universelle, objective et théorique partagée font de Retour à Reims un modèle du genre, le petit frère de Surveiller et Punir de Michel Foucault ou de Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss.