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Les Fleurs du mal est le titre d'un recueil de poèmes en vers de Charles Baudelaire, englobant la quasi-totalité de sa production poétique, de 1840 jusqu'à sa mort survenue fin août 1867. 

Charles Baudelaire est un poète français. Né à Paris le , il meurt dans la même ville le occupe une place considérable parmi les poètes français pour un recueil qu'il aura façonné sa vie durant : Les Fleurs du Mal.

"Correspondances" est le quatrième poème du recueil Les Fleurs du mal publié en 1857. Situé dans la section "Spleen et Idéal", il suit le poème Élévation et précède Les Phares.

"Le terme de "correspondance" appartient au vocabulaire ésotérique et mystique (Platon, Swedenborg) ; Baudelaire a précisé sa pensée dans ses Notes nouvelles sur Edgar Poe (1857) : "C'est cet admirable, cet immortel instinct du Beau qui nous fait considérer la Terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du ciel. La soif insatiable de tout ce qui est au-delà, et que révèle la vie, est la preuve la plus évidente de notre immortalité. C'est à la fois par la poésie et à travers la poésie, par et à travers la musique que l'âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau." Le rôle exaltant du poète sera donc de saisir intuitivement ces mystérieuses correspondances "pour atteindre une part de cette splendeur surnaturelle". Ce sonnet expose aussi l'idée des correspondances sensibles qui vont révolutionner l'expression poétique devenue chez Rimbaud "sorcellerie évocatoire" (d'après le Lagarde et Michard du XIXème siècle)

Baudelaire distingue deux types de correspondances :

- Les correspondances verticales : la réalité qui nous entoure est composée de « symboles » que seul le poète peut déchiffrer et qui lui permettent d’entrevoir le monde invisible et immatériel de l’Idéal. Il existerait ainsi une communication secrète entre le monde matériel visible et le monde invisible de l’Idéal, ce sont les correspondances verticales.

- Les correspondances horizontales : c’est l’idée que le monde qui nous entoure, malgré son apparent désordre et son chaos, posséderait une profonde unité. Ces correspondances horizontales se traduisent concrètement chez Baudelaire par le mélange des sensations qui semblent se fondre, fusionner entre elles (on parle de synesthésies, cf. le poème Correspondances : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent »).

La pensée analogique sur laquelle repose la poésie symboliste dit toute autre chose que le rationalisme : « Verum, sine mendacio, certum et verissimum : quod est inferius est sicut quod est superius ; et quod est superius est sicut quod est inferius, ad perpetranda miracula rei unius." : "Il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable : ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour réaliser le miracle de l'unité." (La Table d'Emeraude, attribuée à Hermès Trismégiste). La faculté de saisir les correspondances, l'intuition des symboles, l'imagination créatrice appartient aux poètes et aux artistes.

Correspondances

La Nature est un temple (1) où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles
(2) ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
(3)
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité
(4),
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

II est des parfums
(5) frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants
(6)
,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.


Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
 
Notes :
 
1. Le lieu matériel où l'homme entre en communication avec le monde spirituel
2. il s'agit peut-être d'une allusion aux chênes prophétiques de Dodone, dont le bruissement était censé rendre des oracles.
3. "Tout se rapporte, dans ce monde que nous voyons, à un autre monde que nous ne voyons pas. Nous vivons... au milieu d'un système de choses invisibles manifestées visiblement (Joseph de Maistre)
4. "Ce qui serait vraiment surprenant c'est que le son ne pût suggérer la couleur, que les couleurs ne pussent pas donner l'idée d'une mélodie, et que le son et la couleur fussent impropres à traduire les idées ; les choses s'étant toujours exprimées par une analogie réciproque, depuis le jour où Dieu a proféré le monde (crée le monde par sa Parole) comme une complexe et indivisible totalité." (Richard Wagner et Tannhäuser, 1861)
5. Les parfums occupent une grande place dans la poésie baudelairienne.
6. Correspondance non plus avec d'autres sensations, mais avec des états de l'âme, des idées morales.
 
Travail préparatoire à l'explication du poème :
 
Le thème :

Charles Baudelaire évoque la théorie des "correspondances" sur laquelle repose son art poétique : le symbolisme.

Le plan :

Le poème comporte deux parties : Premier et deuxième quatrains : définition de la notion de "correspondance" (les deux formes de correspondances verticales et horizontales) - Premier et deuxième tercets : exemples de correspondances

Le genre  :

Il s'agit d'un sonnet (deux quatrains et deux tercets) en dodécasyllabes (alexandrins).

Les registres : 

  • Registre lyrique : bien qu'il ne parle pas à la première personne, le poète exprime des impressions personnelles : il se sent observé par le regard familier des symboles, il ressent leur profonde et ténébreuse unité, il établit des correspondances entre les parfums, les couleurs et les sons...
  • Registre didactique : situé au début du recueil, ce poème a la valeur d'un Manifeste. Il contient un enseignement. Le poète se propose d' expliquer au lecteur sa croyance profonde aux correspondances symboliques sur laquelle repose la création poétique.

La situation d'énonciation : 

Le poète s'adresse au lecteur 

Les types de texte :

Le poème est essentiellement descriptif.

Les champs lexicaux :

La Nature : "forêt", "vivants piliers" (arbres) - La religion : "temple", "piliers", "encens" - L'ouïe : "échos", "hautbois", "paroles", "chantent" - La vue : "observent", "regards", "verts" - L'odorat : "frais", "ambre", "musc", "benjoin", "encens" - la confusion : "confuses", "forêts", "se confondent"

Les figures de style :

Allégories : le mot "Nature" est employé avec une majuscule (personnification d'une idée, d'une réalité abstraite) - Oxymores : "vivants piliers" - Métaphore filée : dans le premier quatrain, la Nature est comparée à un temple, les arbres à des piliers et les symboles à des arbres aux paroles confuses - Antithèses : nuit"/"clarté"- Métonymies : "l'homme (le singulier au lieu du pluriel) y passe à travers des forêts de symboles" - Analogies : les arbres sont à la forêt ce que les piliers de pierre sont au temple - Personnifications : "L'homme y passe à travers des forêts de symboles/ Qui l'observent avec des regards familiers" - les parfums corrompus, riches et triomphants... chantent les transports de l'esprit et des sens - Comparaisons : "Dans une ténébreuse et profonde unité/Vaste comme la nuit et comme la clarté" - "Comme de longs échos qui de loin se confondent (...) Les parfums, les couleurs et les sons se répondent." - "Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants"- "doux comme les hautbois" - "verts comme les prairies..." - Métaphores (épithètes métaphoriques) : "parfums corrompus, riches et triomphants" - Hyperboles : "des forêts de symboles" - "Vaste comme la nuit et comme la clarté" - "ayant l'expansion des choses infinies"Enumérations : "les parfums, les couleurs et les sons" - "l'ambre, le musc, le benjoin et  l'encens"

Les temps verbaux : présents gnomiques (de vérité générale) : "est", "laissent", observent", "se confondent", "se répondent", "est" (il est), "chantent". L'emploi du présent de vérité générale montre la dimension didactique du poème. Remarquer l'opposition entre "est" ("la Nature est un temple") et "passe" ("l'homme y passe à travers une forêt de symboles")

Connecteurs : "où" (pronom relatif indiquant le lieu), "y": adverbe de lieu, "de loin" : locution adverbiale de lieu, "dans" : préposition indiquant le lieu, "et" ("et d'autres") conjonction de coordination à valeur adversative (mais). L'imagination poétique se déploie dans l'espace horizontal et vertical.

Les types de phrases : phrases déclaratives

La structure des phrases :

Le sonnet est composé trois phrases ; le premier quatrain comporte une seule phrase, ainsi que le second. La troisième phrase enjambe les deux tercets. - Premier quatrain : proposition principale + proposition subordonnée relative - Proposition principale + proposition subordonnée relative - Deuxième quatrain : la proposition subordonnée précède la principale - Premier et second tercet : proposition principale + proposition subordonnée participiale + subordonnée relative

La modalisation (présence de l'énonciateur dans l'énoncé) :

"parfois", "regards familiers", "ténébreuse et profonde unité", "vaste comme la nuit et comme la clarté", "frais comme des chairs d'enfants", "corrompus, riches et triomphants", "qui chantent les transports de l'esprit et des sens"

Les jeux sur les sonorités :

Assonances : "vivants piliers", "parfois sortir de confuses paroles", "forêts de symboles", "de longs échos qui de loin se confondent", "frais comme des chairs d'enfants", "riches et triomphants", "l'expansion (diérèse) des choses infinis", "qui chantent les transports" - Allitérations : "La nature est un temple", "parfois/paroles", "forêts/familiers", "comme la nuit et comme la clarté", "les sons se", "parfums frais", "corrompus, riches et triomphants", "l'ambre, le benjoin", "le musc, l'encens", "qui chantent les transports"

Problématique :

En quoi ce poème constitue-t-il un Manifeste du mouvement symbolique ?

Axes d'étude : 1. Le thème de la nature a) La dimension sacrée de la Nature - b) La dimension symbolique de la Nature - 2. Le poète, médiateur entre la Nature et les autres hommes - a) Le recours aux synesthésies - b) Le statut du poème (passage de la confusion à la clarté) 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Charles Baudelaire, Correspondances" (suite)

 

 

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