Lao Tseu, Tao Te King, texte traduit et présenté par Claude Larre, Préface de François Cheng, Les Carnets, Desclée de Brouwer, 2010
Lao Tseu ou Laozi ou Lao Zi (chinois : 老子 ; pinyin : ; Wade : Lao³ Tzu³), plus communément appelé en Chine Tàishàng lǎojūn (太上老君, , « Seigneur suprême Lao »), de son vrai nom Li Er (李耳, ), aurait été un sage chinois et, selon la tradition, un contemporain de Confucius (milieu du VI ème siècle av.J.C. - milieu du Vème siècle - fin de la période des Printemps et Automnes). Il est considéré a posteriori comme le père fondateur du taoïsme. Il serait né dans le pays de Chu du royaume des Zhou et serait parti pour une retraite spirituelle vers l’ouest de la Chine actuelle avec une destination inconnue. Les informations historiques le concernant sont rares et incertaines et sa biographie se développe à partir de la dynastie Han, essentiellement à partir d’éléments surnaturels et religieux ; quelques chercheurs sceptiques estiment depuis la fin du XXe siècle qu'il s’agit d’un personnage fictif ou composite, et non proprement historique. Le Tao Tö King (Livre de la Voie et de la Vertu) que la tradition lui attribue est un texte majeur du taoïsme, considéré comme important par d'autres courants également. Lao Tseu est considéré par les taoïstes comme un dieu (太上老君, , « Seigneur suprême Lao ») et comme leur ancêtre commun. Il est représenté comme un vieillard à la barbe blanche, parfois monté sur un buffle.
La voie qu'on peut énoncer
N'est déjà plus la Voie
Et les noms qu'on peut nommer
ne sont déjà plus le Nom
Sans Nom
Commence le Ciel Terre
Les noms
Donnent leur Mère aux Dix mille êtres
Ainsi le toujours sans attrait
invite à contempler le mystère
Et le toujours plein d'attraits
A considérer ses aspects manifestes
Ces deux-là nés ensemble
Sous des noms différents
Sont en fait ensemble l'Origine
Et d'origines en Origine
La porte du mystère merveilleux
Préface par François Cheng :
"C'est avec une profonde sympathie que j'ai lu cet ouvrage. Par sa traduction, à la fois sobre et vivante, sans tournures pédantes et d'une remarquable justesse de ton, le Père Larre propose une version vraiment neuve du texte de Lao Tseu.
Il convient de souligner que l'approche, chez l'auteur, de la pensée taoïste demeure liée à sa foi chrétienne. Là encore on pourrait se demander si cet éclairage particulier ne l'a pas entraîné à déformer la pensée qu'il traitait. Je crois pouvoir affirmer, après la lecture du livre, que cette crainte n'est pas fondée. Le propos de l'auteur, même s'il fait quelques rapprochements, n'est point de tirer la doctrine de Lao Tseu à sa propre croyance. Sa connaissance de la philosophie chinoise se situe à un tout autre niveau, celui de l'expérience vécue.
C'est en effet en Chine même, il y a trente ans, que Claude Larre a eu connaissance, presque par hasard, d'un texte de Huai-nan-tseu - cet autre ouvrage fondamental du taoïsme - et cela a provoqué en lui, selon sa propre expression, une violente impression. Depuis, il a eu le temps d'approfondir la pensée taoïste au point que celle-ci est devenue une part intime de son être. Cette lente assimilation d'une pensée autre ne s'est pas faite, toujours selon l'affirmation du Père Larre, au détriment de la foi chrétienne. Au contraire, elle lui a permis de saisir, par-delà les éléments accumulés par la tradition, ce qu'il y a d'originel et d'essentiel dans le christianisme. Et inversement, la spiritualité chrétienne l'a mis à même de s'ouvrir à cette autre spiritualité qu'est le taoïsme, et d'y puiser la meilleure part. Loin donc de verser dans la confusion des doctrines, l'auteur fait part d'une "compréhension" et d'une "entente" authentiquement vécues. Il n'a pas manqué, une fois la différence reconnue, de souligner chez Lao Tseu ce même respect foncier de la vie, cette même interrogation sur le mystère de la destinée humaine, le rapport entre l'homme et l'univers comme une même recherche d'une possibilité de vivre.
Livre de témoignage et de réflexion, cet ouvrage, tout en transmettant une connaissance sûre, offre une voie de recherche pour les hommes d'aujourd'hui."
Présentation par Claude Larre :
"A ce livre, je souhaite des lecteurs simples et honnêtes, ennemis acharnés des idées toutes faites.
Ils se satisferaient de n'être que mille expressions silencieuses de l'agir naturel, seulement occupés à contempler l'invisible sur fond d'abîme, dans une conscience ferme et tranquille, présents aux aspects manifestés du monde.
Ces gens, serviteurs de l'invisible, prêteraient l'oreille pour discerner, à travers la rumeur insignifiante, la parole authentique qui sans grammaire et sans bruit monte jusqu'au coeur. A la suggestion des monts couronnés de forêts, se reflétant confusément dans le fleuve, ils traceraient des calligrammes pour exprimer moins les êtres que leur origine et leur forme, leur parcours et les relations qu'ils entretiennent entre eux.
Ces hommes merveilleux sont des gens de coeur, incapables de distinguer entre leur coeur et leur esprit. Ils sont heureux de vivre et contents de tout, bons avec les bons et bons avec les méchants, sans amour et sans haine, ne rejetant rien et n'abandonnant personne, attachés à maintenir et à parfaire une abnégation propre, seul fondement d'une relation authentique.
Ils se passionnent avec discernement et se rendent invulnérables par ce détachement. Toujours vides, toujours présents, toujours disposés pour une plénitude. A ceux qui les approchent, ils permettent de traverser dans le souiller le vase offert de leur coeur.
Ayant fait l'expérience de Vide, ils ne vont pas aux Ecoles et ne recherchent pas un Maître. Ils apprennent plutôt à désapprendre et se trouvent bien de se conformer au précepte :
Regardez le Simple et embrassez le Brut
Soyez désintéressés et soyez sans désirs
Ils rient des arguments qu'on essaye sur eux. Ils écartent de la main les réfutations qu'on fait de leur manière de vivre. Sans mépris et sans condescendance, établis en eux-mêmes, ils balayent le cercle de leurs contradicteurs :
Parlez, supputez à l'infini
Mieux vaut garder le Centre
La cascade des mots éloigne du centre et de l'origine, qui ne sont qu'une seule et même chose. En se multipliant, les mots se perdent dans l'irréel et nous avec.
Leur humilité foncière les a enracinés en pleine terre et les soumet toujours aux contraintes bienheureuses d'une existence singulière. Ils puisent dans l'humus, mais s'appuient sur leur tige, pour monter le long de leur nature particulière. Ainsi, faisant de la nécessité naturelle leur vertu personnelle, vont-ils à la rencontre de la lumière que le ciel splendide déverse sur leur croissance. Ils accomplissent les promesses d'un destin propre inséparable du reste du monde.
Fleurs écloses soudain, fruits lentement formés, alourdis de tant de soleils et de pluie comme des apports de la terre, ils sont, avant de s'en aller, les gardiens de cette semence, toujours la même, d'où ils sont venus.
Lecteurs occasionnels, vous allez découvrir par vous-mêmes, à loisir, les pages qui s'ouvrent. Si vous vous ouvrez vous-mêmes à ce qui s'ouvre pour vous, peut-être pressentirez-vous que la Vertu commande d'aller, sans s'attarder dans nos erreurs, à la vie."
La parole authentique
N'est pas séduisante
La parole séduisante
N'est pas authentique
Le Bien n'argumente pas
L'argument ne fait pas le Bien
La connaissance n'est pas le vaste savoir
Le vaste savoir ignore la connaissance
Le Saint n'accumule pas
Plus il fait pour les autres
Plus il a pour lui-même
Plus il donne aux autres
Plus il s'enrichit
La Voie du Ciel
Avantage et ne nuit pas
La Voie du Saint
Agit et ne conteste pas