Correspondance René Char/Albert Camus (1946-1959), Correspondance croisée établie. présentée et annotée par Franck Planeille, enrichie d'annexes et de documents inédits, Editions Gallimard, collection blanche et en Livre de Poche, 2007
"On savait Char et Camus frères en amitié. Les quelque deux cents lettres inédites ici rassemblées l'attestent. qui retracent ce que furent les engagements et les travaux communs des deux hommes après-guerre et leur proximité attentive et réciproque. Mais ce qui donne tout son sens à cette correspondance est ce qui l'a peut-être initiée : la rencontre et la reconnaissance de deux œuvres en même temps que leur convergence dans une époque de démesure et de déraison. Tout comme " l'envie d'écrire des poèmes ne s'accomplit que dans la mesure précise ou ils sont pensés et sentis à travers de très rares compagnons " Char à Camus, le moment de doute dans l'accomplissement d'une œuvre ne peut que s'appuyer sur " l'ami. quand il sait et comprend, et qu'il marche lui-même. du même pas " (Camus à Char)... Une façon lumineuse, entre Ventoux et Luberon. de rejoindre l'intuition de Julien Gracq qui, avec l'éloignement du temps, voyait se " rapprocher aussi. dans la signification de leurs œuvres. deux amis dont les silhouettes pouvaient sembler si différentes". (source Editions Gallimard)
Où s’étourdit notre affection ? Cerne après cerne, s’il s’approche c’est pour aussitôt s’enfouir. Son visage parfois vient s’appliquer contre le nôtre, ne produisant qu’un air glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n’est nulle part désormais, toutes les parties - presque excessives- d’une présence se sont d’un coup disloquées. Misère de notre vigilance…
Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d’essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l’épaisseur d’une paupière tirée.
Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. Qu’en est-il alors ? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s’ouvre pour lui livrer passage. Le voici à notre hauteur, puis loin, devant.
A l’heure de nouveau contenue où nous questionnons tout le poids d’énigme, soudain commence la Douleur, celle de compagnon à compagnon, que l’archer cette fois, ne peut pas transpercer." (René Char, L'éternité à Lourmarin)
"Même ma mort me sera disputée. Et pourtant ce que je désire de plus profond aujourd'hui est une mort silencieuse, qui laisserait pacifiés ceux que j'aime." (Albert Camus "Carnets" 1949-1959)