/https%3A%2F%2Frcf.fr%2Fsites%2Fdefault%2Fstatic.rcf.fr%2Fradios%2Frcf18%2Femissions%2F2015_04_21.jpg)
Brève apologie pour un moment catholique
Présentée par Bruno Siméon, Dimitri Vetois, Guy Colrat, Jean-Claude Martin, Robin Guilloux Guy Colrat et son équipe commente l'ouvrage de Jean-Luc Marion, philosophe et académicien français, ...
https://rcf.fr/spiritualite/breve-apologie-pour-un-moment-catholique
Ecrit à la toute fin de la vie de l'auteur, publié en 1897 à la Bibliothèque-Charpentier, Divagations est un recueil de textes poétiques et de réflexions en prose de Stéphane Mallarmé. D'une grande modernité, cet ouvrage introduit pour la première fois en littérature la notion d'« essai poético-critique », à savoir un mélange entre poésie, essai et critique. L'ouvrage se compose de deux parties : d'abord une suite de poèmes en prose ; puis les « divagations » proprement dites, accumulation de réflexions critiques sur divers sujets.
Étienne Mallarmé, dit Stéphane Mallarmé, né à Paris le 18 mars 1842 et mort à Valvins (commune de Vulaines-sur-Seine, Seine-et-Marne) le 9 septembre 1898, est un poète français, également enseignant, traducteur et critique.
Jean-Luc Marion évoque dans son dernier livre : Brève apologie pour un moment catholique (Grasset, 2017), à propos de la notion de "laïcité", le témoignage de Stéphane Mallarmé.
Le poète vivait douloureusement "l'absence de Dieu" qui, rappelle l'auteur, faisant référence à la théologie apophatique, n'est pas "la mort de Dieu", mais "un mode de sa présence" - sinon la Foi se confondrait avec le savoir et Dieu avec la création - on retrouve le même paradoxe à propos de la notion "d'Etre" (le retrait, l'oubli de l'Être) dans l'oeuvre de Heidegger, chez qui Dieu, cependant, n'est pas l'Etre (comme chez Saint Thomas d'Aquin), mais l'Etre la dimension dans laquelle le divin se déploie.
Mallarmé pressentait, "en pleine période d'incubation de la Loi de 1905" que la "laïcité" serait appelée à remplacer le Dieu absent chez les "sujets de la science" (Lacan).
"La Laïcité" n'est pas la séparation des Eglises et de l'Etat - le mot ne figure d'ailleurs nulle part dans la Loi de 1905 -, mais, comme le dit Mallarmé, une notion "qui n'élit aucun sens". Le poète redoutait que cette notion indéfinie ne fût appelée à jouer le rôle de "supplément d'âme" de la science, alors qu'en vertu du scientisme même et de la séparation des Eglises et de l'Etat - et non de la "religion" et de l'Etat, la notion de "religion" étant aussi vague que celle de "laïcité" - les tenants de ladite "laïcité" devraient s'interdire d'investir le domaine des dogmes et du sacré, qu'ils n'ont aucune qualité pour juger.
L'inféodation des Eglises et des croyances à un doctrine d'Etat est dans la logique de la "laïcité de combat" et on sait à quoi a abouti cette entreprise que l'on est en droit de qualifier de "totalitaire" dans l'Histoire récente, aussi bien en URSS que dans l'Allemagne nazie.
Comme le rappelle Albert Camus : "Mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde." C'est pourquoi il convient de substituer au mot "laïcité" ceux de "neutralité" et de "séparation" et au mot "religion", le mot "Eglises".
On parlera donc de "Loi de séparation des Eglises et de l'Etat" et on abolira "laïcité", "bibelot d'inanité sonore" - dont l'origine chrétienne, comme le rappelle aussi J.-L. Marion, est attestée dans un tout autre sens -, en mémoire d'un poète prétendument "ésotérique", auquel l'obstiné souci du vocable juste a coûté tant de tourments : "Eux, comme un vil sursaut d'hydre / Oyant jadis l'Ange, donner un sens plus pur aux mots de la tribu..." (Stéphane Mallarmé, Le tombeau d'Edgar Poe)
"Il ne faut pas reprocher aux "laïcs" (et aux Lumières) de s'opposer aux "religions", mais d'abord de s'imaginer savoir ce dont on parle quand ils prononcent ce mot.
Ils se pourrait d'ailleurs que la laïcité n'offre aucun concept du tout. Ce fut la conviction de Mallarmé : "Considérons aussi que rien, en dépit de l'insipide tendance, ne se montrera exclusivement laïque, parce que ce mot n'élit pas précisément de sens." ("De même", in Divagations, éd. B. Marchal, Oeuvres complètes, Paris, Pléiade, 2003, t.2, p.244) Et Mallarmé savait de quoi il parlait, puisqu'il écrivait ces lignes durant la plus intense période d'incubation de la loi de 1905.
Lui-même "athée", se sachant déserté de Dieu (en quel sens, ceci reste une autre question), il éprouva à l'extrême le manque des noms divins, qui résultait du retrait de la spiritualité et surtout de la liturgie catholique. Lui-même consacra beaucoup de sa meilleure attention à tenter de reconstruire, par les moyens du Livre, de la lettre poétique et de la performance théâtrale, les linéaments d'une telle liturgie (comme Wagner et sans doute d'un meilleur, plus probe échec que le sien).
Espérant d'autres cérémonies, mais sachant fort bien qu'aucune ne retrouverait la "Présence réelle" : ou que le dieu soit là, diffus, total, mimé de loin par l'acteur effacé, par nous su tremblants" ("Catholicisme", in Divagations, ibid., p.241). Il n'imaginait certes pas un instant que ce sacré, voire cette sainteté, puisse surgir de la supposée "laïcité" : "Une prétention qui se targue de laïcité, sans que ce mot invite sens, liée au refus d'inspirations supérieures, soit, tirons-les de notre fonds, imite à présent, dans l'habitude, ce qu'intellectuellement la discipline de la science omettait.
La "laïcité ne sait pas ce qu'elle veut, ni donc ce qu'elle dit, puisqu'elle prétend tirer de son propre fonds ce que par ailleurs elle récuse en vertu de son scientisme, puisqu'elle tente d'investir un domaine auquel elle a dénié toute réalité et dont elle se ferme elle-même l'accès. Il ne reste que cette contradiction, "le risque de choir ou de les prouver, dogmes et philosophie" (ibid., p.241).
Quand elle veut se conquérir un sens positif (c'est-à-dire polémique contre les "religions", donc d'abord contre le catholicisme), elle se mêle de dogmes, mais de dogmes qu'elle ne veut ni ne peut établir et qu'elle nomme d'un terme qui n'a pas de sens positif, des "valeurs". Ainsi, à vouloir énoncer ce qu'elle ne peut penser, risque-t-elle de virer totalitaire." (Jean-Luc Marion, Brève apologie pour un moment catholique, p.76-78)