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Peter Dempf, Le mystère Jérôme Bosch (extrait)

Peter Dempf, Le mystère Jérôme Bosch, traduit de l'allemand par Joël Falcoz, les Editions du Cherche Midi, 2017

"Petronius se sentit pris sur le fait. L'atmosphère étrange qui régnait dans la vieille maison l'incitait à la prudence. Depuis son arrivée, il éprouvait un malaise inexplicable.

"Que voulais-tu me montrer ?" éluda-t-il en ramassant le bâton enduit de résine.

La pièce était plongée dans l'obscurité. Peter prit une chandelle de cire sur une étagère qui se trouvait près de la porte et fit signe à Petronius de l'allumer. Il s'avança ensuite vers un grand chevalet sur lequel on avait posé un tableau recouvert de tissu.

"Tiens !" dit-il en tendant la bougie à son nouveau camarade d'atelier.

D'un mouvement rapide, il releva une partie du drap, découvrant le volet gauche d'un triptyque, et ordonna à Oris de s'approcher. Ce dernier s'exécuta ; ce qu'il vit dans la lumière vacillante de la chandelle lui coupa le souffle. Devant ses yeux s'ouvrait un vaste paysage divisé en quatre plans. Dans la partie supérieure du tableau, le Christ, Salvator Mundi, siégeait sur un trône dans le royaume des cieux, un orbe à la main. Un terrible combat faisait rage au-dessous de lui. Chassés du paradis, les anges déchus étaient précipités vers la terre. Au troisième plan, une Eve pleine d'assurance venait de surgir comme par enchantement du flanc d'un Adam endormi, sous le regard émerveillé de Dieu le Père, revêtu d'une tunique vermillon.

L’œil du spectateur était ensuite naturellement entraîné vers une autre scène se déroulant au deuxième plan : le péché originel. Enroulé autour du tronc de l'arbre de la connaissance, le serpent tentateur, représenté par Bosch avec un buste de femme, n'avait rien de diabolique ni de perfide. Adam et Ève paraissaient deviser sur le goût du fruit défendu, sans être visiblement conscients d'avoir transgressé un interdit. Au premier plan, l'archange Michel chassait les deux pécheurs du jardin d'Eden en brandissant son épée. Mais le couple ne semblait guère triste de quitter le paradis terrestre. Considérant que son geste n'était après tout pas si grave, Adam semblait même essayer d'apaiser la fureur de saint Michel. Quant à Ève, elle s'était déjà éloignée et ignorait ostensiblement l'envoyé de Dieu.

La composition tout entière était sidérante.

"Tu comprends à présent ? murmura Pieter. Pour le maître, tout est matière à réflexion. Même sa manière de représenter la chute des anges rebelles et le bannissement du jardin d'Eden est singulière. Personne n'a pensé comme ça avant lui." (p.85-86)

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