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Sophie Hannah, La mort a ses raisons

Sophie Hannah, La mort a ses raisons (Closed Casket), une nouvelle enquête d'Hercule Poirot, le héros d'Agatha Christie, traduit de l'anglais par Valérie Rosier, Editions du masque

Quatrième de couverture : 

"Hercule Poirot et l'inspecteur Catchpool se demandent bien pourquoi ils ont été invités à la réception organisée par Athelinda Playford, qu'ils n'ont jamais rencontrée. Quand, au cours de la soirée, celle-ci annonce qu'elle a décidé de déshériter ses enfants en faveur de son secrétaire - qui n'a plus longtemps à vivre -, Poirot et Catchpool comprennent que leur invitation n'était pas le fruit du hasard : lady Playford craint de voir un meurtre se perpétuer sous son toit. Dans ce cas, pour quelles raisons provoquer ainsi son assemblée ? Rien de surprenant, donc, à ce qu'un crime soit effectivement commis. Mais la mort a ses raisons qu'Hercule Poirot ignore. Pour le moment...

Extrait : 

"- Elle l'a tué ! Je l'ai vue !

En entendant ces mots surprenants, je me retournai vers le petit salon. C'était Sophie qui avait proféré cette accusation et, toujours agenouillée près du corps de Scotcher, elle nous regardait tous d'un air farouche.

- Mademoiselle, intervint Poirot en s'avançant d'un pas. Soyez très prudente quand vous répondrez à ma question. Vous êtes bouleversée, ce qui est bien compréhensible, mais vous devez dire la vérité, et vous concentrer un instants sur les faits. Êtes-vous prête à déclarer que vous avez vu qui a tué M. Scotcher ?

- Je l'ai vue, c'est elle ! Elle avait le gourdin à la main et elle... elle lui tapait sur la tête à coups redoublés. Elle s'est acharnée sur lui ! Il la suppliait, mais elle n'a pas voulu arrêter. Elle l'a tué !

- Qui donc, mademoiselle ? Qui accusez-vous de meurtre ?

Lentement, Sophie Bourlet se releva et, d'un bras tremblant, pointa son doigt."

Mon avis sur le livre :

L'histoire débute de façon assez convenue par l'invitation dans la propriété d'une célèbre auteure de romans policiers pour adolescents, un château historique en Irlande, de gens dont certains ne se connaissent pas et qui n'auraient pas eu l'occasion de se rencontrer dans la vie "normale", dont Hercule Poirot et l'inspecteur Catchpool (cf. Meurtre en majuscules)  qui se demandent ce qu'ils font là, mais ne vont pas tarder à le découvrir.

Elle se poursuit par un meurtre dont la solution semble aller de soi... Mais il faut se méfier des évidences, aussi bien dans la "vraie vie" que dans les romans policiers et ni le profil de la victime, ni le mobile, ni le "modus operandi", ni l'auteur du crime ne correspondent aux apparences.

L'originalité du roman réside essentiellement dans le mobile absolument inédit (du moins à ma connaissance) du crime, un mobile aussi inhabituel que paradoxal, ainsi que dans la psychologie de la victime qui reste finalement un mystère. Poirot a beau mettre en oeuvre toutes ses facultés d'analyse, il ne parvient qu'à formuler des hypothèses à cet égard.

Cette question n'aurait évidemment aucun intérêt en dehors de la construction de l'intrigue si celui auquel je fais allusion (un mythomane pathologique) n'était qu'un "personnage de papier", car on peut rencontrer des gens comme ça dans la "vraie vie".

La mort a ses raisons (titre anglais : Closed Casket = cercueil fermé) est construit sur deux pathologies mentales symétriques : la mythomanie et la névrose obsessionnelle qui s'exacerbent et se renforcent l'une l'autre dans une "montée aux extrêmes".

L'auteure (à travers Poirot) nous incite à lire (ou à relire) une pièce peu connue de Shakespeare : Le Roi Jean. J'ai pensé aussi au Tartuffe de Molière et grâce à une judicieuse remarque de l'un des personnage (une femme) sur le "désintéressement simulé", à L'Idiot de Dostoïevski dont le héros n'est pas un simulateur, mais comment faire la différence, puisque le diable est le singe de Dieu ?... Et bien entendu,  aux analyses de René Girard, grand spécialiste de Shakespeare (Shakespeare ou les feux de l'envie) autour de la rivalité mimétique et du "modèle-obstacle".

Note : "Pour exprimer un monde ainsi corrompu, où rien n’est vrai, rien n’est certain, rien n’est stable, où les valeurs se retournent contre elles-mêmes, la phrase de l’auteur cherche à épouser les tortueux détours de l’âme." (L. Lecocq, "Introduction au Roi Jean", dans William Shakespeare, Œuvres complètes : histoires I,  Bouquins, p. 51.)

Le roman est divisé en trois parties... Poirot ne se montre guère plus perspicace que le lecteur moyen (dont je fais partie) dans les deux premières (il est vrai qu'il n'a pas encore lu Le Roi Jean !) où il est perpétuellement à la remorque des événements et se fait "scotcher" comme les autres.

... Mais les "petites cellules grises" du détective belge aux moustaches en croc vont tout de même finir par se réveiller dans la dernière partie et par faire des étincelles, après une ou deux démarches décisives. 

Le roman m'a semblé plus fidèle à l'esprit d'Agatha Christie que le précédent (Meurtre en majuscules), notamment par la plus grande simplicité de l'intrigue et d'une acuité psychologique comparable à Poirot quitte la scène, où "l'impératrice du crime" introduit dans le roman policier l'idée shakespearienne de "crime par suggestion", inspirée d'Othello.

 

 

 

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