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Imre Kertész, Un autre, chronique d'une métamorphose
Imre Kertész, Un autre, chronique d'une métamorphose
Imre Kertész, Un autre, Chronique d'une métamorphose (Valaki mas. A valtozas kronikaja), traduit du hongrois par Natalia et Charles Zareba, Actes Sud, 1999 pour la traduction française

Illustration de couverture : Boris Zaborov, Jeune homme aux sculptures (détail), 1988, ADAGIP, Paris, 1999

Imre Kertész, né le 9 novembre 1929 à Budapest et mort le 31 mars 2016 dans la même ville, est un écrivain hongrois, survivant des camps de concentration et lauréat du prix Nobel de littérature en 2002.

Imre Kertész est né dans une famille juive de Budapest le 9 novembre 1929.
Déporté à l’âge de quinze ans à Auschwitz, il est ensuite transféré à Buchenwald puis au camp de travail de Zeitz. Il est libéré en 1945. Après avoir obtenu son baccalauréat en 1948, il commence à travailler en tant que journaliste pour le quotidien Világosság, puis il est licencié en 1951 quand le journal est proclamé organe du parti communiste. Après la barbarie nazie, il affronte le communisme totalitaire.

C’est à partir de 1961 qu’il travaille au roman Être sans destin (Actes Sud, 1998), dont l’écriture lui prendra dix ans. L’ouvrage finira par paraître dans une petite maison d’édition en 1975. Son expérience des camps de concentration le marque profondément et imprègne toute son œuvre.

En 1988 paraît Le Refus (Actes Sud, 2001), et en 1990 Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas (Actes Sud, 1995).
Ecrivain de l’ombre pendant quarante ans, il vit avec sa femme dans un studio minuscule, en marge de la société hongroise, et gagne sa vie en rédigeant des comédies musicales et des pièces de boulevard. Après la parution de son premier roman, il effectue également des traductions (il a notamment traduit Nietzsche, Freud, Hofmannsthal, Canetti et Wittgenstein).

Après la chute du Mur, il confie la gestion des droits de ses œuvres à un éditeur allemand. Dans les années 90, par l’intermédiaire de la version allemande de son œuvre, à l’élaboration de laquelle il participe avec minutie, il acquiert petit à petit une grande renommée, d’abord en Allemagne, puis dans le monde entier. En 2002, il reçoit le prix Nobel de littérature.

La maladie de Parkinson dont il est atteint depuis 2000, constitue un nouveau défi tant physique que psychique. Cette expérience de la souffrance détermine la suite de son œuvre, la transformant en affrontement radical. C’est ainsi qu’il publie Sauvegarde, journal 2001-2003 (Actes Sud, 2012) première partie de son dernier opus L’Ultime Auberge (Actes Sud, 2015), qui rassemble l’ensemble de ses journaux de 2001 à 2009. (source : Actes Sud)

Le point de vue des éditeurs :

"Chronique d'une métamorphose : c'est ainsi qu'Imre Kertész a choisi d'intituler le Journal qu'il a tenu entre 1991 et 1995.

Écrivain de l'ombre pendant quarante ans, Imre Kertész est désormais un personnage public dont les textes sont lus ) travers le monde. Doublement traumatisé par l'expérience concentrationnaire puis par la mise au ban du communisme, il se confronte, depuis l'effondrement du communisme d'Etat de la Hongrie, aux conséquences de l'inédite liberté qui lui est enfin échue. Aujourd'hui on lui demande d'être l'éternel témoin de l'Holocauste, on l'invite en Allemagne, en France, en Italie, à Vienne, à Tel-Aviv. Lui-même, à soixante-dix ans, a voulu visiter des lieux de son passé ou découvrir enfin le visage réel d'une Europe qu'il n'avait jusqu'alors appréhendée qu'à travers son immense érudition.

Sous l'influence de Wittgenstein qu'il traduit, Imre Kertész se rencontre et se cherche. Qu'est-il devenu ? Qu'est devenu le monde ? C'est en écrivain que Kertész transforme en autant d'illuminations, et surtout en véritables morceaux de survie, ces questions auxquelles se mêlent rêves et souvenirs, choses vues et expériences marquantes."

Citations :

"Le fait que le vide (mon vide intérieur) suscite un sentiment de culpabilité permet peut-être de tirer une conclusion quant au commencement. L'angoisse a précédé la Création ; l'horreur du vide est un état de fait éthique."(p.9)

"Il pleut. D'anciens dirigeants du Parti s'expriment à la télévision. Ils "croyaient" au Parti. Ils croyaient que des "erreurs", "des fautes" s'étaient produites, mais par exemple, ils croyaient que "Staline ne savait rien" de tout cela, etc. Mais n'allez pas croire qu'ils ne mélangeaient pas ces lieux communs avec des faits réels, leur "foi" avec d'authentiques pensées ou sentiments. La leçon qu'on peut entirer est que ces hommes ont consacré leur vie à un mauvais usage du langage." (p.12-13)

"Où que je regarde, je vois cliqueter des prothèses morales, toquer des béquilles morales, rouler des fauteuils moraux. Il ne s'agit pas d'oublier une époque comme on oublie un cauchemar : car ce cauchemar, c'était eux ; s'ils veulent vivre, ils devraient s'oublier eux-mêmes. Et en réalité personne n'a cherché à savoir si, après une longue mort, il était encore possible, encore séduisant de vivre. Qui a déjà ressuscité - non pour en proclamer le miracle mais seulement pour vivoter, fondamentalement pour faire la même chose qu'avant (pour rien) et sans se rendre compte de l'événement de la résurrection ?" (p.13)

"Je" : une fiction dont nous pouvons tout au plus être les coauteurs. "Je est un autre" (Rimbaud)" (p.15)

A la question idiote : "Voyez-vous une différence entre le fascisme et le communisme ?" on pourrait donner cette brève réponse : le communisme est une utopie, le fascisme est une pratique - le parti et le pouvoir sont ce qui les réunit et font du communisme une pratique fasciste." (p.125)

A propos de la passion du Christ : "Les pères ont condamné l'enfant à mort. Cela, personne ne s'en est jamais remis." (p.131)

(...) Si la raison prend la place de la vie spirituelle, alors commencera le déclin dont la raison sera finalement victime." (p.139)

"On peut éprouver en un seul jour toutes les affres de l'enfer ; cela ne demande pas plus de temps." (Wittgenstein cité p.145 par I'auteur)

"Notre amour était comme un enfant sourd-muet qui court, le visage rieur et les bras tendus, mais dont le visage se tord lentement dans un sanglot parce que personne ne le comprend et qu'il ne trouve pas le but de sa course." (p.149)

Du même auteur :

Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, Actes Sud, 1995

Etre sans destin, Actes Sud, 1998

Mon avis :

Quelle est la dose d'enfer qu'un homme peut supporter sans en mourir ? Peut-il y avoir une culture après Auschwitz ? Y a-t-il une culture d'Auschwitz ? Qu'est-ce qu'être juif ? Comment un rescapé peut-il échapper à "l'humiliation de la survie" ? Doit-il témoigner ? De quoi ? Comment ? Pour qui ?

Comment peut-on supporter de passer quasiment du jour au lendemain de l'obscurité totale à la notoriété mondiale ?

Dans cette chronique d'une "métamorphose", rédigée de 1991 à 1995, dont le titre est un hommage à Franz Kafka, Imre Kertész s'efforce de "chercher à comprendre"... 

"Hannah Arendt affirme que tous ses écrits ont une seule raison d'être : comprendre quelque chose. Mais elle nous laisse avec l'opacité du mot "comprendre". Comprendre, cela signifie en réalité prendre en possession (sinon, ce ne serait pas si important)."

 

 

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