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Amanda Cross, Justice poétique
Amanda Cross, Justice poétique

Amanda Cross, Justice poétique (Poetic Justice), traduit de l'anglais par Frank Reichert, Rivages/Mystère, 1995

L'auteure :

Carolyn Heilbrun, née le 13 janvier 1926 à East Orange au New Jersey et morte le 9 octobre 2003 à New York, est une universitaire américaine, spécialiste de la littérature anglaise, du Bloomsbury Group et de l'histoire de la condition féminine, sujets auxquels elle a consacré plusieurs ouvrages. Sous le nom d'Amanda Cross, elle a publié quatorze romans policiers dont l'héroïne principale, Kate Fansler, enseigne à l'université tout en menant ses enquêtes.

W.H. Auden :

Wystan Hugh Auden, plus connu sous la signature W. H. Auden (York, 21 février 1907 – Vienne, Autriche, 29 septembre 1973) est un poète, essayiste, dramaturge, librettiste et critique d'origine britannique, considéré comme l’un des plus importants et influents poètes du xxe siècle. Il a vécu la première partie de sa vie au Royaume-Uni, puis a émigré aux États-Unis en 1939 et est devenu citoyen américain en 1946. Il est élu Chancelier de l'Academy of American Poets en 1954, il occupera cette charge jusqu'en 1973. 

Quatrième de couverture : 

Au cours d'une soirée donnée en l'honneur de Kate Fansler, l'un de ses adversaires au sein de l'université de New-York trouve la mort après avoir avalé des comprimés d'aspirine. Mort accidentelle ? C'est difficile à croire. Tous les indices accusent le Professeur Fansler et ses amis, ainsi que le poète W.H. Auden dont Kate enseigne l'oeuvre immortelle. Face à ce mystérieux décès, les poèmes d'Auden prennent un sens tout à fait nouveau. Voici une nouvelle enquête de Kate Fansler où se mèlent avec bonheur crime et littérature.

Préface de Claude Chabrol :

Ce ne sera pas une révélation pour les lecteurs d'En dernière analyse, son premier livre publié dans cette collection, de souligner qu'Amanda Cross est une brillante universitaire américaine, professeur d'anglais à l'université Columbia, mais aussi chargée de cours à Yale et à l'université de Californie. Sous son véritable nom, Carolyn Heilbrun, elle a écrit des essais sur Christopher Isherwood, et sur l'androgynie littéraire. Bref, pour les lamentables cuistres - heureusement de plus en plus rares - qui considèrent avec mépris le roman policier, elle est une énorme épine (empoisonnée de surcroît) dans le talon.

On ne saurait dire, en effet que les "polars" d'Amanda Cross en général, et celui-ci en particulier, sont de petits divertissements dénués d'ambition. Certes, l'intrigue respecte scrupuleusement les lois du genre, mais en plus l'écriture est ciselée à la limite de l'affectation (gouffre dans lequel elle ne tombe heureusement pas), les personnages existent, offrent une véritable complexité associée à une certaine grâce poétique, et l'auteur n'hésite pas à nous faire évoluer dans un univers intelligent, dénué de la moindre naïveté.

Il n'est qu'à considérer son héroïne, la très fascinante Kate Fansler, pour comprendre l'extrême subtilité de la démarche crossienne. Kate est donc une universitaire, elle aussi, une véritable intellectuelle, mais dénuée de la pédanterie d'un Philo Vance, et aussi un être ouvert aux autres, capable de comprendre - et de vous faire comprendre - des caractères aussi variés que différents d'elle. Son charme agit peu à peu sur le lecteur qui, en sa compagnie, se sent devenir plus intelligent de page en page.

Outre son intrigue policière - qu'il n'est évidemment pas question de dévoiler ici - mais ne vous impatientez pas : le meurtre finit par arriver - Justice poétique s'attaque à deux domaines qui apparemment ne devraient pas être d'un intérêt particulier pour le lecteur moyen, mais sont si diaboliquement intégrés à l'histoire qu'ils deviennent aussi passionnants qu'une descente de Marlowe dans les bas-fonds de Los Angeles.

L'un d'eux est l'atmosphère des universités américaines dans les années 60, quand tout ce qui semblait acquis est remis en question, quand toute tentative de réforme se heurte à une espèce de lassitude existentielle magnifiquement décrite.

L'autre est plus extravagante encore : Justice poétique est à ma connaissance le seul roman policier qui soit aussi une analyse littéraire très fouillée d'un grand poète contemporain : W.H. Auden. Outre que les quelques citations qui émaillentle récit nous éclairent parfaitement sur les couleurs et les thèmes du poète, le fil même de l'histoire se charge d'analyser toutes les implications de l'oeuvre, et de façon infiniment moins superficielle qu'on ne pourrait le craindre.

Mais, me direz-vous, tout cela n'est-il pas un peu snob ? Sans doute. Mais Amanda Cross s'est elle-même posée la question : "Certains trouveront peut-être mes livres snobs. Mais j'ai décidé que c'était inévitable."

Sans doute s'en fout-elle éperdument. (Claude Chabrol)

Citation :

Ce collège d'adultes doit absolument faire sa valise ; Bob O'Toole et moi-même avons...

- Voyons Jerry, dit Clemance. Cette soirée est donnée en l'honneur de Kate et de son charmant juriste, ce n'est pas un endroit pour régler les différends qui nous opposent au sein du département.

Il posa la main sur le bras de Cudlipp.

- J'ai une migraine terrifiante, dit Cudlipp, sans rien paraître concéder.

Il chercha un tube de comprimés dans sa poche et le secoua pour en faire tomber deux dans le creux de sa paume.

- Je vais aller te chercher un soda pour les faire passer, dit Clemance. Tu ferais bien de te détendre un peu, tu sais.

Mais Cudlipp rassemblait déjà ses forces.

- Regardez-moi un peu ce programme, commença-t-il, haranguant Kate, tandis que Clamance revenait, porteur d'un verre et d'une bouteille d'eau de Seltz. Merci, dit finalement Cudlipp, lorsqu'il eut dégluti ses deux comprimés. J'ai passé la journée à entendre les représentants de votre collège d'adultes. Quatre étudiants, qui semblent suivre vos cours, le doyen Frogmore, Bill McQuire, chez qui je m'attendais vraiment à trouver plus de bon sens ; et tous se comportaient comme si cette stupide école de recyclage, nonobstant tous les diplômes qu'elle se targue de décerner, était réellement viable, réellement...

Cudlipp devint soudain tout blanc et visiblement en proie à un vertige, car il étendit un bras pour s'appuyer à l'un des bureaux.

- Mon Dieu, l'entendit dire Kate, l'aspirine, l'aspirine.

Et avant que quiconque ait pu faire le moindre geste, il avait régurgité, en un spasme violent, un sang couleur de marc de café... (p.125-126)

 

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