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Marie-Dominique Legrand, Lire l'Humanisme

Marie-Dominique Legrand, Lire l'Humanisme, Dunod, 1993

Marie-Dominique Legrand, agrégée de l'université, maître de conférence à l'IUFM de Versailles, est l'auteur d'une thèse de troisième cycle sur Les regrets de Joachim Du Bellay et de divers articles sur la poésie et l'histoire des idées au XVIème siècle.

Table des matières : 

Avertissement - avant-propos - QU'EST-CE QUE L'HUMANISME ? : I. Humanisme : un mot récent - II. La renaissance des lettres et le sentiment d'une modernité - III. Pour des hommes meilleurs - IV. L'idée de nature : la bonne nature ? - V. Que la nature au naturel est parfois mauvaise - VI. La ferveur humaniste - HISTOIRE ET HUMANISME : I. Des guerres d'Italie aux guerres de religion - II. L'imprimerie, le livre - III. Evolution de l'humanisme en France - IV. Les traités d'éducation - V. Troubles des guerres, troubles de la raison - THEMES ET ECRITURES : I. Formes et genres littéraires - II. Thèmes et mythes - ANTHOLOGIE CRITIQUE : I. Les textes fondateurs - II. La renaissance - III. L'âge classique - IV. Le siècle des Lumières - V. L'ère romantique - VI. Le vingtième siècle - VII. Lectures contemporaines - ANNEXES : Notions clés - Notices biographiques - Tableau chronologique - Bibliographie - Index des auteurs.

Quatrième de couverture :

"L'humanisme au XVIème siècle est un mouvement intellectuel, moral et religieux, largement favorisé par l'invention de l'imprimerie. Le livre permet la diffusion des idées modernes sur l'art de gouverner et d'éduquer les enfants par exemple et amène une réflexion critique libérée des gloses et des dogmes. L'humanisme en ce sens a partie liée avec la renaissance des lettres grecques et latines, avec l'évangélisme d'Erasme et la réforme de Luther et de Calvin.

Un enthousiasme immense a animé la génération de Rabelais au début du siècle : cette foi en l'homme, dans sa raison et dans son action laissa croire au progrès. Les guerres de religion ruineront cet espoir même si, à la fin du siècle, l'oeuvre de Montaigne en particulier, malgré son scepticisme, exprime l'idéal humaniste d'un homme érudit, tolérant, agile d'esprit et de corps, digne de son créateur."

Avant-propos :

"Rien d'humain ne m'est étranger." (Térence, Héaunotimoroumenos)

"Sans l'invention de la typographie - découverte des caractères mobiles par Guntenberg en 1540 - qui permet de multiplier le marché et la circulation des livres, il n'y aurait pas d'humanisme. Le livre est l'outil de travail de l'érudit moderne qu'est l'humaniste : son projet est de restituer la lettre aux textes, antiques ou bibliques, autant que de diffuser les connaissances et les théories - anciennes ou nouvelles. Toutefois, l'humaniste du seizième siècle n'est pas seulement un homme de cabinet. Son terrain est aussi la nature, la ville et le monde qu'il observe, étudie, décrit et parcourt. Homme de bibliothèque, l'humaniste du siècle des grandes navigations est aussi un homme de terrain et de plein air. Plus généralement, l'homme de lettres de la Renaissance - théologien, poète, grammairien ou médecin - ne se laisse pas enfermer dans une définition particulière. Il se caractérise par son comportement contrasté et son extraordinaire faculté de passer d'une curiosité à une autre, d'une étude à une autre, voire d'une humeur à une autre. Les peintres nous ont laissé des portraits d'Erasme, de Rabelais, de Calvin, de Montaigne qui sont statiques et qui nous les montrent concentrés sur leur lecture, en pleine méditation ou la plume à la main. Mais leurs correspondances nous instruisent de l'universalité de leur intelligence, de la diversité de leurs activités et de la part intense qu'ils prenaient à la vie domestique et amicale, à la vie sociale et civique... Souvent appelés à des tâches officielles lourdes et graves, engagés dans des oeuvres de grande érudition, ils ne se sont pas détournés de la vie quotidienne ni des préoccupations des autres hommes, sensibles par exemple aux misères des plus humbles ou participant aux liesses collectives.

L'aphorime du comique latin Térence, gravé sur l'une des poutres de la bibliothèque de Montaigne, pourrait être la devise de tous les humanistes. Mais l'humanisme n'est pas une école. C'est un idéal auquel tendent les érudits de la Renaissance qui prônent la paix universelle, les progrès du savoir et de la sagesse humaine. Les humanistes retournent aux sources de l'Antiquité mais sont des hommes ouverts aux changements et aux ruptures. Chacun d'eux apporte une identité particulière à la pensée "moderne", grâce au livre, moyen de la communication savante et de l'enseignement mais aussi de l'expression personnelle.

Qu'est ce que l'humanisme (première partie) ? Question ambitieuse, qui doit être ouverte par qui veut comprendre les aspirations des érudits du seizième siècle. Il faut écouter la joie des découvertes et des progrès de toutes sortes - imprimerie, navigation (le Nouveau Monde), médecine... mais aussi partager la douleur des hommes de la Renaissance lors des luttes intestines qui déchirent la France au temps de la Réforme protestante (1562-1594) : du règne d'Henri II au début du règne d'Henri IV. L'histoire de l'Humanisme (deuxième partie) n'est pas une histoire sereine. ce n'est pas non plus une histoire simple : l'humanisme nourrit des théories variées, et parfois contradictoires. la vitalité de l'invention littéraire, entre autres, témoigne de cette effervescence (troisième partie). Les écrivains, poètes, dramaturges, historiens, romanciers, mais aussi philologues, philosophes, historiens, magistrats, théologiens... prônent la renaissance des lettres antiques, grecques et latines. L'imitation des Anciens est de mode, comme celle des modernes italiens. L'invention ne fait cependant pas défaut aux écrivains de la Renaissance française qui innovent autant qu'ils transposent : il faut lire l'humanisme dans ce double renversement de retour sur le passé et d'élan vers l'avenir."

Qu'est-ce que l'humanisme ?

Humanisme : le mot est aujourd'hui courant pour désigner historiquement un grand mouvement intellectuel, moral et religieux caractéristique de la Renaissance qui, en France, se développe avec éclat à partir de François Ier (1515-1547). Il n'appartient pourtant pas au vocabulaire des hommes du seizième siècle. L'humanisme est en effet une notion employée depuis le XIXème siècle seulement. Au seizième siècle, il y a bien le terme d'argot universitaire humanista qui désigne le "savant serviteur des langues et des littératures antiques", nous dit Jacques Chomarat dans sa récente anthologie érasmienne du Livre de Poche - mais de noter qu'Erasme, lui-même figure de premier plan de l'humanisme, n'utilisait pas ce terme. Il existe surtout alors des expressions latines usuelles chez Cicéron et Quintilien, grands maîtres de la rhétorique et dont les oeuvres sont très familières aux lettrés de la Renaissance. L'une, studia humanitatis, désigne les sciences de l'esprit par opposition traditionnelle aux sciences de la nature ; l'autre, litterae humaniores, qualifie ce que longtemps nous avons appelé "les humanités", mais en alliant la vertu à l'érudition. Humanitas est en enfin le mot classique en latin pour exprimer "l'idée que l'homme se fait de lui-même dans son plus grand accomplissement : intellectuel, moral, religieux, voire physique ou esthétique", récapitule Jean-Claude Margolin, par exemple dans l'article "Humanisme" de l'Encyclopedia universalis.

Le mot allemand Humanismus, qui devient notre humanisme, recouvre progressivement au dix-neuvième et au vingtième siècle tout ce que suggèrent les expressions latines, avec toutefois un sentiment de l'histoire qui n'était pas celui des hommes de la Renaissance. En effet, la notion d'humanisme à la Renaissance est dans nos esprits inséparable de celle d'un progrès si considérable de la pensée des hommes et des sociétés qui les rassemblent que nous datons "les Temps modernes" du début du seizième siècle, principe de chronologie historique impensable à la Renaissance où les humanistes n'avaient pas conscience de leur "modernité. Certes, les érudits du seizième siècle ont eu le sentiment d'appartenir à une époque de "lumière" et ont nourri une grande espérance dans l'avenir de leurs découvertes, mais ils ne se sont pas eux-mêmes pensés dans un mouvement distinctif. Les penseurs romantiques le feront pour eux, à une époque où l'histoire prend une importance fondatrice de toute réflexion." (p.3-4)

 

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