Antoine Violleau Photographe Entreprise Mariage Nantes Loire-Atlantique Grand-Ouest | Blog
Photographe pour entreprise et mariage sur Nantes, la Loire-Atlantique et le Grand-Ouest en France. Je fais du portrait d'entreprise, de la photo d'événementiel, du reportage photo, de la ...
"Je traversai les arcades en pierre de taille du Ring de la vieille ville, passai devant la fontaine de bronze dont les grilles baroques laissaient pendre des stalactiques, franchis le pont de pierre avec ses statues de saints et celle de Jean Népomucène en pied.
Au-dessous, le fleuve écumait de haine contre les piles.
Dans un demi rêve, mon regard tomba sur le grès creusé de sainte Luitgard avec "les tourments des damnés" : la neige recouvrait d'un épais bourrelet les paupières des pénitents et les chaînes de leurs mains haut levées en imploration.
Les portes cochères me recueillaient, puis me laissaient, les palais passaient lentement à côté de moi, avec leurs fiers portails sculptés où des têtes de lion mordaient des anneaux de bronze.
Là aussi, partout de la neige et encore de la neige. Blanche comme la fourrure d'un gigantesque ours polaire.
De hautes fenêtres orgueilleuses, leurs moulures étincelantes de glace, regardaient les nuages avec détachement.
Je m'émerveillai que le ciel fût si plein d'oiseaux en vol.
Tandis que je gravissais les innombrables marches de granit du Hradschin, dont chacune est large quatre fois comme un homme est long, la ville s'enfonçait sous mes yeux, pas à pas, avec ses toits et ses pignons.
Bientôt le crépuscule glissa le long des maisons, puis j'arrivai à la place isolée au milieu de laquelle la cathédrale s'élance jusqu'au trône de l'ange.
Des traces de pas aux bords encroûtés de glace conduisaient à la porte latérale.
D'une maison éloignée, un harmonium égrenait doucement des notes qui se perdaient dans le silence du soir, telles des larmes de mélancolie tombant dans l'abandon.
J'entendis derrère moi le soupir du tambour lorsque le porte de l'église m'accueillit et je fus englouti par l'obscurité ; figé dans la sérénité, l'autel doré scintillait de son haut à travers les lueurs vertes et bleues de la lumière mourante qui passait dans les vitraux et tombait sur les prie-Dieu. Des étincelles jaillissaient de lampes en verre rouge.
Odeur flétrie de cire et d'encens.
Je m'adossai à un banc. Mon sang était étonnemment calme dans ce royaume de l'immobilité.
Une vie sans pulsations emplissait l'espace - une attente secrète, patiente.
Les reliquaires en argent dormaient d'un sommeil éternel..."
(Gustav Meyrink, Le Golem)