Michael Crichton, Sphère, traduit de l'américain par Jacques Polanis, Editions Robert Laffont, 1988
L'auteur :
Michael Crichton, né le 23 octobre 1942 à Chicago et mort le 4 novembre 2008 (à 66 ans) à Los Angeles, est un écrivain américain de science-fiction, scénariste et producteur de films. Auteur de nombreux romans et nouvelles à succès comme Jurassic Park, Sphère ou encore État d'urgence, il est souvent considéré comme étant l'un des pionniers du techno-thriller. Il a au cours de sa carrière utilisé les pseudonymes de Jeffery Hudson et John Lange. Ses trois derniers ouvrages, Pirates (2009), Micro (2011) et Dragon Teeth (2017), ont été publiés à titre posthume.
Le roman (quatrième de couverture) :
Dans le sud de l'océan Pacifique, à des milliers de mètres sous la mer, un étrange vaisseau spatial est repéré, reposant sur les fonds sablonneux... Un groupe de savants américains descend dans les abysses pour examiner cette extraordinaire découverte qui défie leur imagination : un engin spatial intact après une chute aussi vertigineuse ! Encore plus incroyable, il semble que l'objet qu'il contient, une sphère, ait traversé au moins trois siècles... Provient-elle d'un univers différent ? Du futur ? Un fait est certain : elle n'a pas été construite par l'homme.
Résumé :
Des scientifiques américains sont embarqués dans une expédition sous-marine, le but étant d'observer un vaisseau spatial immergé depuis trois cents ans au fond de l'eau. Ils y trouvent une sphère dorée luisante qu'ils pensent être venue de l'espace. La sphère s'ouvre mystérieusement. Chacun des scientifiques parvient à y entrer sans en garder le souvenir. Une série d'événements bizarres s'ensuit car la sphère donne à celui qui y est entré le pouvoir de matérialiser, inconsciemment, ses pensées …
Mon avis sur le roman :
On retrouve dans Sphère les ingrédients habituels des romans de Michael Crichton : un suspens sans temps mort, une écriture efficace et sans fioritures, des personnages bien campés, des informations scientifiques exactes (notamment en psychologie, en astrophysique, en mathématiques et en biologie marine), et à la portée du profane...
Ce qui fait l'originalité de Sphère, ce n'est pas tant ce vaisseau spatial venu du futur et dont l'origine n'est pas extra-terrestre, mais ce mystérieux artefact, cette "Sphère" qui, elle, ne semble pas être d'origine terrestre.
Tout le roman tourne autour du mystère de cet objet que les trois personnages principaux s'efforcent tour à tour de percer et qui semble capable de lire leurs pensées, d'enregistrer leurs émotions, de réaliser leurs désirs les plus secrets.
L'intérêt du roman ne réside pas dans la communication avec une quelconque entité extra-terrestre, mais dans la mise en évidence du fait que l'être humain est capable de réaliser, pour le meilleur et pour le pire, tout ce qu'il est capable d'imaginer et par conséquent de la nécessité pour lui, s'il veut survivre, de se connaître et de s'accepter, de connaître et d'accepter son "ombre", explique Norman, le psychologue du groupe en se référant à Jung, c'est-à-dire sa part obscure, son inconscient.
Beth, la spécialiste en biologie marine est une femme très compétente dans son domaine et Harry est un brillant mathématicien, mais ils ne se connaissent pas vraiment ; leur personnalité est construite sur des peurs, des frustrations, un sentiment d'infériorité qu'ils ont compensé en développant leur intellect.
La Sphère que Norman, le psychologue du groupe compare à une "enzyme de l'esprit" va concrétiser ces peurs et ces frustrations qui vont se révéler d'autant plus dangereuses et destructrices que Beth et Harry refusent de comprendre que ce sont leurs propres pensées qui produisent ces manifestations destructrices et qu'ils se croient parfaits.
Norman, qui a réussi à entrer le dernier dans la Sphère et qui se connaît mieux lui-même est lui aussi victime de son "ombre" : il éprouve la tentation de regagner seul la surface en abandonnant les deux survivants de l'équipe.
A la fin du roman, Norman propose à Beth et à Harry de renoncer aux pouvoirs que leur confère la Sphère en l'effaçant de leur mémoire avec tout ce qui s'y rapporte afin qu'elle ne tombe pas aux mains de l'armée. Car, comme le dit Norman, Dieu seul sait ce que pourrait faire un pays qui déciderait de se servir de la Sphère comme d'une arme.
"Le sommeil de la raison engendre des monstres" a dit Goya. Mais on peut dire aussi que c'est la raison elle-même qui engendre des monstres quand elle refuse de s'interroger sur son "ombre".
On peut lire Sphère de plusieurs manières : comme un formidable thriller, mais aussi comme une parabole philosophique. La Sphère est un miroir, elle ne fait que refléter le niveau de conscience (et d'inconscience) de ceux qui y pénètrent. L'humanité, comme dit Hölderlin est "riche en mérites", elle a atteint un degré de développement scientifique et technologique extraordinaire. Nous sommes capables d'aller sur la Lune, d'explorer les autres planètes, de descendre au fond des océans, de manipuler les gènes du vivant, mais notre conscience morale et spirituelle est loin d'être à la hauteur de nos pouvoirs.
L'homme a conquis le monde et est en passe de conquérir l'univers. Il lui reste à se conquérir lui-même pour ne pas être détruit par ses conquêtes.
Car comme le dit l’Évangile : "A quoi sert à l'homme de conquérir l'univers, s'il vient à perdre son âme ?"