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Jean-Claude Guillebaud, Sauver la beauté du monde

Jean-Claude Guillebaud, Sauver la beauté du monde, L'iconoclaste

Table des matières :

1. Une déclaration d'amour à la Terre - 2. Heureux comme à Bunzac - 3. Partir - 4. Les parades amoureuses - 5. Un monde "augmenté"- 6. La beauté inaugurale - 7. Le grand secret des cathédrales - 8. Les belles personnes - 9. La dangereuse beauté des passions humaines - 10. Quand la Terre pleure - 11. Avoir d'autres yeux.

"Nous tournons le dos à la beauté. Nos misérables tragédies traînent une odeur de bureau, et le sang dont elles ruissellent a couleur d'encre grasse." (Albert Camus)

"Expropriés de notre culture, dépouillés des valeurs dont nous sommes épris - pureté de l'eau et de l'air, grâces de la nature, diversité des espèces animales et végétales -, tous Indiens désormais, nous sommes en train de faire de nous-mêmes ce que nous avons fait d'eux." (Claude Lévy-Strauss)

"Tant de mains pour transformer le monde, et si peu de regards pour le contempler." (Julien Gracq)

"Notre monde ne manque pas de merveilles, mais seulement du désir d'être émerveillés." (Gilbert Keith Chesterton)

"Ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'écouter en nous les échos de la Terre qui pleure." (Thich Nhat Hanh)

L'auteur :

Jean-Claude Guillebaud est essayiste et journaliste, auteur notamment de Je n'ai plus peur (2014), Une autre vie est possible (2012), La Foi qui reste (2017). Avec Sauver la beauté du monde, il poursuit sa ligne d'essais intimes et engagés.

Quatrième de couverture :

"Changer de regard. décider de voir la beauté. Jean-Claude Guillebaud revient sur celles glanées au fil de son existence ; l'émotion ressentie devant une peinture pariétale à Lascaux, la parade amoureuse d'un oiseau, le basculement du ciel au-dessus de nos têtes, le rencontre avec une "belle personne", la fulgurance d'une passion. ce chant du monde nous rappelle que la beauté est rare et précieuse. Qu'il faut la chérir et s'en émerveiller. 'autant plus à l'heure où la planète est en souffrance."

Extrait de la préface :

"C'est bien d'amour qu'il s'agit. Je le jure. ces dernières années, une émotion inhabituelle s'est installée en moi. Elle a grandi, pris sa place jusqu'à rendre obsessionnelle ma conviction que notre planète était en perdition, mais serait sauvée in extremis. Comment ? Par la beauté. Ma conviction était-elle déraisonnable ? Elle s'explique. J'avais reçu en 2005 le livre Cinq méditations sur la beauté de François Cheng, que j'admirais beaucoup et connaissais peu. Son éditeur avait placé sur la couverture une bande promotionnelle : "La beauté sauvera le monde." Une phrase empruntée à Dostoïevski.

Hélas ! Frais et joyeux, l'aphorisme avait été si souvent repris dans les médias et la publicité ces dernières années, qu'il était devenu un poncif, une ritournelle agaçante. cette fois-ci, sans trop savoir pourquoi, j'avais mieux réagi. Quelques livres de Dostoïevski m'étaient familiers, y compris L’Éternel mari où René Girard a trouvé l'une des illustrations emblématiques du "désir mimétique", thème central de son œuvre. En revanche, je n'avais jamais ouvert L'Idiot.

J'ai donc acheté le livre et trouvé le passage où le prince Léon Nicolaïevitch Mychkine assure en effet que "la beauté sauvera le monde". Sauf que dans le roman, paru en 1874, on se moque de Mychkine et de ses "idées si folâtres". Mais alors ? Si en 1874 la formule paraissait déjà saugrenue, comment pourrait-on croire aujourd'hui, que la beauté puisse sauver le monde ? Trop tard ! Il est trop mal en point, fragile, enlaidi. Il faut raisonner à l'envers. On ne peut plus compter sur la beauté et sa magie. C'est elle (ou ce qu'il en reste !) qu'il faut sauver coûte que coûte. Urgence.

A cette épisode s'est ajouté l'effet d'une admiration personnelle. celle que je porte à un confrère photographe, le Brésilien Sebastiao Salgado. A quelques semaines près, nous avons le même âge. Nous avons couvert l'un et l'autre quantité de guerres et de tueries. Lui avec un Leica, moi avec un stylo (...)

Ces massacres à répétition le dissuadèrent de continuer son métier. (...) Il rompit net avec la photo et retourna, avec sa femme Lelia ("mon associée en tout dans la vie", disait-il), vers la ferme léguée par son père au Brésil, dans la vallée du Rio Doce (Etat du Minas Gerais). La propriété était devenue désertique à cause de la déforestation. Paysage austère, poussiéreux, sinistre.

Avec Leila, ils décident de sauver la fazenda. Tâche colossale, entreprise déraisonnable ! Peut-être, mais ils relèvent le défi. En une dizaine d'années, ils replantent deux millions d'arbres, et le miracle se produit. En lieu et place de la vallée desséchée, des arbres poussent, les buissons s'installent, les prairies reverdissant, les insectes et les oiseaux reviennent, puis les animaux sauvages. La beauté ressuscite.

Cette victoire acquise encouragea Salgado à reprendre la photo. Lelia jouera encore un rôle. Finis, cette fois, ses Leica argentiques devenus célèbres. Il s'achète un Pentax 645 numérique, et retrouve la joie ancienne de mettre son œil dans un viseur. Mais que va-t-il photographier ? Jamais, plus jamais, de massacres et de corps déchiquetés. C'est vers autre chose que son désir le porte. Il construit et lance un projet qu'il baptise du mot grec Genesis, genèse, création, premier matin du monde. Il veut partir "trouver et photographier la beauté un peu partout sur la planète". S'intéresser à l'autre face du réel. Pour le bonheur du regard, mais aussi pour participer à un sauvetage.

En 2013, le cinéaste Wim Wenders assisté de Juliano, le propre fils du photographe, réalise un documentaire hors du commun qui raconte Genesis en images et suit pas à pas l'itinéraire de Salgado. C'est l'histoire d'une reconquête de soi, mais aussi d'un grand voyage. Ce film, Le Sel de la terre, m'a troublé, comme s'il m'était destiné.

A chaque visionnage de ce DVD, je me disais : "Qu'est-ce que tu attends ?" L'écrit après l'image, le bonheur d'admirer après la laideur de la guerre, la vie vivante après la mort. Oui, courir chercher et raconter les mille et un visages de la beauté du monde. J'ai fait mienne cette urgence..."

 

 

 

 

 

 

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