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Régis Debray, Vie et mort de l'image
Régis Debray, Vie et mort de l'image

Régis Debray, Vie et mort de l'image, Une histoire du regard en occident, Gallimard, 1992

Table des matières :

Remerciements - Avant-propos - I. Genèse des images : 1. La naissance par la mort - 2. La transmission symbolique - 3. Le génie du christianisme - 4. Vers un matérialisme religieux - II. Le mythe de l'art : 5. La spirale sans fin de l'Histoire - 6. Anatomie d'un fantôme : "l'art antique" - 7. La géographie de l'art - 8. Les trois âges du regard - 9. Une religion désespérée - III. L'après-spectacle : 10. Chronique d'un cataclysme - 11. Les paradoxes de la vidéosphère - 12. Dialectique de la télévision pure - Douze thèses sur l'ordre nouveau et une ultime question - Bibliographie générale.

L'auteur : 

Régis Debray, né le 2 septembre 1940 à Paris, est un écrivain, philosophe et haut fonctionnaire français. Engagé aux côtés de Che Guevara dans les années 1960, il devient par la suite un écrivain prolifique. Dans le domaine des sciences de l'information, il crée et développe le domaine de la médiologie et fonde la revue Médium. Il a été membre de l'académie Goncourt entre 2011 et 2015.

Quatrième de couverture :

"l'image a toujours eu barre sur les hommes, mais l’œil occidental a une histoire et chaque époque son inconscient-optique. Notre regard fut magique avant d'être artistique. Il devient à présent économique.

Il n'y a pas d'image en soi. Son statut et ses pouvoirs ont varié au gré des révolutions techniques et des croyances collectives. C'est la logique de cette évolution surprenante qu'on a voulu ici suivre à la trace, depuis les grottes ornées jusqu'à l'écran d'ordinateur. En réconciliant, par une démarche médiologique, les approches matérielle et spirituelle du monde de l'art, trop souvent exclusives.

L'ère des images n'aura-t-elle été qu'une brève parenthèse entre le temps des "idoles" et celui du "visuel" où nous sommes entrés ?

La mise au jour des codes invisibles du visible dissipe en tout cas quelques mythes tenaces, tels que "l'histoire de l'Art" ou "la Civilisation de l'image". En entrant dans la vidéosphère, avec le saut décisif du cinéma à la télévision et bientôt avec la révolution numérique, c'est sans doute aussi à la "société du spectacle" qu'il nous faut dire adieu."

Extrait de la préface :

"Qu'elles soulagent ou ensauvagent, qu'elles émerveillent ou ensorcellent, manuelles ou mécaniques, fixes, animées, en noir et blanc, en couleurs, muettes ou parlantes - c'est un fait avéré, depuis quelques dizaines de milliers d'années, que les images font agir et réagir. Certaines, qu'on appelle "œuvres d'art", se donnent complaisamment à contempler, mais cette contemplation ne détache pas du "drame de la volonté comme le voulait Schopenhauer, parce que les effets d'images sont souvent dramatiques. Mais si nos images ont barre sur nous, si elles sont par nature en puissance de quelque chose d'autre qu'une simple perception, leur capacité - aura, prestige, rayonnement - change avec le temps. Nous voudrions interroger ce pouvoir, repérer ses métamorphoses et ses points de rupture. L'histoire de "l'art" doit ici s'effacer devant l'histoire de ce qui l'a rendu possible : le regard que nous posons sur les choses qui représentent d'autres choses. Histoire pleine de bruit et de fureur, parfois racontée par des idiots, mais toujours lourde de sens. Rien n'y est joué d'avance, car l'emprise qu'ont sur nous nos figures varie avec le champ de gravitation où les inscrit notre œil collectif, cet inconscient partagé qui modifie ses projections au gré de nos techniques de représentation. Ce livre a donc pour objet les codes invisibles du visible, qui définissent très naïvement et pour chaque époque un certain état du monde, c'est-à-dire une culture. Ou comment le monde se donne à voir à ceux qui le regardent sans y penser..."

Qu'est ce que la médiologie ?

"Il ne suffit pas, on le sait, d’inventer un terme pour fonder une discipline. « Médiologie » est un néologisme — apparu en 1979 dans Le Pouvoir intellectuel en France. Sous ce label, au fil des ans, s’est constitué un carrefour de recherches originales où se croisent philosophes, historiens des techniques, chartistes, esthéticiens et chercheurs en « infocom ». Beaucoup de malentendus, plus ou moins navrants, entourent encore ce champ d’investigation.

Malgré son suffixe, la médiologie ne prétend pas au statut de science, et encore moins « nouvelle » (car ce n’est pas en soi une découverte). Malgré sa racine, la médiologie n’est pas non plus une sociologie des médias sous un autre nom. C’est la fonction médium, sous toutes ses formes, que la médiologie voudrait tirer au jour, sur la longue durée (depuis la naissance de l’écriture), et sans se laisser obnubiler par les médias du jour.

Il s’agit, en première approximation, d’analyser les « fonctions sociales supérieures » (religion, idéologie, art, politique) dans leurs rapports avec les moyens et milieux de transmission et de transport. Le point sensible, et le centre de gravité de la réflexion, est l’entre-deux. C’est la zone encore floue des interactions technique-culture, ou des interférences entre nos techniques de mémorisation, transmission et déplacement, d’une part ; et nos modes de croyance, de pensée et d’organisation, d’autre part.

On voit quelle place occupe parmi les ancêtres Walter Benjamin. Il se demandait non pas si la photographie est un art, mais ce qu’avait changé la photo dans notre conception de l’art. Ou, plus loin encore, les intuitions de Victor Hugo, avec son toujours provocant « Ceci tuera cela ». Importe moins ici le verbe « tuera », éminemment discutable, que la mise en rapport de deux choses apparemment éloignées, le livre et l’architecture, l’imprimerie et le protestantisme. Les médiologues s’intéressent aux effets de structuration culturelle d’une innovation technique (l’écriture, l’imprimerie, le numérique, mais aussi le télégraphe, la bicyclette ou la photographie), ou, en sens inverse, aux soubassements techniques d’une émergence sociale ou culturelle (science, religion, ou mouvement d’idées).

L’intérêt ne porte donc pas sur un objet ni une région du réel (disons : les médias, etc.), mais sur les rapports entre ces objets, ou ces régions. Entre une idéalité et une matérialité ; un sentiment et un engin ; une disposition et un dispositif. D’où le goût des tableaux à double entrée (ceci et cela). L’étude du vélo en soi n’a rien de médiologique ; sauf lorsqu’est examiné le rapport existant entre l’événement bicyclette et l’avènement du féminisme, du cinétisme en art, de l’individualisme démocratique, etc. L’étude de l’idée de nation devient « médiologique » lorsqu’est fouillée sa relation aux réseaux routiers, ferrés, postaux, télégraphiques, électriques. Une étude du désir d’immortalité serait bienvenue en soi : elle ne deviendrait médiologique que si on s’attache à montrer comment cette aspiration intime s’est transformée sous l’effet de la peinture, de la photo, du cinéma, de la télé, bref, des appareillages de l’imaginaire collectif." (Régis Debray)

 

 

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