L'œuvre :
« L’air du temps, en accusant la science de n’être qu’un récit parmi d’autres, l’invite à davantage de modestie. On la prie de bien vouloir gentiment "rentrer dans le rang" en acceptant de se mettre sous la coupe de l’opinion. »
(Etienne Klein)
La philosophie des Lumières défendait l’idée que la souveraineté d’un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les « vérités scientifiques », en particulier, ne relèvent pas d’un vote. La crise sanitaire a toutefois montré avec éclat que nous n’avons guère retenu la leçon, révélant l'ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu’il lui revient d’établir. Lorsque, d'un côté, l’inculture prend le pouvoir, que, de l'autre, l’argument d’autorité écrase tout sur son passage, lorsque la crédibilité de la recherche ploie sous la force de l’événement et de l’opinion, comment garder le goût du vrai - celui de découvrir, d’apprendre, de comprendre ? Quand prendrons-nous enfin sereinement acte de nos connaissances, ne serait-ce que pour mieux vivre dans cette nature dont rien d'absolu ne nous sépare ? (Source : éditions Gallimard)
L'auteur :
Étienne Klein, né à Paris le 1er avril 1958, est un physicien, philosophe des sciences et producteur de radio français. Il dirige le Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière tout en menant une intense carrière de vulgarisation autour des questions soulevées par la physique contemporaine, notamment par la physique quantique et la physique des particules.
Le texte :
"Que les chercheurs, à l'instar de n'importe qui, soient souvent gens partisans et intéressés, que leurs jugements soient souvent affectés par leur condition sociale ou leurs croyances, voilà une donnée empirique difficile à contester. Toutefois, en mettant en avant cet argument pour contester l'objectivité de la science, on sous-entend qu'une science objective implique nécessairement l'impartialité individuelle des scientifiques eux-mêmes, qu'ils doivent tous accéder à une sorte de "point de nulle part", se hisser au-dessus des passions, des croyances et des préjugés. C'est évidemment impossible. Nous vivons tous dans un océan de préjugés : les scientifiques n'échappent pas à la règle. S'ils parviennent à s'en défaire dans leur domaine de compétence, ce n'est pas en purifiant l'intellect, ni en imposant une cure de désintéressement personnalisé, mais en adoptant collectivement une méthode critique pour résoudre les problèmes grâce à de multiples conjectures et tentatives de réfutation. Une vérité scientifique n'est déclarée telle qu'à la suite d'un débat contradictoire ouvert, conduisant à un consensus. Ne nous méprenons pas : ce consensus n'est pas lui-même un critère absolu de vérité. Il dit ce qu'à un moment donné de l'histoire, la majorité d'une communauté accepte comme la bonne réponse apportée à une question bien posée.
Etienne Klein, Le goût du vrai, 2020
Questions sur le texte :
1. Dégagez et reformulez la thèse défendue par Etienne Klein en vous appuyant sur les éléments significatifs du texte.
2. Expliquez la phrase suivante : "Nous vivons dans un océan de préjugés : les scientifiques n'échappent pas à la règle.
3. La science échappe-t-elle aux préjugés ?
Vous répondrez à cette question :
- sous la forme d'un développement organisé à partir d'une problématique clairement définie.
- en vous appuyant sur des arguments précis, en recourant à des références et des exemples précis.