Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Commentaire composé d'un extrait d'Yvain, le chevalier au lion de Chrétien de Troyes

Le texte : 

Calogrenant a raconté à la cour du roi Arthur son combat dans la forêt de Brocéliande avec Esclados,  chevalier de la Fontaine et châtelain de l’endroit. Arthur, informé par Guenièvre, décide alors de se rendre à Brocéliande pour affronter et vaincre Esclados. Mais Yvain veut accomplir cet exploit seul pour venger l’honneur de Calogrenant et pour répondre aux moqueries de Keu. Il part avant le roi et après une première nuit, trouve la fontaine... Cette fontaine maléfique se trouve en forêt de Brocéliande, domaine dont la châtelaine est Laudine et dont Lunete est la fidèle suivante et la conseillère. Son mari, Esclados le Roux est un terrible chevalier qui surgit dès que quelqu’un verse l’eau qui met en péril la forêt et ses habitants.

"Puis il alla jusqu’à la fontaine. Là il vit tout ce qu’il voulait voir. Sans s’arrêter ni s’asseoir, il versa sur le perron toute l’eau du bassin. Aussitôt il se mit à venter et à pleuvoir. Il fit le temps qu’il devait faire, et quand Dieu ramena le soleil, les oiseaux vinrent sur le pin et firent entendre au-dessus de la fontaine périlleuse, leur grande joie. Mais avant qu’ils aient terminé, le chevalier vint, plus ardent que la braise, avec le même bruit que s’il chassait un cerf en rut. Dès que les deux chevaliers s’aperçurent, ils s’approchèrent et ils donnèrent l’impression de se haïr à mort. La lance de chacun est rigide et puissante. Ils se donnent nombre de coups violents, si bien que les écus qui pendent à leur cou sont percés et que les hauberts se détachent. Les lances se brisent et volent en éclats ; leurs morceaux volent en l’air. L’un et l’autre s’attaquent à l’épée. Ils ont coupé les courroies des écus, et ceux-ci sont dans un tel état que les pièces en pendent. Les deux combattants ne peuvent s’en couvrir ; les écus  ne les défendent pas car ils les ont mis en lambeaux. Aussi les côtés sont libérés, et les épées blanches frappent sur les bras et sur les hanches. Ils s’éprouvent tous deux dangereusement. Mais ils tiennent leur position et ne bougent pas plus que ne le feraient deux rochers. Jamais deux chevaliers ne furent si avides de hâter leur mort. Ils ne veulent pas perdre leurs coups, et les emploient donc du mieux qu’ils peuvent. Les heaumes se penchent en avant et se tordent,  et les mailles des hauberts volent. Ils font couler beaucoup de sang car ils sont si échauffés que leur haubert ne les protège guère plus qu’un froc. Avec la pointe de leur épée, ils se frappent au visage. La durée de cette bataille si violente et si difficile est incroyable. Mais tous les deux sont si courageux qu’à aucun prix l’un ou l’autre ne cèderait du terrain avant d’avoir tué son adversaire. Ils ont agi avec d’autant plus de noblesse qu’ils n’ont jamais blessé ni mis à mal leurs chevaux, car ils ne le voulaient pas et trouvaient cela indigne. Ils se tinrent toujours à cheval et n’en descendirent jamais, ce qui rendit le combat encore plus beau. A la fin, Yvain brisa le heaume du chevalier. Le coup étourdit et affaiblit celui-ci, qui eut peur, car il n’en avait jamais reçu de si violent. Sous son casque, il a la tête fendue jusqu’à la cervelle : les mailles de son haubert blanc en sont teintées, ainsi que de son sang. Il ressentit une douleur si grande qu’il faillit défaillir. Il a raison de vouloir fuir car il se sent blessé à mort, il est donc inutile de se défendre.

Aussi dès qu’il a repris ses esprits, il s’enfuit vers sa demeure. Le pont levis est baissé, la porte grande ouverte. Yvain éperonne de toutes ses forces. Comme le gerfaut qui poursuit rapidement la grue, il s’approche tout près du chevalier. Il croit le tenir mais ne le touche pas : celui-là fuit et celui-ci est tellement proche de lui qu’il peut presque le prendre dans ses bras. Si Yvain ne parvient pas à le rattraper, il est si près de lui qu’il peut l’entendre se plaindre. Mais le chevalier cherche toujours à fuir tandis que l’autre s’évertue à le rattraper : Yvain a peur d’avoir perdu sa peine s’il n’arrive pas à l’attraper mort ou vif et il se souvient des railleries de Keu. Il n’aura pas non plus tenu la promesse qu’il avait faite à son cousin et s’il n’apporte pas de vraies preuves jamais on ne le croira. Yvain a suivi le chevalier jusqu’à la porte de son château. Ils y sont entrés ensemble. Dans les rues, ils n’ont trouvé ni homme ni femme. A toute bride ils arrivent tous les deux jusqu’à la porte du palais. Celle-ci est haute et large, mais elle a une ouverture si étroite que les deux hommes sur leurs chevaux ne pourraient, sans ennui ni sans grand mal, y entrer en même temps. Elle était faite comme une arbalète qui guette le rat qui commet un forfait : l’espion qui est aux aguets tire, et frappe, et prend car la herse se met en marche et se détend quand quelque chose la touche même si c’est doucement. Deux pièges étaient placés sous la porte et soutenaient en haut la porte en fer, coulissante, aiguisée et tranchante. Quand quelque chose frôlait ce mécanisme, la porte d’en haut descendait, tous ceux qui étaient dessous étaient tués ou emprisonnés. Le passage était aussi étroit qu’un sentier. Le chevalier s’y est enfoncé avec prudence. Yvain, follement, lui court après à vive allure et il s’approche de si près qu’il s’accroche à l’arçon de derrière. Grâce à cela, comme il se penche en avant, il est sauvé : car il aurait été entièrement pourfendu, son cheval ayant marché sur le bois qui tenait la porte en fer. Ainsi, comme un diable de l’enfer, la herse descend, atteint par derrière la selle et l’animal et tranche tout en deux. Mais, dieu merci, elle ne toucha pas Yvain, si ce n’est qu’elle le griffa au ras du dos et qu’elle trancha les deux éperons ensemble au ras des talons. Il tomba tout effrayé. Le chevalier blessé à mort lui échappa de cette façon : derrière il y avait une autre porte pareille à la première. Le chevalier s’enfuit par là et la porte retomba après lui. Yvain fut prisonnier.

Plein d’angoisse, il resta enfermé dans la salle toute décorée de clous dorés, les murs joliment peints et aux riches couleurs. Mais sa plus grande douleur était de ne pas savoir de quel côté était allé le chevalier. D’une petite chambre à côté de cet endroit, il vit une porte étroite s’ouvrir. Une demoiselle en sortit, seule, très avenante et très belle, qui referma la porte derrière elle. Quand elle découvrit Yvain, elle eut d’abord très peur. « Chevalier, dit-elle, je crains que vous ne soyez pas le bienvenu. Si on vous voit ici, vous serez entièrement démembré, car mon seigneur est blessé à mort, et je sais bien que vous l’avez tué. Ma maîtresse éprouve une immense douleur et ses gens autour d’elle crient si fort qu’ils manquent de se tuer. Ils savent bien, pourtant, que vous êtes là, mais leur souffrance est si violente qu’ils ne savent pas encore s’ils veulent vous tuer ou vous faire prisonnier. Ils n’y manqueront pas quand ils viendront vous attraper ». Et Yvain répond : « Jamais, s’il plaît à Dieu, ils ne me tueront, ni jamais je ne serai pris. – Non, dit-elle, car j’y mettrai tout mon pouvoir. Celui qui doute n’est pas un homme de valeur, mais vous n’êtes pas trop effrayé, c’est pour cela que je crois que vous êtes un homme de valeur. Sachez bien que, si je le peux, je vous rendrai service et vous ferai honneur comme vous le fîtes avec moi. En effet, un jour, ma maîtresse m’envoya porter un message à la cour du roi. Peut-être n’étais-je ni si sage, ni si courtoise ni d’une si bonne condition que celle qu’une jeune-fille doit avoir, mais, à part vous seul qui êtes ici, il n’y eut pas un seul chevalier qui daigna m’adresser la parole. Vous, et je vous en remercie, vous m’avez honorée et servie. Je vous rendrai ici l’honneur que vous me fîtes là. Je sais bien quel est votre nom et je vous ai parfaitement reconnu. Vous êtes le fils du roi Urien et vous vous appelez Yvain. Soyez certain que, si vous voulez me croire, vous ne serez ni pris ni blessé. Vous prendrez mon anneau et vous me le rendrez, s’il vous plaît, quand je vous aurai délivré ». Alors elle lui donne l’anneau et lui dit qu’il a le pouvoir de le cacher pour qu’on ne le voit pas comme s’il était sous une écorce."

Commentaire du texte : 

Yvain, le chevalier au lion est un roman de chevalerie écrit vers 1176. Son auteur est Chrétien de Troyes, poète français, considéré comme le fondateur de la littérature arthurienne en ancien français et l'un des premiers auteurs de romans de chevalerie.

L'extrait met en scène le terrible combat d'Yvain contre Esclados le Roux, chevalier de la Fontaine.

Le chevalier Calogrenant ayant eu une mésaventure avec Esclados le Roux, le « chevalier gardien de la fontaine » en forêt de Brocéliande, Yvain part à l'aventure pour venger son cousin.

Qu'est-ce qui fait d'Yvain un parfait héros médiéval ?

Nous montrerons par quels procédés le narrateur fait des deux combattants des chevaliers hors du commun, puis la présence du merveilleux dans le texte et enfin en quoi Yvain peut être considéré comme un héros parfait.

I. Des combattant hors du commun

1. L'arrivée d'Esclados le Roux :

Le narrateur évoque la tempête suscité par Yvain au-dessus de la fontaine et le retour au calme. La scène est idyllique : "et quand Dieu ramena le soleil, les oiseaux vinrent sur le pin et firent entendre au dessus de la fontaine périlleuse, leur grande joie". Il emploie un adversatif : la conjonction de coordination : "Mais" pour marquer l'arrivée d'Esclados qui est évoquée comme le surgissement d'un événement semblable à la tempête qui a précédé et qui vient troubler à nouveau le silence et la paix retrouvés, à l'aide de deux comparaisons  : "Mais avant qu'il aient terminé, le chevalier vint, plus ardent que la braise, avec le même bruit que s'il chassait un cerf en rut".

Le narrateur nous donne donc l'image d'un guerrier ou d'un chasseur colérique, facilement irrité, peu sensible aux beautés de la nature. Le portrait d'Esclados est peut-être influencé par celui d'Esaü, le frère aîné de Jacob dans l'Ancien Testament.

Par contraste, Yvain n'est pas présenté comme un homme bruyant et colérique, mais comme quelqu'un qui ne fait que se défendre, même s'il a provoqué la colère d'Esclados en versant l'eau de la fontaine périlleuse sur le perron. Il est aussi brave au combat que son adversaire, mais il finit par le vaincre en assénant le coup décisif. 

2. Le combat entre Yvain et Esclados  :

Les chevalier Yvain et Esclados sont présentés comme des combattant hors du commun. Le narrateur présente Esclados comme un adversaire particulièrement redoutable, à la mesure d'Yvain.  à l'aide de deux comparaisons : "le chevalier vint plus ardent que la braise", "avec le même bruit que s'il chassait un cerf en rut".

Le narrateur souligne la haine mortelle que se témoignent les deux adversaires : "Dès que les deux chevaliers s'aperçurent, ils s'approchèrent et ils donnèrent l'impression de se haïr à mort". Il emploie une métonymie pour souligner la vigueur des combattants : "La lance de chacun est rigide et puissante".

Le narrateur évoque les différentes phases du combat comme s'il s'agissait d'un tournoi : les deux adversaires s'affrontent d'abord à la lance : "les lances se brisent et volent en éclats", puis à l'épée, cherchant à frapper le corps de l'adversaire : "les épées blanches frappent sur les bras et sur les hanches", puis le visage : "avec la pointe de leur épée ils se frappent au visage".

L'emploi du présent de narration permet de créer le "suspense", comme si on assistait en direct aux différentes phases du combat. 

Pour souligner la détermination des deux adversaires, la volonté de ne pas céder, le narrateur les compare à des rochers : "Mais ils tiennent leur position et ne bougent pas plus que des rochers". 

L'évocation du combat est dominé par le champ lexical de la violence et de la destruction : "coups violents", "les écus sont percés", "les hauberts se détachent", les lances se brisent et volent en éclat", leurs morceaux volent en l'air", "les heaumes se penchent en avant et se tordent", les mailles des hauberts volent".

Le narrateur insiste sur la symétrie entre les deux adversaires qui semblent s'imiter l'un l'autre : "l'un et l'autre", les deux combattants", "tous deux", deux chevaliers", "tous les deux".

Le narrateur évoque davantage les armes d'attaque et de défense des deux chevaliers que les adversaires eux-mêmes : "la lance de chacun est rigide et puissante", "les écus sont percés, les hauberts se détachent", les lances se brisent", les épées frappent, "les heaumes penchent en avant et se tordent", "les mailles des hauberts volent".

On a l'impression que les armes offensives et défensives des deux adversaires sont dotées d'une vie autonome.

Le combat est évoqué à l'aide d'énumérations : "lance", écus", épées", "heaumes", "hauberts" et par des hyperboles, des exagérations épiques : "Mais ils tiennent leur position et ne bougent pas plus que ne feraient deux rochers", "Jamais deux chevaliers ne furent si avides de hâter leur mort", "ils sont si échauffés que leur haubert ne les protège guère plus qu'un froc", "la durée de cette bataille si violente et si difficile est incroyable", "Mais tous deux sont si courageux qu'à aucun prix l'un ou l'autre ne céderait du terrain avant d'avoir tué son adversaire", "il a la tête fendue jusqu'à la cervelle".

Le combat est évoqué à l'aide de phrases courtes, de proposition indépendantes en asyndète, sans mots de liaison comme des conjonctions de coordination ou de subordination : "Les lances se brisent et volent en éclat ; leurs morceaux volent en l'air."

La défaite du chevalier est évoquée de façon beaucoup plus brève que la description du combat : "A la fin, Yvain brisa la heaume du chevalier jusqu'à : "il est donc inutile de se défendre". Le texte est dominé par le champ lexical de l'agonie : "Brisa", "étourdit et affaiblit", "peur", "douleur", "la tête fendue jusqu'à la cervelle", "défaillir", blessé à mort", "inutile de se défendre" Le narrateur emploie une hyperbole épique : "Il a la tête fendue jusqu'à la cervelle" que l'on retrouve dans un autre poème épique du XIème siècle La Chanson de Roland.

Yvain prend le dessus sur son adversaire quand il brise le heaume du chevalier et lui fend la tête jusqu'à la cervelle. A partir de ce moment, Esclados se sent blessé à mort, renonce à se défendre et s'enfuit vers son château. La poursuite est évoquée à l'aide d'une comparaison entre Yvain et un oiseau de proie : "comme un gerfaut qui poursuit une grue". Yvain échappe de justesse au piège diabolique de la herse qui s'abaisse et  s'enfuit à l'intérieur du château où il demeure prisonnier.

II. La présence du merveilleux dans le texte 

1. La fontaine périlleuse et l'anneau d'invisibilité :

Le merveilleux est présent à deux reprises dans cet extrait. D'abord quand Yvain verse toute l'eau de la fontaine sur le perron du bassin, qu'il se met à venter et à pleuvoir, puis que Dieu ramène le soleil et que les oiseaux se mettent à chanter, ensuite lorsque Lunete remet son anneau à Yvain, un anneau "qui a le pouvoir de le cacher pour qu'on ne le voie pas comme s'il était sous une écorce".

Pour Yvain, les phénomènes qui se produisent autour de la fontaine périlleuse semblent tout à fait normaux. Il n'y a pas d'irruption du surnaturel dans le réel, comme dans le fantastique, mais continuité entre le réel et le merveilleux. De même Lunette remet l'anneau d'invisibilité à Yvain comme s'il s'agissait d'un anneau ordinaire et Yvain accepte ce don sans se poser de questions.

Les éléments symboliques présents dans le récit : la fontaine, les oiseaux, le château qui se referme et dont il est impossible de sortir laissent deviner un thème celtique lié au passage dans l'autre monde, le royaume des fées.

2) Un témoignage d'une conception du monde :

Yvain, le chevalier au lion est une œuvre de fiction, mais Les romans médiévaux de Chrétien de Troyes véhiculent une conception du monde dans laquelle le réel et le surnaturel ne sont pas vraiment séparés. Le surnaturel se mêle au réel. Dans la sensibilité religieuse chrétienne de l'époque, par exemple, on ne met pas en doute les miracles et les apparitions.

Ce monde imprégné de surnaturel est dominé par les valeurs de la chevalerie que sont le courage physique et moral, l'honneur et la courtoisie, mais où la violence la plus extrême légitime des valeurs comme l'honneur, la renommée, la vaillance. Ce monde est celui des Croisades.

Le narrateur s'est arrangé pour présenter Esclados le Roux sous les traits d'un homme à la mesure d'Yvain, mais de façon finalement défavorable, si bien que le lecteur a tendance à prendre le parti d'Yvain et à s'identifier à lui.

III. Yvain, héros médiéval parfait 

1) Un héros noble et courageux  :

En parfaits chevaliers, les deux adversaires ont le souci d'épargner leurs montures : "ils ont agi avec d'autant plus de noblesse qu'ils n'ont jamais blessé ni mis à mal leurs chevaux car il ne le voulaient pas et trouvaient cela indigne. Ils se tinrent toujours à cheval et n'en descendirent jamais, ce qui rendit le combat plus beau". 

Yvain est moins prudent qu'Esclados, l'imprudence étant considérée comme une vertu associée à la vaillance : "Le chevalier s'y est enfoncé avec prudence. Yvain follement, lui court après à vive allure." 

Il est décrit comme un homme courageux aussi bien physiquement que moralement, soucieux de défendre son honneur : "Yvain a peur d'avoir perdu sa peine s'il n'arrive pas à l'attraper mort ou vif et il se souvient des railleries de Keu. Il n'aura pas non plus tenu la promesse qu'il avait faite à son cousin et s'il n'apporte pas de vraies preuves jamais on ne le croira".

Le héros médiéval est soucieux de son image et sensible au jugement des autres.

Le passage qui évoque sa rencontre avec Lunete, la servante et la confidente de Laudine, le présente comme un homme respectueux, courtois et galant, indifférent au statut social de Lunete.

De plus, Yvain préfère mourir que d'être capturé et, selon Lunette  "ne connait pas le doute". Yvain est donc un héros médiéval parfait.

2) Un héros courtois :

La jeune fille est la servante de Laudine, l'épouse du chevalier Esclados. Son attitude est assez surprenante : elle devrait partager la colère des habitants du château car Yvain vient de blesser à mort leur maître.

Son attitude s'explique par deux raisons : d'abord, elle pense que "c'est un homme de valeur" car il ne se résout ni à être tué, ni à être emprisonné,  ne doute pas et ne semble pas très effrayé.

D'autre part, elle se souvient qu'un jour sa maîtresse l'envoya à la cour du roi Arthur pour y porter un message et qu'il fut le seul chevalier à daigner lui adresse la parole. Yvain n'est donc pas un inconnu pour elle. Elle veut lui rendre l'honneur qu'il lui fit à cette occasion en empêchant qu'il ne soit tué ou capturé.

Conclusion : 

Yvain et Esclados le Roux sont présentés comme des combattant hors du commun. Le narrateur évoque les différentes phases du duel comme s'il s'agissait d'un tournoi, le texte étant dominé par le champ lexical de la violence. Le merveilleux est également très présent.

Le héros médiéval dont Yvain est un modèle très idéalisé, est en phase avec le surnaturel qu'il accepte tout naturellement, il fait preuve d'un courage physique et moral indomptable.  C'est un homme de valeur qui ne connaît ni la peur ni le doute, un homme soucieux de son honneur, respectueux des valeurs de la chevalerie, un homme courtois qui  honore toutes les femmes, quel que soit leur rang social. 

Le texte témoigne de la conception du monde contemporaine des Croisades. Le rôle prépondérant de la chevalerie prendra fin avec la défaite d'Azincourt le 25 octobre 1415  et le début de la suprématie des armes à distance sur la mêlée. 

Le Don Quichotte de Cervantès  À la fois roman médiéval — un roman de chevalerie — et roman de l'époque moderne alors naissante, est une parodie des mœurs médiévales et de l'idéal chevaleresque. Les valeurs et la conception du monde qui régnaient au Moyen-Âge sont devenus au, XVIème siècle, source de comique.

Il n'en reste pas moins que ce mélange d'héroïsme, de merveilleux et de mystère enchante encore l'imagination du lecteur ou du spectateur modernes dans des adaptations cinématographiques comme Kaamelott, Excalibur ou Lancelot du Lac, qui en apprécie la dimension épique et, comme le dit Paul Ricoeur, "la richesse d'harmoniques mythiques et mystiques".

Note : "Rappelons-nous le rêve de Constantinople, chez les musulmans dont on a discuté récemment. On peut n'y voir qu'une ambition politique. Mais dès lors que ce rêve était "dit" dans un mythe, il dépassait Constantinople et pouvait devenir un symbole eschatologique ; cela se retrouve dans la mystique chrétienne, dans le "château" de sainte Thérèse, et finalement dans Le Château de Kafka. Nous retrouvons dans le thème du Graal, ou dans la recherche du "trésor" la même richesse d'harmoniques et mystiques ; il y a ainsi un surplus de significations dans l'œuvre, dans le mythe, qui excède son support historique, bien qu'on puisse discerner un tel support historique, social, économique ; mais, dès qu'il est "dit", il subit une transformation dans l'élément du Logos, et cette parole pourra être reprise à partir d'autres situations historiques, elle pourra être comprise." (Paul Ricoeur, Histoire et Vérité, Editions du Seuil, p.86)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :