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Henri Bergson, religion et mysticisme
Henri Bergson, religion et mysticisme

L'auteur : 

Henri Bergson, né le 18 octobre 1859 à Paris, ville où il meurt le 3 janvier 1941, est un philosophe français. Parmi les ouvrages qu'on lui doit, les quatre principaux sont l’Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), Matière et mémoire (1896), L'Évolution créatrice (1907) et Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932). Il est également l'auteur du Rire, un essai sur la signification du comique (1900). Bergson est élu à l'Académie française en 1914 et il reçoit le prix Nobel de littérature en 1927. Il fut à la SDN (Société des Nations) le premier président de la Commission internationale de coopération intellectuelle, ancêtre de l'UNESCO. Ses idées pacifistes ont influencé la rédaction des statuts de la Société des Nations.

Le livre :

"Dans Les deux sources de la morale et de la religion, son dernier grand livre (1932), Bergson ne se contente pas d'établir la distinction entre le clos et l'ouvert comme critère absolu en morale, mais aussi en religion (et même dans chaque religion) et en politique. Il en recherche le double fondement, dans la structure immuable de notre espèce, d'un côté dans les actes imprévisibles des grands hommes de bien ou des mystiques, de l'autre. Loin de s'appuyer sur une métaphysique toute faite, ce livre la renouvelle, en discutant aussi avec les sciences de son temps, dont la sociologie ; loin de prêcher une morale désuète, il se place au cœur de son époque ; loin de cautionner une critique de la démocratie, ou de la technique, il les place au centre des choix des hommes. Il est urgent de le relire." (source : Babelio)

Le texte : 

"Qu'on adhère ou non à la religion, on arrivera toujours à se l'assimiler intellectuellement, quitte à se représenter comme mystérieux ses mystères. Au contraire, le mysticisme ne dit rien, absolument rien, à celui qui n'en a pas éprouvé quelque chose.

Tout le monde pourra donc comprendre que le mysticisme vienne de loin en loi s'insérer, original et ineffable, dans une religion préexistante formulée en termes d'intelligence, tandis qu'il sera difficile de faire admettre l'idée d'une religion qui n'existerait que par le mysticisme, dont elle serait un extrait intellectuellement formulable et par conséquent généralisable.

Nous n'avons pas à rechercher quelle est celle de ces interprétations qui est conforme à l'orthodoxie (1) religieuse. Disons seulement que du point de vue du psychologue, la seconde est beaucoup plus vraisemblable que la première.

D'une doctrine qui n'est que doctrine sortira difficilement l'enthousiasme ardent, l'illumination, la foi qui soulève des montagnes.

Mais posez cette incandescence, la matière en ébullition se coulera sans peine dans le moule d'une doctrine, ou deviendra même cette doctrine en se solidifiant.

Nous nous représentons donc la religion  comme la cristallisation, opérée par un refroidissement savant, de ce que le mysticisme vint déposer, brûlant, dans l'âme de l'humanité.

Par elle tous peuvent obtenir un peu de ce que possédèrent pleinement quelques privilégiés.

Il est vrai qu'elle a su accepter beaucoup de choses, pour se faire accepter elle-même. L'humanité ne comprend bien le nouveau que s'il prend la suite de l'ancien.

Or l'ancien était d'une part ce que les philosophes grecs avaient construit, et d'autre part ce que les religions antiques avaient imaginé.

Que le christianisme ait beaucoup reçu, ou plutôt beaucoup tiré, des uns et des autres des uns et des autres, cela n'est pas douteux. Il est chargé de philosophie grecque, et il a conservé bien des rites, des cérémonies, des croyances même de la religion que nous appelions statique ou naturelle.

C'était son intérêt, car l'adoption partielle du néo-platonisme aristotélicien (2) lui permettait de rallier à lui la pensée philosophique, et ses emprunts aux anciennes religions devaient aider une religion nouvelle, de direction opposée, n'ayant guère de commun avec celle d'autrefois que le nom, à devenir populaire.

Mais rien de tout cela n'était essentiel : l'essence de la nouvelle religion devait être la diffusion du mysticisme.

Il y a une vulgarisation noble, qui respecte les contours de la vérité scientifique, et qui permet à des esprits simplement cultivés de se la représenter en gros jusqu'au jour où un effort supérieur leur en découvrira le détail et surtout leur en fera pénétrer profondément la signification.

Du même genre nous paraît être la propagation de la mysticité par la religion. En ce sens, la religion est au mysticisme ce que la vulgarisation est à la science."

(Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Presses universitaires de France, Paris, 1932, pp. 251-253)

(1) Doctrine officielle

(2) Aristote est l'élève de Platon : sa philosophie fournit au christianisme ses cadres conceptuels, notamment à travers saint Thomas d'Aquin.

Questions sur le texte : 

1. Quel est le thème de ce texte (de quoi parle ce texte) ? Quelle est la thèse de l'auteur ? Quelle différence faites vous entre "s'assimiler intellectuellement une religion" et "se représenter comme mystérieux ses mystères" ? Donnez des exemples.

2. Pourquoi le mysticisme ne dit-il rien à celui qui n'en a pas éprouvé quelque chose ?

3. Pourquoi est-il difficile de faire admettre l'idée d'une religion qui n'existerait que par le mysticisme dont elle serait un extrait intellectuellement formulable et par conséquent généralisable ?

4. Pourquoi l'idée d'une religion qui n'existerait que par le mysticisme est-elle plus vraisemblable du point de vue du psychologue qu'une religion formulée en termes d'intelligence ? A quel psychologue Bergson fait-il allusion ?

5. Pourquoi le mysticisme peut-il difficilement sortir d'une doctrine qui n'est que doctrine ?

6. Pourquoi, selon Bergson,  l'inverse est-il possible ?

7. Quel est, selon Bergson, le lien entre mysticisme et religion ? Expliquez le mot "cristallisation".

8. "Par elle tous peuvent obtenir un peu de ce que possède pleinement quelques privilégiés" : A quels privilégiés Bergson fait-il allusion ? 

9. "Il est vrai qu'elle a su accepter beaucoup de choses pour se faire accepter elle-même  ; qu'est-ce que la religion a été obligée d'accepter ? Les dogmes religieux sont-ils établis et admis dès le début et une fois pour toutes ? Donnez des exemples.

10. "L'humanité ne comprend le nouveau que s'il prend la suite de l'ancien". Donnez des exemples dans le domaine religieux et dans d'autres domaines.

11. Quels sont les éléments anciens dans le christianisme ? Ces éléments appartiennent-ils en propre au christianisme ou sont-ils plus anciens que lui ?

12. Expliquez "religion statique ou naturelle".

13. Comment le christianisme a-t-il rallié à lui la pensée philosophique, tout en devenant populaire ? Pour répondre à cette question cherchez l'étymologie de "populaire".

14. Quelle est, selon Bergson, l'essence du christianisme ?

15. En quoi consiste la "vulgarisation noble" de la vérité scientifique ? Pouvez-vous donner des exemples ?

16. "La religion est au mysticisme ce que la vulgarisation est à la science" : expliquez l'analogie.

 

 

 

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