Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Cahiers de l'Herne : Vladimir Jankélévitch

Ce cahier, consacré à Vladimir Jankélévitch, paru aux Editions de l'Herne en 2023, dirigé par Françoise Schwab, Pierre-Alban Gutkin-Guinfolleau et Jean-François Rey

Vladimir Jankélévitch, l'homme :

Professeur à la Sorbonne pendant près de trente ans, Vladimir Jankélévitch a marqué de nombreuses générations d’étudiants par ses cours de morale et de métaphysique autant que par sa personnalité.

Parmi ses ouvrages, on note Le Traité des vertusLe je-ne-sais-quoi et le presque-rien, ou La Mort. Il porte également un regard neuf sur la musique des XIXème et XXème siècles. Dans L'imprescriptible, composé de deux textes (« Dans l'honneur et la dignité », 1948, et « Pardonner ? », 1971), Vladimir Jankélévitch reprend un article qu'il a fait paraître en 1965 dans le no 103 de la Revue administrative.

Cet ouvrage contribue à définir la notion d'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, au moment où les crimes des nazis vont être couverts par la prescription.

Philosophe engagé, il est de tous les combats de son siècle (Résistance, mémoire de l’indicible ; engagement pour la défense de la philosophie lors des États généraux de la philosophie en 1979). Il est surnommé "le marcheur infatigable de la gauche" à cause de sa participation à de très nombreuses manifestations, joignant philosophie et histoire vécue.

La pensée morale de Vladimir Jankélévitch ramène à une vie vécue selon l’ordre du cœur puisque ce dernier, et lui seul, constitue la vraie structure d’acte de sa philosophie. Son combat est de faire reconnaître la prééminence absolue de la morale sur toute autre instance. (source : Wikipédia)

Le Cahier de l'Herne consacré à Vladimir Jankélévitch :

"Nul besoin de caution pour s'intéresser à l'œuvre monumentale de Vladimir Jankélévitch (1903-1985) qui traverse de bout en bout le XXe siècle. Philosophe, écrivain, pianiste, musicologue, résistant, témoin et victime d'une guerre qui a « coupé sa vie en deux », infatigable marcheur de la gauche, professeur en Sorbonne... C'est tout cela que fut Vladimir Jankélévitch.

Les visages de l'homme sont multiples et ce Cahier, à partir de conférences et d'articles de Jankélévitch désormais introuvables (sur la musique, la religion et son judaïsme), de documents historiques (un CV corrigé de la main de Jankélévitch, une attestation de Résistance), d'engagements publics (sur l'enseignement de la philosophie, sur l'Université française, sur la Shoah, sur l'Allemagne d'après-guerre), mais aussi, d'articles critiques et de témoignages de ses collègues, disciples et fidèles amis, permet d'en dessiner tous les contours.
Toutes les pages de ce Cahier démontreront sans peine l'actualité d'une pensée qui lie tous les champs du savoir classique à l'exigence quasiment existentielle de la morale."

Extrait de l'avant-propos de F. Schwab, J.-F. Rey, P.-A. Gutkin-Guinfolleau :

"La notion d'avant propos eût réjoui Vladimir Jankélévitch. Elle fait irruption dans le silence, se poursuit par l'évocation d'une œuvre qui mérite attention, une destinée à laquelle ce Cahier souhaite contribuer. Elle s'inscrit d'ailleurs dans un regain d'intérêt pour les recherches académiques tant en philosophie qu'en musique. Aucune mode ne saurait justifier la parution aujourd'hui d'un Cahier Vladimir Jankélévitch. C'est dire paradoxalement son absolue, ou son "irrelative" aurait dit Jankélévitch, pertinence.

Nul besoin de prétexte pour s'intéresser à l'œuvre essentielle de cette figure marquante qui traverse son siècle (1903-1985). Le destin de cette œuvre, trop longtemps méconnue, située en retrait, à la marge de toutes écoles ou chapelles, entretenait une singularité qui l'a privée, parfois, de notoriété. Cet "apatride philosophique" aura sans doute contribué à cette  méconnaissance à laquelle il accorde des pages magnifiques dans le Je ne sais quoi et le Presque rien.

Dans les ouvrages qui lui sont consacrés, on aura souvent entendu répéter qu'il avait prophétisé cette destinée, qu'il "travaillait pour le XXIème siècle", comme il l'écrivait dans une lettre adressée à son ami louis Beauduc en 1954. Jankélévitch ironisait bien sûr. Mais parce que le XXème siècle ne l'a peut-être pas suffisamment pris au sérieux (autre notion qu'il affectionnait particulièrement), prenons-le tout de même aujourd'hui au mot.

Même la renommée et l'engouement suscités à la fin de sa vie par les médias, n'entachaient guère sa sagesse rieuse : "Je profite de la dévaluation des systèmes ! On me retrouve là où je suis depuis toujours, dans les marges ou les à-côtés. C'est ma récompense !". Le malicieux philosophe d'un soir, jamais dupe, remarque qu'il fait l'objet d'une gourmandise éphémère. 

D'origine russe, ses parents, tous deux médecins, s'installent à Bourges où Vladimir Jankélévitch naît en 1903. Leur origine juive a sans doute motivé leur désir de ne jamais revenir au pays où les pogroms se déchaînent à la fin du XIXème siècle. Cette veine russe est présente tout au long de la vie de Jankélévitch. Elle l'est dès sa jeunesse, par l'étude de compositeurs et d'auteurs (Rimski-Korsakov, Andreïev, Tolstoï pour ne citer qu'eux) qui nourrissent son imaginaire. Son père, Samuel Jankélévitch, humaniste et lettré, consacre ses loisirs à la traduction d'œuvres historiques et philosophiques - il est par ailleurs le premier traducteur de Freud en France.

Peut-être doit-il à ses origines l'exigence profonde de ses engagements ? La nature profonde de Vladimir Jankélévitch l'amène à ne pas s'enfermer dans une tour d'ivoire, à militer si la cause est d'importance. On ne saurait, à cet égard, passer sous silence la présence constante du philosophe dans les affaires de la Cité.

Infatigable marcheur de la gauche, ce riverain du quai aux Fleurs, ce philosophe de la transmission de la mémoire, ne manquait jamais la commémoration des martyrs de la Résistance à la crypte voisine située à la pointe de l'île de la Cité.

Jankélévitch condamnait tous les abus, les totalitarismes, les discriminations de tous ordres parce que le crime raciste vise l'idée propre d'humanité héritée des Lumières. L'exigence morale rejoint ici la clairvoyance politique. Sa porte fut toujours ouverte à ceux qui, dans l'après-68, le sollicitaient pour signer une pétition, rejoindre un collectif. Il ne se bornait pas à ce rôle : il réaffirmait, chaque fois que cela lui paraissait nécessaire, son engagement à gauche, son attachement à Israël, sa pensée de justice et de pardon.

Professeur de morale à la Sorbonne (1952-1979) et avant à Besançon et à Lille, il n'abordait pas moins la métaphysique ou la musique dans ses cours et ses livres qui enchantèrent plusieurs générations d'étudiants. Sa parole séduisait aussi les auditeurs rivés à l'écoute de radio-Sorbonne lors de la diffusion de ses cours publics : ils avaient pour objet de traquer une conscience tout entière immergée dans la moralité, d'analyser des vertus, parfois démodées, telles que le courage, la sincérité, la fidélité, d'évoquer l'absence, les extrêmes et le milieu, le presque rien entrevu dans sa philosophie première, l'irréversible et l'irrémédiable de la mort, le ressenti de la mémoire. Ces leçons de vie laissent le souvenir d'une voix inimitable, d'une philosophie inclassable.

Ce Cahier en fait son objet, dans le respect des paroles proférées par le philosophe, dans les écrits de ceux qui veulent ne pas le perdre de vue, désireux de suivre encore et toujours sa trace, de s'en inspirer, non de le sanctuariser.

Il en coûte alors d'éviter les classifications hâtives afin de faire entendre la singularité d'une voix qui se ressource aux grandes traditions, celles qui se tiennent en dehors des problèmes actuels ou les affronte en solitaire..."

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :