Serge de Beaurecueil et ses "enfants de Kaboul"
J'ai eu la chance, la joie et l'honneur de rencontrer le Père Serge de Beaurecueil en 1983, à l'abbaye de Sylvanès, après l'invasion par les troupes soviétiques de sa patrie d'adoption, l'Afghanistan, d'où il fut expulsé dans des conditions particulièrement dramatiques. Il accepta, par la suite de concélébrer mon mariage et de devenir le parrain de confirmation de notre fils aîné.
De ce qui se passa exactement alors et de ce qu'il nous confia un jour, de cette terrible épreuve, je ne dirai rien, ou simplement ceci : que cet homme qui était l'incarnation de la Joie avait traversé la nuit du Jardin des Oliviers et pleuré des larmes de sang.
Massignon avait été son maître et Corbin son ami. Comme Louis Massignon et Henry Corbin, Serge de Beaurecueil a cherché à jeter des ponts entre les civilisations et les cultures, entre l'orient et l'occident, l'islam et le christianisme, mais il était également persuadé que "l'Autre", quel qu'il soit, recèle un mystère irréductible.
Serge de Beaurecueil était un être plein de fantaisie et d'humour, c'était aussi un mystique, mais il s'interdisait toute spéculation "hasardeuse", sur l'universalité des symboles spirituels et religieux. Sa démarche était aux antipodes de celle de K.-G. Jung ou de Mircea Eliade, par exemple.
Il respectait scrupuleusement les critères d'historicité et de spécificité de l'exégèse scientifique, il estimait énormément Louis Massignon et Henry Corbin, mais il ne les ne suivait pas dans leur recherche de convergences systématiques entre les notions, les traditions et les symboles, en particulier entre le christianisme et l'islam, sans aller toutefois jusqu'à nier qu'il puisse éventuellement y en avoir. Il préférait l'analyse rigoureuse d'un sujet précis aux synthèses conjecturales.
Serge de Beaurecueil était un intellectuel de haut vol (d'une intelligence et d'une indépendance d'esprit suffisamment précoce pour avoir commencé à étudier de lui-même l'arabe dès l'âge de 14 ans) et un mystique, mais pas un "gnostique".
Ce n'est que dans la conversation privée qu'il lui arrivait de poser le problème des "convergences". "Puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, pourquoi y a-t-il plusieurs
religions ?" me demanda-t-il un jour avec un sourire malicieux, "Koan" digne d'un grand Maître du bouddhisme Zen.
Il est certain que l'intérêt de Serge de Beaurecueil pour la mystique musulmane et pour Ansâri, un mystique afghan du XI ème siècle dont il était le spécialiste reconnu, ne relevait pas des critiques qui ont été faites à la démarche de Corbin et de Massillon : il ne manifestait pas un "enthousiasme démesuré" pour le sujet, il n'était pas un adepte du soufisme, il ne surévaluait pas la dimension mystique de la pensée d'Ansâri, pas plus qu'il ne sous-évaluait les aspects non mystiques de l'islam, tel qu'il est pratiqué en fait par la plupart de ses adeptes et il respectait enfin scrupuleusement les critères de la recherche historique.
A propos de Serge de Beaurecueil et d'Abdullah Ansâri, voici ce qu'écrit le Père dominicain Régis Morelon :
"Ansari était afghan, né et mort à Herat, de rite hanbalite, et il n’avait jamais été en contact avec des textes religieux autres que musulmans, contrairement à quelqu’un comme Ibn ‘Arabi qui cite des textes chrétiens.
Comme le disait Serge de Beaurecueil, "Il n’avait pas connaissance d’un langage dogmatique qu’il aurait pu utiliser pour parler de l’amour de Dieu, il cherchait donc ses propres mots à partir de ce que l’on pourrait définir comme une connaissance expérimentale, enracinée dans son rapport personnel à Dieu, ce qui fait que toute son oeuvre est un témoignage de l’amour de Dieu pour les vrais croyants, et cette oeuvre se présente alors comme une critique radicale du discours d’un certain nombre de pasteurs chrétiens qui ont peut-être le vocabulaire dogmatique mais qui n’ont pas expérimenté ce qu’est cet amour." Serge de Beaurecueil n’était pas de ceux-là car lui aussi avait clairement une «connaissance expérimentale» de la proximité de Dieu.
Il est le premier à avoir dépouillé tous les documents anciens pour établir scientifiquement ce qu’avait été la vie, la formation et le développement de l'oeuvre d'Ansâri.
Il a édité rigoureusement, à partir de tous les manuscrits existants, les textes originaux principaux et quelques-uns de leurs commentaires marquants, dont la plupart étaient simplement imprimés vaille que vaille. On peut dire alors qu’après le travail de Serge de Beaurecueil on peut enfin connaitre Ansâri tel qu’il était, et ses oeuvres telles qu’elles avaient été composées.
Serge savait par coeur, en persan et en arabe, beaucoup de textes d'Ansâri, et tout cela a nourri sa méditation jusqu’à son décès, puisqu’il a demandé qu’on lui apporte à la clinique de Rouen où il est mort le texte persan d’une sentence qu’il n’était pas sûr de retrouver mot à mot.
La voici dans la traduction qu’il avait faite avec amour :
"Comment aurais-je su que la souffrance est mère de la joie, et que sous une déception se cachent mille trésors ? Comment aurais-je su que la vraie vie se trouve dans la mort, et que l’objet de nos désirs se trouve tout entier dans l’absence de tout désir ?
La vie, c’est la vie du coeur ; la mort, c’est la mort de l’âme. Tant que tu ne mourras pas en toi, jamais tu ne vivras en
Dieu. Meurs, mon ami, si tu veux vivre !
Il a bien dit, l’homme au coeur généreux : «L’amour n’agrée pas plus l’âme vivante que le faucon ne chasse le rat mort».
Celui de qui Tu es la vie, comment pourrait-il mourir ? Celui dont Tu es le tourment, son tourment, quand pourrait-il finir ? Toi qui est là et que l’on peut trouver ! Il n’est de joie que par Ta connaissance, il n’est de vie que par Ta découverte. Celui qui vit sans Toi est comme un mort au fond de sa prison. Qui a trouve Ta compagnie échappe à ce monde et à l’Autre."
Voilà donc ce que fut, grâce à Ansâri, la toute dernière méditation de Serge de Beaurecueil. Il ne faisait pas pour autant du syncrétisme. Il restait profondément chrétien, mais sa communion avec la pensée de son ami lui avait montré qu’un certain type de rapport mystique était au-delà de la «religion» de celui qui la pratique, et il citait pour cela un autre texte d’Ansari :
"Le Soleil est là-bas et le rayon ici. Qui donc a vu rayon séparé du soleil ? Le mystique est tout entier là-bas, et sa trace est ici. Finies les discussions des Docteurs de la Loi ! la trace n’est point séparée du Tout : ici il n’y a que Toi, là-bas il n’y a que Lui."
Comme il conclut lui-même son article posthume : "l’Amour de Dieu pour lui-même, l’Amour de Dieu pour Ses amis, l’Amour de Ses Amis pour Dieu ne font qu’un. Toute dualité est exclue, comme le dit Ansâri : "Les deux mondes ont péri dans l’Amour et l’Amour a péri dans l’Ami. Maintenant je ne puis dire que c’est moi, je ne puis dire que c’est Lui."
Il s’agit là de la dernière maxime qui a été proclamée à notre usage grâce à la collaboration de deux grands amis, Serge de Beaurecueil et Abdullah Ansâri, l’un et l’autre vrais maîtres spirituels. Que Dieu les garde tous deux en Sa miséricorde."
Son existence parmi les Afghans était à l'image de cette démarche, infiniment respectueuse des spécificités spirituelles, religieuses et culturelles de "l'autre", à l'opposé à tout "syncrétisme".
Serge de Baurecueil s'était véritablement "inculturé", au point de penser tangentiellement l'autre, non à partir de la culture occidentale, mais comme "l'autre" se "pensait lui-même". Il parlait afghan, vivait comme les Afgans, parmi les Afghans, comme les Afghans.
Il n'accordait pas une importance essentielle aux dogmes, aux rituels, aux symboles et aux manifestation extérieures de la religion, ni même à la liturgie ou à la théologie. L'essentiel, pour lui, encore une fois, était "invisible pour les yeux".
Il avait compris et faisait comprendre, pas tant par des paroles, mais par son existence même, que la religion n'a pas d'intérêt et peut même être néfaste si elle n'aboutit à une transformation intérieure, si elle s'intéresse à Dieu sans s'intéresser à l'Homme et si la foi ne s'enracine pas dans l'amour et dans l'espérance :
"J'ai rencontré, quelqu'un, le Dieu vivant qui m'a séduit." pour parler comme Jérémy. Je ne crois guère aux idéologies, mais je crois en Jésus de Nazareth. Je ne crois guère à la morale, mais je crois en l'Esprit Saint, guidant mes pas, de l'intérieur. Je ne crois pas "posséder" la Vérité que je pourrais, du haut de ma supériorité, dispenser aux autres. Je souhaite seulement avec eux, souvent par eux et à travers eux, pas à pas, jour après jour, aller vers elle, afin que ce soit elle qui me possède. Quelle que puisse être par moments l'obscurité de notre nuit, je crois, pour eux et pour moi, de tout mon être, à la radieuse étoile du matin."
Il était farouchement opposé à toute forme de dogmatisme intellectuel ou religieux et le développement du fondamentalisme islamique le révulsait. Il en parlait comme d'une monstruosité.
Serge de Beaurecueil était issu d'un milieu "privilégié" : il avait passé son enfance à Neuilly et descendait par son père de la vieille aristocratie française et était apparenté, par sa mère, à la famille impériale des Romanov.
Ses souvenirs d'enfance avaient le charme délicieusement suranné de ceux de Marcel Proust dans "La Recherche du Temps perdu", mais, dans l'ensemble, cette période de sa vie ne fut pas heureuse en raison de la mésentente qui régnait entre ses parents.
"Chienne d'enfance !" disait-il. C'est peut-être cette blessure précoce et secrète, dont il ne parlait que par allusion, qui explique en partie sa complicité avec les enfants, sa compréhension de leur souffrance et son désir de leur venir en aide.
"On dit que les larmes des enfants ne sont rien, écrivit un jour George Sand, on se trompe, elles sont aussi amères que celles qui coulent plus tard."
Les yeux du coeur
La vie et la personne de Serge de Beaurecueil évoquait irrésistiblement les Béatitudes : "Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux... Heureux
les doux : ils auront la terre en partage... Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés... Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés... Heureux les
miséricordieux : il leur sera fait miséricorde... Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu... Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu... Heureux ceux qui sont
persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux... Et l'avertissement de Jésus : "Laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux appartient à ceux
qui leur ressemblent."
Oui, ce merveilleux témoin du Christ des coeurs purs, ce partageur de pain et de sel, avait un coeur d'enfant, pareil, comme le dit magnifiquement Jean Mambrino, dans un haïku, aux violettes après la pluie.
Docteur en théologie, co-fondateur de l'institut dominicain d'Etudes orientales, spécialiste mondialement reconnu de l'islam et du soufisme, titulaire d'une chaire d'histoire de la mystique musulmane à l'université de Kaboul, Serge de Beaurecueil aurait pu poursuivre tranquillement une carrière universitaire.
Mais ce qui demeure caché à ceux qui se croient intelligents a été révélé aux enfants et à ceux qui leur ressemblent ; ce qu' Antoine de Saint-Exupéry a condensé dans la parole d'un grand soufi, un renard des sables : "On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux."
"Car je crois que seul vit véritablement celui qui vit son existence comme un mystère." a écrit Stefan Zweig. Serge de Beaurecueil était un mystique : Il
vivait comme une évidence la réalité de la vie éternelle, au-delà des apparences et des croyances religieuses et vivait véritablement les paroles que nous prononçons souvent machinalement : "Je
crois en Dieu, créateur de l'univers visible et invisible."... "Je crois en la communion des saints."
C'est en priant sur la tombe d'Ansâri, à Herat, qu'il eut la révélation du "mystère de son destin" et qu'il reçut "en son coeur" l'appel à aimer sans limites et à
se donner soi-même ("Tu n'as voulu ni sacrifice, ni holocauste, alors j'ai dit : "voici, je viens !") comme la signification commune et cachée (mais d'une simplicité pour ainsi dire "enfantine")
du soufisme et du mysticisme authentiques.
Serge de Beaurecueil se mit à ne voir qu'avec les yeux du coeur et à répondre à l'appel silencieux des plus humbles, des plus pauvres, des plus innocents et des plus vulnérables : les enfants des rues, les orphelins, handicapés, meurtris par la guerre, venus de Kaboul et de toutes les régions de l'Afghanistan, qu'il recueillit par dizaines dans sa maison de Kaboul et dont certains, comme son filleul afghan, Ehsan Mérangais, poursuivent aujourd'hui , dans un pays ravagé par une autre guerre, l'oeuvre de celui qu'ils appellent le "Podar", le Père : recueillir soigner, nourrir, vêtir, éduquer et aimer.
Car le "mystère de l'Incarnation" ne signifie pas seulement que "Dieu s'est fait Homme", mais que l'Homme, jusqu'au "plus petit d'entre nos frères" est une icône de Dieu.
"Das Licht der Herrlichkeit scheint mitten in der Nacht. Wer kann es sehn ? Ein Herz, das Augen hat und wacht."
"L'éclat de la splendeur apparaît dans la nuit. Qui peut la voir ? Un coeur qui a des yeux et qui veille." (Angelus Silesius)
Serge de Beaurecueil aidait à comprendre que la sainteté n'est pas réservée à quelques privilégiés dotés de vertus héroïques et de grâces exceptionnelles, mais qu'elle est à la portée de chacun d'entre nous, avec ses forces et ses faiblesses, à condition de croire en l'amour et d'oser la joie.
Il rejoignait en cela un autre esprit prophétique de notre temps, Abraham Joshua Eschel, avec lequel il avait plus d'un point commun : "Souviens-toi qu'il y un a un sens au-delà de l'absurde. Sois certain que chaque action, aussi petite soit-elle a de l'importance, que chaque mot possède un pouvoir. N'oublie jamais que tu peux toujours prendre part à la rédemption du monde, en dépit de toutes les absurdités, des toutes les frustrations et de toutes les déceptions."
Serge s'est enformi, en l'an 2005, au début du printemps, pour s'éveiller dans le Royaume subtil de l'Orient éternel, où il converse désormais, non plus comme dans un miroir, mais face à face, avec son Ami et les amis de son Ami, avec Corbin, avec Massillon, avec Hallaj, avec son cher Ansâri, avec saint Serge de Radonège, où, comme le dit Aliocha Karamazov : "les amis se racontent joyeusement tout ce qui s'est passé", où il lit "Tintin au Tibet" au milieu des anges, où il partage le pain et le sel avec Ghaffâr, où il goûte "ce que l'oeil n'a jamais vu, ce que l'oreille n'a jamais entendu, ce qui n'est jamais monté au coeur de l'homme", où il prie pour l'Afghanistan, pour "ses" enfants, pour nous tous, dans la lumière radieuse de l'étoile du matin.
"Erwart es, Meine Seele ! Das Kleid der Herrlichkeit wird Keinem angetan in dieser wüsten Zeit."
"Attends mon âme le vêtement de Gloire, nul ne le passe en ce désert du temps." (Angelus Silesius)
Il repose à Sylvanès, parmi les collines, au pied de l'église russe, si belle sous la neige...
Sur sa tombe sont inscrits ces mots, ainsi qu'il l'avait
souhaité : "Si tu viens visiter ma tombe, ne t'étonne pas de voir le monument danser. Prends ton tambourin, car la tristesse ne convient pas au banquet de Dieu." (Ansâri)
"... La nuit, lorsque mon peuple dort, pieds nus, accroupi dans le fond de ma petite chapelle, je me fais son intercesseur. Comme Abraham, comme Jacob, comme Moïse, comme Jésus...
Un bâtonnet de santal répand son parfum, symbole de tous ceux qui se sont consumés aujourd'hui, dans le dur labeur, dans la souffrance, ou dans l'amour...
Et je suis là, accablé de toutes les fautes de mon peuple, affligé de toutes ses peines, lourd de tous ses espoirs...
Tous ceux qui se sont endormis aujourd'hui pensant ne rencontrer qu'un Juge, je les présente à leur Sauveur et je les introduis aux Noces Éternelles. Tous les petits qui sont nés aujourd'hui, j'en fais des enfants de Dieu. Toutes les prières accomplies aujourd'hui, dans les maisons, dans les mosquées, je les transforme en Notre Père....
Mon cœur n'est plus que le creuset où, au feu de l'amour du Christ, tous les alliages de chez nous se métamorphosent en or. Et à travers mes lèvres que je lui prête, c'est l'Afghanistan tout entier qui clame vers le Père cet Abba! que lui souffle l'Esprit..."
Le frère Serge de Laugier de Beaurecueil est né à Paris le 28 août 1917. Entré chez les Dominicains en 1935, il est ordonné prêtre en mars 1943.
Il s’installe au Caire en 1946 et participe à la création de l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales (IDEO).
Il y entreprend très vite des recherches sur la mystique musulmane. En 17 années de recherche, il devient le spécialiste mondialement reconnu d’Ansâri, un mystique persan du 11e siècle.
En 1953-1954, il publie un Commentaire du livre des étapes, ouvrage d’Ansâri dont il publiera l’édition critique en 1962 (Les Étapes des Itinérants vers Dieu). Suivront plusieurs autres ouvrages sur Ansari : Khwâdja "Abdullâh Ansârî" (396-481/1006-1089), mystique hanbalite, Beyrouth, 1965.
Sa compétence lui vaut d’être officiellement invité en Afghanistan en 1963 à l’occasion de la célébration du neuvième centenaire lunaire de la mort d’Ansari. En 1971, il passe un doctorat d’Etat ès lettres à la Sorbonne, sur l’ensemble de ses travaux (cf. MIDEO, n° 11, 1972, pp. 291-300).
Il est alors invité à venir s’installer à Kaboul où l’Université lui confie une chaire d’histoire de la mystique musulmane. Mais très vite, il va préférer s’occuper d’enfants, à la fois comme enseignant ou conseiller pédagogique au lycée Esteqlal, mais aussi en recueillant chez lui jusqu’à 20 ou 25 enfants abandonnés, handicapés, meurtris par la guerre. Tous sont musulmans, des diverses ethnies de l’Afghanistan. Seul prêtre catholique dans ce pays, il fait part de ses réflexions sur le sens de cette présence chrétienne en milieu musulman dans deux ouvrages qui eurent un grand retentissement : Nous avons partagé le pain et le sel (Cerf, 1965) et Prêtre des non-chrétiens (Cerf, 1968).
Au moment de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, il dut quitter le pays dans des conditions dramatiques. Un adolescent dont il s'occupait, Mirdad Pedari, actuellement vice-président de l'Association "Afhanistan demain" fut arrêté et torturé afin de lui extorquer des aveux concernant une prétendue appartenance de Serge aux services secrets américains. Victime d'une grave dépression nerveuse (il confia à certains d'entre nous qu'il avait même songé, à ce moment-là, à mettre fin à ses jours) et désireux de faire cesser les pressions sur les enfants, Serge de Beaurecueil quitta l'Afghanistan en tant que "rapatrié sanitaire" par le biais de l'ambassade de France à Kaboul., Il s’établit d’abord Bruxelles puis à Paris. Revenant sur son expérience afghane, il publiera deux témoignages particulièrement émouvants : Un chrétien en Afghanistan (Cerf, 1985 ; réédité en 2001) et Mes enfants de Kaboul (Cerf, 1992 ; réédité en 2004).
Il revient aussi à Ansari, dont il publie Ansârî, Chemin de Dieu. Trois traités spirituels, en 1985 et Ansârî, Cris du cœur, Paris, 1988.
Ce départ forcé d’Afghanistan fut pour lui une très grande épreuve mais il garde le contact avec l’Afghanistan à travers « ses enfants » qui ont voulu poursuivre son œuvre en particulier son filleul afghan, Ehsan Mehrangais fondateur et président de l’Association Afghanistan demain qui accueille 450 enfants à Kaboul et entend le faire dans le même esprit que le Père Serge.
En 2003, il retourna à Kaboul, accompagné d’une équipe de la télévision française (Envoyé spécial) venue tourner un reportage sur ce parcours peu ordinaire : Le Père de Kaboul.
Serge de Beaurecueil s’est éteint le 2 mars 2005, après une brève maladie. Il repose désormais, au pied de l’église russe de Sylvanès, non loin de l’Abbaye.
Bibliographie :
Nous avons partagé le pain et le sel (Cerf,
1965)
Prêtre des non-chrétiens (Cerf,
1968)
Un chrétien en
Afghanistan (Cerf, 1985, réédité en 2001)
Mes enfants de
Kaboul (Cerf, 1992 ; réédité en 2004)
Je crois en l’Étoile du matin (Cerf, 2005)
http://www.sylvanes.com/
http://catholique-valence.cef.fr/IMG/pdf_Beaurecueil_Aiguebelle_.pdf : un beau témoignage sur le Père Serge de Beaurecueil, sous forme d'un parallèle avec le Père
Christian de Chergé et les moines du monastère de Tibhirine, en Algérie.