"Sexion d'Assaut" : "désolant !"

J'ai écrit cet article il y a un certain temps déjà ; on constatera en lisant les commentaires qu'il n'a pas laissé indifférent. Je ne renie rien de ce que j'ai écrit, mais je prends acte d'une évolution de ce groupe qui me semble assez positive.

Sexion d'Assaut semble avoir renoncé (peu importe les raisons) à certaines thématiques (par exemple l'homophobie). Si j'ai écrit cet article, ce n'est pas pour "démolir" systématiquement ce groupe et pour en dire du mal sur le plan artistique (peu importe également ce que j'en pense, après tout, ce n'est qu'une affaire de goût), mais parce que j'estimais alors qu'il était de mon devoir de rappeler qu'il existe des limites et qu'il y a des propos et des attitudes intolérables.

Ce n'est pas rendre service à ce groupe et à ceux qui l'adulent que d'admirer sans réserve Sexion d'Assaut et d'admettre sans discussion (par peur de passer pour "raciste", accusation qui fuse vite par les temps qui courent ou par démagogie) que tout ce qu'ils font, chantent et disent est au-dessus de toute critique, au nom de la sacro-sainte "vitalité" qui constitue de nos jours le dernier mot de la moralité publique et privée...

A la suite d'une discussion avec une collègue professeur d'Education musicale confrontée à une demande de la part de ses élèves de collège, je me suis intéressé à ce groupe et je me suis aperçu, à ma grande surprise, qu'il était actuellement l'un des préférés des jeunes Français.

J'ai cherché à en savoir plus sur Sexion d'Assaut, sur ses origines, sa production, sur les raisons de cet engouement .

J'ai observé, pendant mes dernières années d'enseignements, une augmentation de la discrimination entre élèves et une banalisation des insultes  : "Sale Feuj!" (Juif), "Sale Rebeu!" (Beur, Arabe),  "Sale Renoi!" (Noir), "Sale intello!" "Sale Chinetoque!" (le mot "Chinetoque" désignant indifféremment tous les Asiatiques, qu'ils soient d'origine chinoise, vietnamienne ou cambodgienne), et évidemment "Sale gouine!" et "Sale pédé!". Certains collègues ont même entendu "Sale souchien!" (Français de souche)... Je vous passe les insultes à l'encontre des élèves qui ont le malheur d'avoir quelques kilos de trop, un défaut physique ou quoi que ce soit de différent de la "norme".

Oui, je sais, c'est dérangeant, mais il faut avoir le courage de regarder les choses en face. Je ne suis pas sûr que le communautarisme agressif et les idées véhiculées par les textes de "Sexion d'Assaut" contribuent à améliorer l'acceptation des "différences".

Sexion d'Assaut est un groupe de rap français, formé au début des années 2000, composé de huit rappeurs venant pour la plupart du nord et du centre de Paris.

Le « street album » « L’écrasement de tête », avec le collectif au complet, sorti en avril 2009, sous le label Because Music leur permet d’acquérir une certaine notoriété auprès du grand public et d’entamer une tournée dans toute la France.

L’album L'École des points vitaux, sorti le 29 mars 2010,  rencontre un énorme succès, et se vend à plus de 19 000 exemplaires dès la première semaine, avec des  titres comme Casquette à l'envers, L'École des points vitaux ou encore Mon gars sur. Le titre de l'album L'École des points vitaux est une allusion au manga Hokuto No Ken (Ken le survivant en Français)

Le 19 juin 2010, ils font la première partie du duo rap le plus célèbre de l'hexagone, NTM au Parc des Princes.

Ils ont fait également l'ouverture d'un récent  Printemps de Bourges.

Le titre Changement d'ambiance  reprend la B.O. du film L'Agence tous risques ; un clip a été mis en ligne le 31 mai 2010.

Ils font partie des premiers artistes français à dépasser le million de fans (avec les Daft Punk et David Guetta) sur le site communautaire Face book en août 2010.

La rentrée 2010 s'annonce d'ores et déjà chargée : une tournée nationale qui se terminera au Zénith de Paris, le 5 novembre 2010.  La tournée 2011 s'achèvera quant à elle, par un concert à Bercy le 3 mai 2011.

Le 1er octobre 2010, Sexion d'Assaut sortira une chanson uniquement disponible sur son blog officiel.

Le groupe se compose actuellement de :

• Lefa, de son vrai nom Karim Fall
• Petrodollars, de son vrai nom Lionel Dahi
• Maitre Gims, de son vrai nom Gandhi Bilel Djuna
• Doumams, de son vrai nom Mamadou Baldé
• Maska, de son vrai nom Bastien Souleyman Vincent
• Black Mesrimes, de son vrai nom Alpha Diallo
• Barack Adama, de son vrai nom Adama Diallo
• Jeryzoos, de son vrai nom Karim Ballo

Inventivité et prolixité verbale, pauvreté musicale :

L'usage du terme "musique" demeure très controversé selon certains spécialistes lorsqu'il lorsqu'il s'agit de définir le hip-hop et le Rap qui en est issu. La raison réside dans le fait que, contrairement à d'autres genres musicaux (blues, rock, jazz, etc.), le mouvement hip-hop n'utilise en général aucun instrument tel que la batterie, la guitare, etc.

L'originalité du Rap repose essentiellement sur une rythmique obstinée et sur un flot ininterrompu de paroles, sans recherche mélodique. La matière sonore peut s'enrichir d'effets spéciaux (échantillonnages).

Il faut signaler toutefois l'existence d'un courant qui intègre le style parlé, des instruments et une mélodie dans une synthèse souvent heureuse avec le jazz, le funk et le groove.

Il est intéressant de rappeler les deux versions du sens du mot Rap : la première "Rhythm And Poetry" et la deuxième "Rock Againts Police".

Le Rap, né dans les quartiers noirs du Bronx, du Queens et de Brooklyn à New-York, est (du moins au départ) l'expression à l'état brut de la violence urbaine, un condensé de haine et de rébellion qui s'explique historiquement et sociologiquement, mais il a su évoluer vers des formes d'expression plus raffinées et moins stéréotypées.

En comparaison avec d'autres groupes n'ayant pas bénéficié d'une campagne de promotion comparable : Psykick Lyrikah, Oxmo Puccino, Hocus Pocus, Beat Assaillant, The Roots, A Tribe called Quest, J. Rawls, Hand of the Torch, J-Live..., Sexion d'Assaut ne brille ni par l'originalité de son inspiration, ni par sa richesse émotionnelle. ni par la qualité de ses textes.

Ces derniers sont dans l'ensemble assez pauvres et véhiculent des  poncifs passablement réchauffés.

Pour paraphraser Stéphane Mallarmé, on ne fait pas de la musique avec des sons, mais avec des notes et de la poésie avec des sentiments et des émotions à l'état brut, mais aussi avec des mots. C'est quand l'émotion  "colle" avec les mots que le miracle se produit ("L'enfant seul" d'Oxmo Puccino) 

La revendication identitaire :

Lors d'une interview télévisée, le groupe confie à Mustapha El Atrassi : « On aurait pu faire cette chanson (Casquette à l’envers) après les déclarations récentes de Nadine Morano. La secrétaire d’État avait affirmé : « Moi ce que je veux d’un jeune, quand il est français, c’est (…) qu’il ne parle pas verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers ». C’est une façon de dire que l’habit ne fait pas le moine ».

Une référence malheureuse :

Le titre du groupe "Sexion d'Assaut" est une déformation de l'expression "section d'assaut" qui est une traduction de l'allemand "Sturmabteilung", mais le mot "Sturm" signifie aussi "orage" et "tempête" - on retrouve ce terme dans le "Sturm und Drang"  ("Tempête et Passion") qui préfigure le Romantisme allemand. La "Sturmabteilung" formait une organisation paramilitaire du NSDAP (le Parti nazi). Elle joua un rôle important dans l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler dans les années 1930.

Le mot "section" a été transformé en "sexion" où se lit évidemment le mot "sexe".

La tentation "nihiliste" et la fascination pour la violence :

Malgré le titre provocateur du groupe, il n'y a pas dans les textes de "Sexion d'Assaut" de référence explicite au nazisme et encore moins d'apologie. Certains textes ne manquent pas d'une certaine fraîcheur, mais on retrouve souvent, exprimée dans une syntaxe maladroite qui "parle aux jeunes", une fascination pour la violence et le désespoir et parfois même une incitation au passage à l'acte, le principe étant d'humilier à son tour lorsqu'on a été soi-même humilié. La victime devient ainsi bourreau. (MorsayTruand 2 la galère)

L'homophobie :

On retrouve des propos homophobes dans de nombreux morceaux de "Sexion d'Assaut" : "Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent, coupe leur le pénis, laisse les morts, retrouvés sur le périphérique" rappe Maître Gims dans le titre "On t'a humilié"... "Lointaine est l'époque où les homos se maquaient en scred. Maintenant, se galochent en ville avec des sapes arc-en-ciel. Mais vas-y bouge, vas-y bouge. Toutes ces pratiques ne sont pas saines. Nos corps ne seront qu'un tas de cendre, la mort ne sera qu'une passerelle." lance Maska dans Cessez le feu. "T'as froid dans le dos quand un travelo te dit "vas-y viens !". Car tu sais que l'homme ne naît pas gay, mais qu'il le devient." dans le morceau A 30%... "Bien trop de gays qui s'aiment et en plus se marient.", dans "Vous aussi" par Maître Gims ou "Toujours anti-homos" par Adams dans Rescapé.

Dans le magazine international Hip Hop, sorti en Juin , Lefa, l'un des membres du groupe déclare : "Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu'on est homophobes à cent pour cent et qu'on l'assume. Mais on nous a fait beaucoup de réflexions et on s'est dit qu'il était mieux de ne pas trop en parler parce que ça pouvait nous porter préjudice." ; "Imagine, il y a même des gays qui viennent nous voir ! On ne peut donc pas dire ouvertement que pour nous, le fait d'être homosexuel est une déviance qui n'est pas tolérable."

Un peu plus tard, Lefa, par le biais d'un communiqué officiel, s'explique : " Je me suis exprimé lors d'une interview, pour le lancement de l'album, sur l'homosexualité, ce qui a déclenché, depuis plusieurs semaines,  beaucoup de réactions de la part de la maison de disques, de notre "tourneur" (directeur de tournée), et, en interne, dans le groupe... Les propos que je reconnais avoir tenus, ne sont effectivement pas acceptables et je tiens avant tout à m'en excuser auprès des gens que j'aurais pu blesser. Je me suis rendu compte en vérifiant la signification du mot "homophobie" que j'avais sortir une connerie plus grosse que moi. C'est vrai que j'ai grandi dans l'ignorance de ce que ce terme signifie vraiment. Mais ni moi, ni le groupe ne sommes homophobes. L'homosexualité est quelque chose qui est très loin de nous, qui avons grandi dans un milieu macho, et on utilise des mots qui s'y rapportent à tout bout de champ, sans forcément tous les maîtriser. Le groupe a eu beaucoup de succès très vite, et c'est vrai que nous prenons conscience que nos paroles ont désormais un retentissement important, c'est la raison pour laquelle je voulais revenir là-dessus et clarifier les choses." 

La récupération commerciale et l'impact sur les jeunes français de "Sexion d'Assaut" ne sont pas sans danger, car certaines de ses thématiques : la haine véhiculée dans leurs positions et dans les textes, l'apologie de la violence, le désespoir et le nihilisme peuvent laisser une empreinte négative ; quant à leur homophobie affirmée, elle risque de renforcer la tentation de l'exclusion et de l'intolérance.