Hercule-Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655)
Hercule Savinien Cyrano, dit Cyrano de Bergerac, est un écrivain français, né à Paris le 6 mars 1619 et mort à Sannois le 28 juillet 1655.
Cyrano de Bergerac est né à Paris. Il n'est donc pas gascon : le « Bergerac » dont il prend le nom est une terre possédée par sa famille, dans la vallée de Chevreuse sur les rives de l’Yvette, à Saint-Forget en région parisienne. Ce poète et libre-penseur, contemporain de Boileau et Molière, aime à signer ses écrits de noms plus ou moins imaginaires qu’il rattache au sien. C’est de 1638 que daterait l’ajout de « de Bergerac », peut-être lorsqu’il rejoint les cadets de Gascogne.
L'écrivain est surtout connu aujourd’hui pour sa comédie Le Pédant joué, pour son Histoire comique des États et Empires de la Lune, première partie de l’Autre Monde, et particulièrement pour avoir inspiré à Edmond Rostand le personnage central de sa pièce Cyrano de Bergerac, qui reprend certes des éléments de la biographie du poète du grand siècle, mais s’en écarte également par des aspects non négligeable.
Groupement de textes sur la vision satirique de la médecine :
- Jean de la Fontaine, Fables, Livre V, 12, « Les Médecins », 1668
- Cyrano de Bergerac, Œuvres diverses de M. Cyrano de Bergerac, Lettres satiriques, « Contre les médecins »,
- Molière, L'amour médecin, Acte III, scène 1, 1665
- Jules Romains, Knock, Acte II, scène 2, 1923
Un (bon) devoir d'élève (l'introduction a été modifiée) :
Cyrano de Bergerac est un auteur protéiforme, à l'image du mouvement baroque : il écrit des comédies, des tragédies, des apologues, mais aussi une série de lettres "poétiques, amoureuses et satiriques". La sixième des lettres satiriques prend la forme d'un réquisitoire contre les médecins. Nous montrerons comment l'auteur dénonce l'optimisme irresponsable des médecins, puis leur cynisme et enfin leur nocivité.
Cyrano de Bergerac dénonce l'absurde optimisme des médecins qui minimisent systématiquement l'état de leurs malades : "Ce ne sera rien", "Plus je sens empirer le mal qu'il me cause par ses remèdes (...) et ne me panse d'autre chose que d'un tant mieux !" Il montre que les médecins posent un diagnostic aberrant : plus les symptômes s'aggravent et plus le médecin se montre satisfait. Champions du paradoxe et de l'absurde, les médecins s'obstinent à voir dans l'aggravation des symptômes des signes et guérison et de la pertinence de leurs diagnostics. L'auteur pousse la dénonciation jusqu'à la caricature en montrant le médecin qui s'adresse aux proches éplorés de son malade pour les sermonner en leur reprochant leur chagrin : "Pauvres nigauds !" Les médcins font le contraire de ce que recommanderait le bon sens en se réjouissant de ce qui devrait les alarmer.
L'auteur montre que cet optimisme irresponsable relève davantage d'un calcul cynique que de l'ignorance ou de la sottise. Le mot "cynisme" vient du grec kuôn (chien) ; un cynique est quelqu'un qui brave avec impudence les principes moraux. Le médecin correspond parfaitement à cette définition ; il tient deux discours contradictoires ; en assurant au malade qu'il va guérir et aux proches qu'il a peu de chances d'en réchapper, il s'arrange pour "gagner" à tous les coups. Il se comporte comme un devin, un prophète qui fait semblant de connaître un avenir qu'il ignore. Pour l'auteur, les médecins sont non seulement des ignorants, mais des imposteurs.
Les médecins font preuve d'un optimisme irresponsable, d'un cynisme effronté. Ce sont aussi de dangereux assassins. L'auteur exprime leur "nocivité" (du latin "nocere" = nuire) à travers une métaphore filée fondée sur une comparaison entre le médecin et le bourreau, le malade et un condamné ("condamné", "arrêt prévotal", "bourreau", "poignard", "sous la gorge", "traître", "je me meurs", "ennemis", "me tuer", "tomber dans la fosse".)
La nocivité des médecins est également mise en évidence à travers le conseil ironique que l'auteur donne aux malades : se faire médecins pour expédier dans l'autre monde les médecins qui les ont "affaiblis".
Cette dénonciation se termine par une exagération rhétorique, une hyperbole : le simple fait de rêver d'un médecin est susceptible de donner la fièvre !
Dans cette lettre plus effrayante que réellement amusante, Cyrano de Bergerac dénonce l'absurde et irresponsable optimisme des médecins, mais aussi leur cynisme
effronté. Les médecins sont non seulement des ignorants et des imposteurs, ce sont également des "bourreaux" dont les drogues assassinent les malades. Ce texte vient grossir le répertoire
traditionnel de la dénonciation de la médecine et des médecins. On peut y voir une sorte d'intermédiaire entre le comique de Molière et la pièce de Jules Romains, Knock dont nous avons
ici un extrait.