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"Le mystère est considéré comme insoluble, pour la raison même qui devrait le faire regarder comme facile à résoudre - je veux parler du caractère excessif sous lequel il apparaît." (E. Poe, "Le Double assassinat dans la rue Morgue", Histoires extraordinaires, traduction Charles Baudelaire)

 

Questionnaire sur la nouvelle :


1) Qui est le narrateur du récit ?


2) Faites en quelques lignes le portrait psychologique d'Auguste Dupin.


3) Quand et comment le récit correspondant au titre de la nouvelle débute-t-il vraiment ? De quoi est-il question auparavant?


4) Relevez les mots et les expressions qui expriment le caractère horrible du double crime.


5) En quoi ces deux crimes semblent-ils "mystérieux" et "incompréhensibles" ?


6) En quoi consiste la méthode d'investigation de Dupin ?


7) Quelles explications du crime écarte-t-il ? Pourquoi ?


8) Sur quels points insiste-t-il particulièrement ?


9) Relevez les indices qui permettent à Dupin d'émettre une hypothèse sur l'identité du meurtrier.


10) Relevez les indices qui permettent à Dupin d'émettre une hypothèse sur le propriétaire de l'orang-outang.


11) Pourquoi Dupin est-il certain que le marin répondra à son annonce ?


12) Le récit du marin : montrez que ce récit corrobore (confirme) les déductions de Dupin et permet d'élucider les points restés obscurs.


Conclusion : cherchez le sens du mot "fantastique". Cette nouvelle appartient-elle au genre fantastique ? Justifiez votre réponse.

 

Elements de réponses :

 

1) Le récit est écrit à la 1ère personne du singulier ("je"), le narrateur est un personnage du récit (narrateur-témoin), un ami du personnage principal, le chevalier Auguste Dupin.

 

2) Portrait psychologique de Dupin : culture, imagination, jeune gentleman d'excellente famille tombé dans une certaine pauvreté, "mélancolie fantasque", goût de la solitude, "aime la nuit pour l'amour de la nuit", aptitudes analytiques exceptionnelles. Elles semblent "surnaturelles" (divinatoires) ; "Double assassinat dans la rue Morgue" est considéré comme le premier roman policier moderne et l'archétype de tous les autres. Tout y est déjà, y compris le "tamdem" du détective génial et de son assistant auquel s'identifie le "lecteur moyen". La personnalité du détective, en l'occurrence Auguste Dupin, est presque plus importante que l'énigme ; elle constitue en elle-même une énigme. Les successeurs de Poe (A. Conan Doyle, John Dickson Carr, Agatha Christie...) se souviendront de la leçon du maître : pour intéresser le lecteur à des faits, il faut d'abord les intéresser à des personnes.

 

3) Le récit proprement dit commence par un article de Journal extrait de la Gazette des Tribunaux.

 

4) "On en tira le corps de la demoiselle... strangulation" ; "Là, gisait le cadavre... apparence humaine."

 

5) Crimes "mystérieux" et "incompréhensibles" (apparence fantastique) : pas de domestique, vie retirée des deux victimes, les cris, aucun témoin n'est d'accord sur la nationalité du meurtrier présumé, comment le ou les assassins se sont-ils enfuis ? (paradigme du crime en chambre close), force surhumaine du meurtrier ; absence de mobile apparent.

 

6) La méthode d'investigation de Dupin consiste dans un examen minutieux des lieux et des témoignages, l'absence de "préjugés" (ce n'est pas parce qu'un phénomène est extraordinaire qu'il est incompréhensible), la certitude qu'il existe une explication rationnelle, la confiance dans la raison humaine, la construction d'une hypothèse hypothético-déductive (si... alors) susceptible de rendre compte des faits de manière complète et satisfaisante (les faits sont "faits", ils n'ont pas de "sens" par eux-mêmes). Il ne faut pas, comme le préfet de police, "avoir le nez collé sur les faits", "il faut les regarder légèrement de côté", prendre de la distance. Rôle de "l'imagination rationnelle" ; quand aucune explication ne cadre avec les faits, alors il faut envisager l'hypothèse la plus  improbable (en l'occurence que l'auteur du crime n'est pas un être humain).

 

7) Dupin écarte l'hypothèse d'un crime crapuleux : le meurtrier n'a pas pris l'or.

 

8) Dupin insiste sur les points suivants : les voix, l'agilité du meurtrier, l'absence apparent de mobile (rien n'a été dérobé), la vigueur de l'assassin ("prodigieuse puissance", "férocité bestiale")

 

9) Les indices : cheveux, marques d'ongles 

 

10) Le propriétaire est un marin appartenant à un navire maltais ; indices : morceau de ruban, particularité du noeud marin.

 

11) Le marin est pauvre et l'animal est d'un grand prix, "presque une fortune".

 

12) Le récit du marin.

 

Conclusion : "Double assassinat dans la rue Morgue" n'est pas un roman fantastique, mais un roman policier. Le roman policier commence là où s'arrête le fantastique.

 

Fantastique : se dit d'une oeuvre où se mêlent le naturel et l'étrange de façon si inquétante que le lecteur hésite entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle des événements. cette hésitation, ce doute, constituent le principe même du fantastique. Le fantastique se distingue de la pure fiction et du merveilleux (univers utopique factice).


"Double assassinat dans la rue Morgue" a les apparences du fantastique, mais les faits ont une explication rationnelle.


 

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(...) Peu de temps après cet entretien, nous parcourions l’édition du soir de la Gazette des tribunaux, quand les paragraphes suivants attirèrent notre attention :


« DOUBLE ASSASSINAT DES PLUS SINGULIERS. – Ce matin, vers trois heures, les habitants du quartier Saint-Roch furent réveillés par une suite de cris effrayants, qui semblaient venir du quatrième étage d’une maison de la rue Morgue, que l’on savait occupée en totalité par une dame l’Espanaye et sa fille, Mlle Camille l’Espanaye. Après quelques retards causés par des efforts infructueux pour se faire ouvrir à l’amiable, la grande porte fut forcée avec une pince, et huit ou dix voisins entrèrent, accompagnés de deux gendarmes.


Cependant, les cris avaient cessé ; mais, au moment où tout ce monde arrivait pêle-mêle au premier étage, on distingua deux fortes voix, peut-être plus, qui semblaient se disputer violemment et venir de la partie supérieure de la maison. Quand on arriva au second palier, ces bruits avaient également cessé, et tout était parfaitement tranquille. Les voisins se répandirent de chambre en chambre. Arrivés à une vaste pièce située sur le derrière, au quatrième étage, et dont on força la porte qui était fermée, avec la clef en dedans, ils se trouvèrent en face d’un spectacle qui frappa tous les assistants d’une terreur non moins grande que leur étonnement.


La chambre était dans le plus étrange désordre ; les meubles brisés et éparpillés dans tous les sens. Il n’y avait qu’un lit, les matelas en avaient été arrachés et jetés au milieu du parquet. Sur une chaise, on trouva un rasoir mouillé de sang ; dans l’âtre, trois longues et fortes boucles de cheveux gris, qui semblaient avoir été violemment arrachées avec leurs racines. Sur le parquet gisaient quatre napoléons, une boucle d’oreille ornée d’une topaze, trois grandes cuillers d’argent, trois plus petites en métal d’Alger, et deux sacs contenant environ quatre mille francs en or. Dans un coin, les tiroirs d’une commode étaient ouverts et avaient sans doute été mis au pillage, bien qu’on y ait trouvé plusieurs articles intacts. Un petit coffret de fer fut trouvé sous la literie (non pas sous le bois de lit) ; il était ouvert, avec la clef de la serrure. Il ne contenait que quelques vieilles lettres et d’autres papiers sans importance.


On ne trouva aucune trace de Mme l’Espanaye ; mais on remarqua une quantité extraordinaire de suie dans le foyer ; on fit une recherche dans la cheminée, et – chose horrible à dire ! – on en tira le corps de la demoiselle, la tête en bas, qui avait été introduit de force et poussé par l’étroite ouverture jusqu’à une distance assez considérable. Le corps était tout chaud. En l’examinant, on découvrit de nombreuses excoriations, occasionnées sans doute par la violence avec laquelle il y avait été fourré et qu’il avait fallu employer pour le dégager. La figure portait quelques fortes égratignures, et la gorge était stigmatisée par des meurtrissures noires et de profondes traces d’ongles, comme si la mort avait eu lieu par strangulation.


Après un examen minutieux de chaque partie de la maison, qui n’amena aucune découverte nouvelle, les voisins s’introduisirent dans une petite cour pavée, située sur le derrière du bâtiment. Là, gisait le cadavre de la vieille dame, avec la gorge si parfaitement coupée, que, quand on essaya de le relever, la tête se détacha du tronc. Le corps, aussi bien que la tête, était terriblement mutilé, et celui-ci à ce point qu’il gardait à peine une apparence humaine.


Toute cette affaire reste un horrible mystère, et jusqu’à présent on n’a pas encore découvert, que nous sachions, le moindre fil conducteur...»


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