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Fred Uhlman, L'ami retrouvé, 1971, traduit de l'anglais par Léo Lack, titre original : Reunion,  introduction d'Arthur Koestler, NRF Gallimard, paru également en folio.

L'ami retrouvé raconte l'amitié impossible entre le narrateur Hans Schwarz, fils d'un médecin juif, et un jeune aristocrate, Conrad von Hohenfels, pendant la montée du nazisme. La mère de Conrad déteste les juifs, et son père n'y fait guère attention. Les parents de Hans, qui soupçonnent les vexations que subit le jeune homme au lycée, décident de l'envoyer en Amérique, chez son oncle, où il fera des études de droit à l'université de Harvard dans le Massachusetts et où il deviendra avocat. Il essaiera d'oublier l'enfer de son passé, qui se rappellera à lui de façon tragique.

Après ses études, Hans reçoit une lettre ; celle-ci provient du Karl Alexander Gymnasium, son ancien lycée, accompagnée d'un fascicule contenant une liste de noms dans lequel il retrouve tous les noms des anciens élèves, morts pendant la guerre. Il reconnaît les noms d'anciens élèves de sa classe mais il ne veut pas regarder à la lettre H par crainte de voir le nom de son ami Conrad. Juste avant de jeter le fascicule, il se décide à regarder les H et découvre le nom de son ami et c'est à ce moment que l'on comprend le vrai sens de l'amitié. En effet, il découvre que son ami Conrad a été exécuté en raison de sa participation à la tentative d'assassinat contre Hitler.

Le livre est précédé d'une préface d'Arthur Koestler qui, qualifiant le livre de « chef-d'œuvre mineur » et de « roman en miniature », le situe entre le roman et la nouvelle.

Fred Uhlman, né le 19 janvier 1901 à Stuttgart (Allemagne), mort à Londres en 1985, est un écrivain et un peintre britannique d'origine allemande.

Dans sa jeunesse, il fréquenta le lycée Eberhard Ludwig de Stuttgart. Ses matières préférées étaient le français, l’allemand, l’histoire et les mathématiques. Il débuta des études de droit en 1927 à l’université de Tübingen, puis à Fribourg et Munich ; il devint avocat.

Il ne put maintenir son cabinet dans l’Archivstrasse à Stuttgart en raison de ses activités au SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne), et quitta son pays pour Paris le 24 mars 1933, échappant ainsi au sort qui attendait de nombreux juifs. À Paris, il se livra à des occupations diverses : création d’un cinéma pour enfants, journalisme, vente de tableaux, commerce de poissons tropicaux. C’est là aussi qu’il débuta une carrière de peintre.

En mars 1936, son séjour à Tossa del Mar en Espagne coïncida avec le début de la guerre civile mais il eut le temps d’y rencontrer sa future épouse, Diana, fille de Sir Henry Page Croft, membre du parlement britannique. Il fut alors obligé de quitter l’Espagne pour le Royaume-Uni en 1938, pays dont il ne connaissait ni la langue, ni les coutumes.

Là-bas, il installa le Comité des Artistes refugies, un centre anti-nazi pour les réfugiés et les combattants d’Espagne, mais quelques mois plus tard, alors que sa femme attendait son premier enfant, considéré comme suspect, étant d'origine alemande, il fut fait prisonnier à l’île de Man par les Britanniques en juin 1940. Il fut enfermé au camp d’Hutchinson, où les internés passaient leur temps à peindre ou à écouter des conférences. Il put continuer à exercer son ancienne passion, la peinture. Fred Uhlman témoigne :

Libéré, Fred Uhlman deviendra un Britannique accompli et un peintre célèbre. Il meurt à Londres en 1985.  (d'après Wikipedia)
 

I/ Questions sur le roman :

1) Qui est le narrateur ?

2) Est-ce un récit totalement autobiographique ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur la biographie de l'auteur. Quels sont les points communs entre le narrateur et l'auteur ?

3) "Il entra dans ma vie en février 1932 pour n'en jamais sortir" : à l'aide de votre manuel d'Histoire, explicitez le contexte historique de la première phrase de ce récit.

4) Quel âge a le narrateur au moment où débute l'histoire ? Quel âge a le narrateur au moment où il la raconte  ?

5) Relevez, dans la première page une anticipation.

6) Le "nouveau venu" : en quoi est-il différent des autres élèves ?

7) Précisez la composition et les centres d'intérêt des deux "coteries" de la classe. Pour quelles raisons respectives leurs membres cherchent-ils à attirer Conrad von Hohenfels ?

8) Chap. III : quelle idée le narrateur se fait-il de l'amitié ?

9) Chap. IV : qu'est-ce qui attire le plus le narrateur chez Conrad von Hohenfels ? Qui est la duchesse de Guermantes ?

10) Au moyen de quels "stratagèmes" le narrateur essaye-t-il  d'attirer l' attention de Conrad von Hohenfels ?

11) Chap. V : "Trois jours plus tard, le 15 mars - je n'oublierai jamais cette date -, je rentrais de l'école par une douce et fraîche soirée de printemps..." Le narrateur s'attendait-il à la réaction de Conrad ? Par quoi le narrateur est-il surpris ?

12) Comment sa joie se manifeste-t-elle ?

13) Cette joie est-elle complète ? Pourquoi ?

14) Chapitre VI : mettez en évidence la dimension poétique de l'amitié entre le narrateur et Conrad. Cherchez des renseignements sur Friedrich Hölderlin.

15) Chapitre VII : les rumeurs de l'Histoire... Conrad et le narrateur s'intéressent-ils à la politique ? Qu'est-ce qui les intéresse le plus ?

16) Le narrateur et Conrad réagissent-ils de la même manière face à la question du mal ?

17) De quoi le narrateur prend-il conscience en lisant des ouvrages d'astronomie ?

18) De quoi les deux garçons discutent-ils ?

19) Quels sont leurs centres d'intérêt communs ?

20) Quelle idée se font-ils des "filles" ?

21) Dans quelle région d'Allemagne le narrateur habite-t-il ? Comment se traduit la fierté que le narrateur éprouve envers cette région (son histoire, sa culture, ses paysages...)

22) Le narrateur se sent-il plus juif que souabe ou allemand ?

23) Que pense-t-il du "sionisme", de l'antisémitisme, de "l'assimilation" ? En quoi partage-t-il les idées de son père ?

24) Que pense le père du narrateur du nazisme ? Pourquoi se sent-il en sécurité ?

25) Pourquoi le narrateur rechigne-t-il à présenter tout de suite Conrad à ses parents ?

26) Comment les parents du narrateur réagissent-ils à la première visite de Conrad ? Pourquoi le père du narrateur se met-il au garde-à-vous ? Pourquoi le narrateur a-t-il honte de son père ? Comment les parents du narrateur réagissent-ils par la suite ?

27) Que symbolisent pour le narrateur les deux griffons qui "gardent" l'entrée de la demeure des Hohenfels ?

28) Chap. XV : "Tous deux savions que les choses ne seraient jamais plus comme avant et que c'était la fin de notre amitié et de notre enfance." Que s'est-il passé ?

29) Chap. XVI : "Et la fin de fut pas longue à venir. La tempête, qui avait commencé à souffler de l'est, atteignit la Souabe. Sa violence s'accrut jusqu'à la force d'une tornade et ne s'apaisa que douze années plus tard lorsque Stuttgart fut aux trois quart détruit. Ulm, la ville médiévale, un amas de décombres et Heilbronn une ruine où douze mille personnes avaient péri." Comment s'appelle cette figure de style ? De quelle "tempête" s'agit-il ?

30) En quoi consistait l'enseignement dispensé au Karl Alexander Gymnasium ?

31) En quoi consiste l'enseignement dispensé par le nouveau professeur ?

32) Les élèves sont-ils tous d'accord, au début, avec Herr Pompetzki ?

33) Montrez que son arrivée dans l'établissement inaugure une ère nouvelle.

34) Montrez que la lettre de Conrad au narrateur exilé en Amérique, traduit la folie qui s'est emparé de l'Allemagne.

35) Chap. XVIII : Comment les parents du narrateur meurent-ils ? Pourquoi envoient-ils leur fils aux Etats-Unis ? Pourquoi se refusent-ils à quitter l'Allemagne ?

36) Pourquoi le narrateur hésite-t-il à prendre connaissance du sort de Conrad von Hohenfels ?

37) "Von Hohenfels, Conrad, impliqué dans le complot contre Hitler. Exécuté."

Quelles réflexions suscite la dernière phrase du roman ? Quel lien peut-on établir entre la dernière phrase du roman et le titre français du récit : "L'ami retrouvé" ?

II/ Expliquez et commentez cette appréciation d'Arthur Koestler sur L'Ami retrouvé :

"Lorsque je lus pour la première fois L'ami retrouvé de Fred Uhlman, j'écrivis à l'auteur que je considérais cette oeuvre comme un chef d'oeuvre mineur, qualficatif qui exige peut-être une brève explication. Il avait trait à la petite dimension du livre et à l'impression qu'en dépit de ce qu'il avait pouir thème la plus affreuse tragédie de l'Histoire humaine, il était écrit dans un ton mineur plein de nostalgie...

De par son format, L'ami retrouvé n'est ni un roman ni une nouvelle, mais un récit. Le volume et la qualité panoramique (expliquez cette expression) lui font défaut, mais ce n'est pas non plus une nouvelle parce que celle-ci traite généralement d'un épisode, d'un fragment de vie, alors que le récit aspire à être quelque chose de plus complet : un roman en miniature. Fred Uhlman y réussit admirablement, peut-être parce que les peintres savent comment adapter la composition à la dimension de la toile."

III/ Eléments de réponse :

L'ami retrouvé n'est pas une véritable autobiographie, le roman ne raconte pas exactement la vie de l'auteur, Fred Ulhman ; il s'agit d'une autobiographie romancée : certains éléments sont réels (la montée du nazisme, la persécution contre les Juifs... ). L'auteur s'est servi d'éléments de son histoire personnelle et en a inventé d'autres : l'amitié entre Hans Schwartz et Conrad von Hohenfels.

1932 est une date fatidique qui scelle le destin de l'Allemagne pendant près de quinze ans ; cette date correspond à l'année qui précède l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir.

Quand débute cette histoire, le narrateur, Hans Schwartz a 16 ans ; il vit à Stuttgart, en Allemagne. Au moment où il la raconte, il a plus d'une quarantaine d'années et il vit aux Etats-Unis.

"Plus d'un quart de siècle a passé depuis lors, plus de neuf mille journées fastidieuses et décousues, que le sentiment de l'effort ou du travail sans espérance contribuait à rendre vides, des années et des jours, nombre d'entre eux aussi morts que les feuilles déssechées d'un arbre mort." (p. 13 dans l'édition NRF Gallimard) :

il s'agit d'une anticipation et d'une ellipse narrative : le narrateur évoque en très peu de lignes un grand nombre d'années, la durée du récit est beaucoup plus courte que la durée de l'histoire.

Le nouveau venu est différent des autres élèves par sa réserve, son élégance...

Il produit un effet considérable, aussi bien sur les professeurs que sur ses condisciples ; il est vu à travers le regard du narrateur.

Les deux "coteries" sont, d'une part les élèves qui appartiennent à la noblesse, d'autre part ceux qui se piquent de s'intéresser à l'art, au théâtre, à l'opéra, à la culture.

Chaque coterie espère attirer Conrad, la première parce qu'il appartient à l'une des plus illustres familles allemandes, la seconde parce qu'elle pressent que Conrad est cultivé, mais aussi par snobisme. Mais Conrad garde toute sa réserve et se prête sans se donner. Il ne fera partie d'aucune des deux coteries.

Le narrateur se fait une idée noble et héroïque de l'amitié. Il puise ses modèles dans l'antiquité grecque où l'amitié était une valeur fondamentale (l'amitié d'Achille et de Patrocle dans l'Iliade, la phalange thébaine)

C'est le patronyme de Conrad von Hohenfels qui attire d'abord le narrateur, le fait qu'il appartient à l'une des plus grandes, des plus anciennes et des plus illustres familles allemandes. La duchesse de Guermantes est un personnage de La Recherche du temps perdu de Marcel Proust. Comme Marcel Proust, le narrateur éprouve une fascination pour les membres de l'aristocratie et pour leurs noms de famille. Il pense que les aristocrates sont d'une espèce supérieure, qu'ils sont essentiellement différents des autres êtres humains, comme ils cherchent d'ailleurs à le faire croire. Il s'agit d'une illusion (le snobisme) que Marcel Proust, qui était, comme le narrateur, d'origine juive et fils de médecin, mettra des années à surmonter, mais qui inspirera une partie de son oeuvre.

Le narrateur emploie trois stratagèmes successifs pour attirer l'attention de Conrad : il essaye de briller dans les matières littéraires, puis en gymnastique, puis il apporte au lycée sa collection de monnaies antiques et fait mine de l'examiner au moment où Conrad passe à côté de lui.

Le narrateur ne s'attendait pas à la réaction de Conrad, il voyait en lui un être "autosuffisant", inaccessible ; il est surpris par le fait que Conrad recherche, lui aussi, l'amitié - et donc qu'il en a besoin, qu'il manque de quelque chose, et qu'il est aussi timide que lui : "Quand je l'eus presque rattrapé, il se retourna et me sourit. Puis d'un geste étrangement gauche et encore indécis, il serra ma main tremblante. C'est toi, Hans ! dit-il, et, tout à coup, je me rendis compte, à ma joie, à mon soulagement et à ma stupéfaction, qu'il était aussi timide que moi et, autant que moi, avait besoin d'un ami..."

La joie du narrateur se manifeste de façon spontanée, naïve : "Je riais, je parlais tout seul, j'avais envie de crier, de chanter, et je trouvais très difficile de ne pas dire à mes parents combien j'étais heureux, que toute ma vie avait changé et que je n'étais plus un mendiant, mais riche comme Crésus." (p. 36-37)

Sa joie n'est pas parfaite car il ne peut s'empêcher de se poser des questions : il se demande si Conrad ne l'aura pas déjà oublié dès le lendemain, s'il n'a pas trop visiblement montré son désir d'avoir un ami et si les parents de Conrad ne lui auront pas conseillé de ne pas se lier d'amitié avec un juif. (p. 38)

Le chapitre VI est sans doute le plus beau du livre ; il comporte de magnifiques évocations de paysages  : "Le samedi, Conrad et moi prenions un train omnibus pour aller passer la nuit dans l'une de ces nombreuses et vieilles auberges aux lourdes boiseries, où l'on pouvait trouver à bon marché une chambre propre, une chère excellente et du vin de la région. Nous allions parfois dans la Forêt-Noire, où les sombres bois, qui exhalaient l'odeur des champignons et les larmes des lantisques, étaient émaillés de ruisseaux à truites sur les rives desquels se dressaient des scieries. Il nous arrivait aussi de gagner les sommets montagneux et, dans les bleuâtres lointains, nous pouvions voir la vallée du Rhin au cours rapide, les Vosges bleu lavande et la flèche de la cathédrale de Strasbourg..."

L'amitié entre Conrad et Hans est placée sous le patronnage de Friedrich Hölderlin. Hölderlin est un grand poète allemand, contemporain de Goethe et de Schiller, il fut l'ami de Hegel et de Schelling. Les thèmes de son oeuvres sont la nostalgie de la belle harmonie du monde grec, l'amitié, la réconciliation du paganisme et du christianisme, de la nature et de l'esprit, l'errance, l'aspiration à la patrie spirituelle...

Chapitre VII : les deux amis ne se préoccupent pas de politique ; les rumeurs de ce qui se passe à Berlin, très loin vers le nord ne les touchent pas. Cette absence de préoccupation est préoccupante ; ils vivent loin de Berlin et leur programme d'Histoire n'évoque pas l'Histoire moderne ; il s'arrête bien avant Napoléon et porte principalement sur la Grèce et sur Rome.

Ils n'ont pas les clés pour comprendre les événements. Conrad a le courage de se démarquer de sa famille et de son éducation en fréquentant un garçon juif, mais il est profondément imprégné, à son insu, des préjugés familiaux. Il deviendra une proie facile à séduire pour la propagande hitlérienne. Quant à Hans, en tant que victime des persécutions antisémites, il ne peut évidemment adhérer à l'idéologie nationale-socialiste, mais il se montre assez naïf ; il a tendance à penser, comme son père, qu'il s'agit d'une maladie passagère, d'un simple accès de fièvre.

La question du mal est au coeur du roman, comme elle est aussi au coeur des relations entre Conrad et Hans, parce qu'elle détermine ce que Conrad, se servant d'un terme philosophique à la mode dans les années 30, appelle leur "Weltauschuung" (vision du monde). Le conflit éclate à l'occasion d'un événement concret, la mort d'un enfant dans un incendie. Hans est révolté et ne parvient pas à concilier cette mort absurde avec l'existence d'un Dieu bon ; il pose l'éternelle question que Job posait à Dieu : Pourquoi ? Conrad n'a pas d'idée déterminée sur la question et va voir le pasteur pour lui demander son avis. Ce dernier lui donne des explications dont il n'arrive pas à se souvenir, mais qui le rassurent. L'auteur souligne ici les limites de l'obéissance ; Conrad se comportera de la même manière en politique, comptant sur Adolf Hitler et sur le Parti nazi pour résoudre les problèmes de l'Allemagne.

Le narrateur s'intéresse à l'astronomie et s'interroge sur la place de l'homme dans l'univers. La conscience de l'absurdité du mal et l'interrogation sur le "sens de la vie" sont familiers à la conscience juive. Conrad partage les préoccupations du narrateur et accepte, dans une certaine mesure, ses remises en question, mais c'est finalement le conformisme qui l'emporte.

Le narrateur habite la Souabe, une région au sud de l'Allemagne, limitrophe de la Bavière. Les Souabes doivent leur nom au peuple germanique des Suèves. Le souabe est parlé dans le Württemberg, dont la capitale est Stuttgart (en souabe : Schtuagerd) et dans le Schwaben (Souabe), département occidental de l’Etat de Bavière, dont la capitale est Augsburg. C’est Napoléon qui a rattaché une partie de l’ancien duché de Souabe au royaume de Bavière. Il voue un culte à la région où il vit, ses paysages, ses richesses artistiques et architecturales, sa culture, ainsi qu'aux grands hommes qui l'ont illustrée.

Le narrateur se sent d'abord allemand, ensuite souabe et ensuite juif. Le narrateur ne comprend pas la nécessité du "sionisme" (création d'un Etat  juif en Israël), il ne prend pas plus que son père la mesure de la virulence de l'antisémitisme de Hitler et des nazis et ne pense pas que les Allemands acceptent de suivre Hitler sur ce terrain ; comme ses parents, il se sent pleinement allemand et souabe : "Combien je comprenais mon père et combien je le comprends encore ! Comment eût-il pu, lui ou quiconque au XXème siècle, croire au diable et à l'enfer ? Ou aux mauvais génies ? Pourquoi échanger le Rhin, le Neckar et le Main, contre les lentes eaux du Jourdain ? Pour lui, le nazisme n'était qu'une maladie de peau sur un corps sain..."

Le père du narrateur se sent en sécurité, lui et sa famille car c'est un notable, un médecin apprécié de la population et qu'il a fait la guerre de 14 dans l'armée allemande ; il a même été décoré de la croix de fer.

Le narrateur rechigne à présenter Conrad à ses parents car il ne veut "partager" Conrad avec personne ; il considère, en quelque sorte, que Conrad lui "appartient".

La mère du narrateur accueille Conrad avec beaucoup de gentillesse et de naturel, mais son père se met au garde à vous, s'incline, dit à quel point il est honoré par la présence de Conrad dans sa maison et raconte une anecdote déplacée. Le narrateur se sent humilié à en pleurer de rage par le comportement de son père, son manque de naturel et sa servilité. Le narrateur note qu'ultérieurement sa mère accueille toujours aussi gentiment Conrad et que son père se montre plus détendu et plus naturel.

Si le narrateur et ses parents reçoivent désormais régulièrement Conrad, Conrad ne reçoit le narrateur qu'en l'absence de ses parents. Les Hohenfels habitent une somptueuse demeure, remplie de tableaux de maîtres, de meubles de style... Le narrateur croit reconnaître Adolf Hitler sur une photographie, dans le boudoir de la mère de Conrad. Cette dernière, aristocrate polonaise ultra catholique, méprise et déteste les juifs.

Les deux griffons qui gardent l'entrée de la demeure des Hohenfels représentent la morgue aristocratique, le mépris envers les étrangers, les non aryens, les juifs... Toute leur attitude proclame : "Interdiction aux étrangers d'entrer dans cette demeure !"

"Tous deux savions que les choses ne seraient jamais plus comme avant et que c'était la fin de notre amitié et de notre enfance." : le narrateur s'est rendu à l'opéra de Stuttgart avec ses parents pour assister à une représentation de Fidelio de Beethoven, sous la direction de Wilhelm Furtwängler ; Conrad,qui était avec ses parents, a fait semblant de ne pas le voir et ne l'a pas salué.

"Et la fin ne fut pas longue à venir. La tempête qui commencé à souffler de l'est atteignit la Souabe..." Cette figure s'appelle une métaphore filée (une comparaison qui s'étend sur plusieurs lignes) ; le narrateur compare la nazisme à une tempête qui ravage tout sur son passage et ne laisse que ruines et désolation.

L'enseignement dispensé par le nouveau professeur d'Histoire, Herr Pompetzki,  est un enseignement idéologique destiné à démontrer l'existence et la supériorité de la race "aryenne". Les élèves les plus cultivés et les plus intelligents ne sont pas d'accord avec cet enseignement et émettent, entre eux, des objections, mais Herr Pompetzki parvient à convaincre les autres.

Son arrivée inaugure une ère nouvelle ; désormais, le narrateur est en butte aux railleries et aux persécutions.

La lettre de Conrad au narrateur témoigne de l'efficacité de l'endoctrinement nazi et de la naïveté politique de Conrad ; il écrit à Hans, exilé en Amérique et dont les parents vont bientôt se suicider qu'il croit en Hitler : "Lui seul peut préserver notre pays bien-aimé du matérialisme  et du bolchévisme."... Il l'a rencontré : "sa personnalité et sa sincérité m'ont impressionné plus que je ne l'eusse cru possible."... "j'ai fait récemment sa connaissance alors que je me trouvais à Munich avec ma mère." (une mère qui aura finalement gagné le combat contre Hans et ce qu'il représente)... La suite de la lettre est un chef d'oeuvre de cruauté inconsciente et d'ironie involontaire : "Je suis plus fâché que je ne saurais dire de ce que, pour un certain temps - peut-être un an ou deux - il n'y aura pas place pour toi dans cette Nouvelle Allemagne. Mais je ne vois pas pourquoi tu ne reviendrais pas plus tard. L'Allemagne a besoin de gens comme toi et je suis convaincu que le Fürher est parfaitement capable et désireux de choisir, parmi les éléments juifs, entre les bons et les indésirables." Il cite ensuite Hölderlin, leur poète de prédilection : "Car celui qui vit près de son lieu d'origine répugne à le quitter.", puis exprime sa satisfaction que les parents de Hans aient décidé de rester en Allemagne (où, rappelons-le, ils finiront par se donner la mort). Conrad ne réfléchit plus, heureux que sa liberté ait été entièrement prise en charge ; A. Hitler est pour lui un nouveau sauveur et le doute instillé dans son esprit par Hans n'auront servi qu'à le réassurer dans de nouvelles certitudes (la foi luthérienne et la foi en A. Hitler). La dernière partie du roman que l'on pourait intituler "la trahison de Conrad doit être remise dans le contexte historique ; Hitler ménagea au début l'aristocratie allemande, comme l'avait fait la République de Weimar et lui promit de rétablir ses privilèges.

Trop âgés, les parents du narrateur ne veulent pas quitter l'Allemagne ; ils considèrent l'Allemagne, la Souabe comme leur patrie. Ils envoient leur fils en Amérique pour le sauver car ils savent que, contrairement à ce que pense Conrad, il n'y aucune place pour les juifs dans la nouvelle Allemagne.

Le narrateur hésite à regarder à la lettre "H" sur la liste de ses anciens condisciples morts pour faits de guerre, car il a peur de ce qu'il risque de trouver. Le livre se clôt sur cette dernière phrase : VON HOHENFELS, Conrad, impliqué dans le complot contre Hitler. Exécuté.

La phrase n'est suivi d'aucun commentaire ; l'auteur laisse au lecteur le soin de comprendre le sens de cette phrase et d'en déduire toutes les implications.

Conrad, finalement, n'aura pas été nazi jusqu'au bout, il aura finalement ouvert les yeux sur la folie mégalomaniaque de Hitler et le caractère suicidaire de sa politique, il aura participé au complot destiné à l'éliminer et aura payé de sa vie son engagement.

Cette dernière phrase est particulièrement émouvante parce que, au-delà de l'Histoire, au-delà des malentendus, au-delà de la mort, l'or pur de leur amitié et du "doute fécond" auront fini par guider Conrad.

Non, Conrad n'aura pas oublié Hans et Hans pourra se souvenir éternellement de Conrad. Castor et Pollux seront éternellement unis,  par-delà la mort, dans la constellation de l'amitié retrouvée.

Notes :

1- "Castor et Pollux" : il est question à plusieurs reprises dans le récit de "Castor et Pollux" ; leurs condisciples surnomment le narrateur et Conrad "Castor et Pollux", les plus malveillants les surnomment "Castor et Pollack".

2 - "Von HOHENFELS, Conrad, impliqué dans le complot contre Hitler. Exécuté."

1 - Dans la mythologie grecque, Castor (en grec ancien Κάστωρ / Kástôr) et Pollux (Πολυδεύκης / Polydeúkês), appelés Dioscures (Διόσκουροι / Dióskouroi, c'est-à-dire « jeunes de Zeus ») sont les fils jumeaux de Léda. Leurs sœurs sont Hélène et Clytemnestre.

Ils prennent part à la chasse du sanglier de Calydon et à l'expédition des Argonautes. Ils combattent Thésée pour récupérer leur sœur Hélène que celui-ci a ravie et enlèvent à leur tour les filles de Leucippe.

Avatars grecs de la figure indo-européenne des dieux jumeaux, les Dioscures sont le symbole des jeunes gens en âge de porter les armes. Ils apparaissent comme des sauveurs dans des situations désespérées et sont les protecteurs des marins. Le feu de Saint-Elme est considéré comme leur manifestation physique ; ils sont associés à la constellation des Gémeaux.

2- Le complot des généraux :

Le complot du 20 juillet 1944 est l’événement le plus marquant de la Résistance allemande au nazisme.

Il fut essentiellement planifié par des militaires souhaitant le renversement du régime nazi afin de pouvoir négocier la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le complot comprenait deux étapes étroitement imbriquées. La première phase consistait en l’assassinat d’Adolf Hitler ; la seconde en la prise du pouvoir et la mise en place d’un nouveau régime, en détournant de son objectif le plan d’urgence établi par les nazis, l’Opération Walkyrie, prévu pour permettre à l’armée de réprimer une insurrection.

La première phase du complot échoua. Si la bombe placée par le colonel Claus von Stauffenberg dans une des salles du Wolfsschanze explosa, le Führer ne fut que légèrement blessé. L’incertitude sur le sort de Hitler et l’impréparation des conjurés, retardèrent en outre le lancement du coup d’État. Ce retard, combiné à l’annonce de la survie du Führer permirent à ses partisans de faire échouer le complot.

L’échec du complot fut suivi par une répression particulièrement féroce, accrut le rôle de Heinrich Himmler et renforça la méfiance de Hitler à l’égard du corps des officiers, à l’exception de ceux de la SS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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