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Lucien Jerphagon : "La... sottise ?" (Vingt huit siècles qu'on en parle) aux Editions Albin Michel
"La bêtise, c'est de s'en tenir là, peu importe où... C'est la conscience bien contente qui s'installe ainsi avec toutes ses tares, avec toutes ses rides, dans la stupide vanité d'être ce qu'elle est." (Vladimir Jankélévitch, Traité des Vertus, III)
"Amys, vous noterez que par le monde y a beaucoup plus de couillons que d'hommes, et de ce vous soubvienne ! " (Rabelais, Le Cinquième Livre, VIII)
"Le crétin prétentieux est celui qui se croit plus intelligent que ceux qui sont aussi bêtes que lui." (Pierre Dac, Pensées)
"Que Dieu préfère les imbéciles, c'est un bruit que depuis dix-neuf siècles les imbéciles font courir." (François Mauriac, Bloc-notes, 26 mars 1954)
Lucien Jerphagnon aurait pu ajouter celle-ci, attribuée à Albert Einstein : "Il y a deux choses infinies, l'univers et la bêtise
humaine, bien qu'en ce qui concerne l'univers je n'en sois pas tout à fait sûr."
"La sottise : on en respire la présence partout et toujours dans l'air du temps. Une présence atmosphérique en quelque sorte. Aristote la suppose contemporaine de la préhistoire, tandis que saint Augustin y voit une conséquence du péché d'Adam.
Ce florilège présente les fruits d'une cueillette au long de vingt-huit siècles, chez les auteurs les plus divers, des Hébreux des âges bibliques aux journalistes de nos Républiques... A chacun de s'en faire une idée..."
Chaque chapitre éclaire par des citations choisies un aspect particulier de la sottise :
1) Les sots sont nombreux, la différence réside seulement dans la manière d'être sot.
2) La sottise n'est pas une question de milieu social.
3) Il existe une sottise "atmosphérique" : l'opinion ("Il y a à parier que toute idée publique, toute convention reçue est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre.")
4) La sottise ne cède pas au savoir ("il peut se faire qu'ornée du baroque des connaissances accumulées, la sottise grandisse en majesté et n'en soit que plus malfaisante.")
5) Elle se manifeste partout, en tous temps et en tous lieux.
Mais, demande l'auteur de ce florilège, qu'est-ce qu'un sot ? "L'enfer, c'est les autres, disait Jean-Paul Sartre, la sottise aussi. Voilà qui en rassure plus d'un. Du moins jusqu'à un certain point seulement, car qui a jamais vu un imbécile douter de soi ?
Mais est-on si sûr de n'être pas du nombre, sinon en acte, dirait saint Thomas d'Aquin, du moins en puissance ?
"Des textes que j'ai mis sous les yeux de mes lecteurs, il ressort que nul en ce monde ne peut s'en croire exempté du seul fait d'être lui et pas l'autre ni les autres. Qui se trouverait à le penser, ne fût-ce qu'un instant, démontrerait par là même, et de façon apodictique, que nul parmi les humains ne saurait échapper au péril de la sottise, certains y étant plus exposés que d'autres. On ne démontre jamais si bien le mouvement qu'en marchant."
"Le sinistre duo de Madame Bovary : le pharmacien Homais, féru de science et de progrès, et, à côté de lui, le curé Bournisien, bigot... Chez Flaubert, la bêtise n'est pas exception, hasard, défaut ; elle n'est pas un phénomène pour ainsi dire quantitatif, un manque de quelques molécules d'intelligence qu'on pourait guérir par l'instruction ; présente partout, dans la pensée des sots aussi bien que des génies, elle est une part indissociable de la "nature humaine". (Milan Kundera, Le Rideau)
Lucien Jerphagnon, né en 1921 à Nancy, est un historien français de la philosophie, professeur émérite des Universités.
Disciple de Vladimir Jankélévitch, proche de Paul Veyne, il est spécialiste de la pensée grecque et romaine, plus particulièrement de saint Augustin, dont il a assuré l'édition des trois volumes pour la collection Bibliothèque de la Pléiade.
Lien vers le site officiel de Lucien Jerphagnon :
http://www.jerphagnon.com/