Nikos Kazantzaki, Lettre au Greco, Bilan d'une vie, l'autobiographie du grand écrivain grec, traduit du grec par Michel Saunier, Plon
"Mon âme tout entière est un cri et mon oeuvre tout entière est l'interprétation de ce cri."
(Nikos Kazantzaki)
"Tu trouveras, lecteur, dans ces pages, la ligne rouge, faite des gouttes de mon sang, qui jalonne mon chemin parmi les hommes, les passions et les idées... Il y a eu quatre degrés décisifs dans mon ascension, et chacun d'eux porte un nom sacré : le Christ, Bouddha, Lénine, Ulysse. Cette marche sanglante, de l'une à l'autre de ces grandes âmes, à présent que le soleil se couche, j'essaie de la tracer sur ce carnet de route..."
Lettre au Gréco est un récit de Nikos Kazantzakis composé en 1955-1956. La mort empêcha l'auteur de remanier ce texte ainsi qu'il l'eût souhaité. La Lettre au Greco n'est pas à proprement parler une autobiographie. L'auteur le précise lui-même dans son introduction et ajoute: "... la seule valeur que je reconnaisse à ma vie est...sa lutte pour monter de degré en degré et parvenir... au sommet de ce que j'ai de moi-même nommé le Regard Crétois".
Il s'agit plutôt de la relation d'un itinéraire spirituel, décrit étape par étape et dont l'auteur rend compte au Greco, cet autre Crétois dont il fait son ancêtre et père spirituels. Le titre grec signifie d'ailleurs: "Rapport au Greco", au sens militaire du terme. Ce livre couvre la période qui va de l'enfance de l'écrivain à la recontre avec Alexis Zorba (en réalité Georges Zorba) en 1917. L'enfance et l' adolescence furent pour l'auteur une prise de conscience de ses racines profondes, celles de son Moi comme celles de sa race.
Etre crétois, c'est avant tout revendiquer, au prix de sa propre vie si besoin est, les valeurs qui font tout le prix de l'existence: la liberté, l' honneur, la dignité. Par la suite, à mesure qu'il poursuivra ses études et qu'il parcourra l'Europe, en y rencontrant les hommes, vivants ou morts qui marqueront sa pensée et sa vie (Bergson, Nietzsche, saint François d' Assise, Bouddha, Sikélianos, Lénine, Schweitzer, Zorba), Kazantzakis ne perdra jamais la conscience de son sang crétois, de ses ancêtres corsaires, de leur penchant invétéré pour la lutte. Cette énergie ancestrale, il la tournera seulement vers le combat spirituel qu'il poursuivit toute sa vie, et dont les étapes seront marquées par ses séjours à Paris, Berlin, Moscou. Partout où le feu couve, partout où une flamme et une idée surgissent, Kazantzakis est présent.
Son inlassable curiosité, son amour de la vie et de la nature, confronté à chaque instant à un besoin d' ascèse et de lutte font de la "Lettre au Greco" le testament spirituel de Kazantzakis. Il y porte sur toutes choses ce 'Regard crétois", sans illusion ni espoir, ce Regard qui sait fixer la mort en face. "Mon âme tout entière est un cri et mon oeuvre tout entière est l'interprétation de ce cri", affirme l'auteur dans l'exergue de sa "Lettre au Gréco". (Marcel Paul) link
"Je n'espère rien, je n'ai peur de rien, je suis libre"
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"Je tiens cette terre de Crète et je la serre avec une douceur, une tendresse, une reconnaissance inexprimables, comme si je serrais dans mes bras, pour en prendre congé, la poitrine d'une femme aimée."
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Níkos Kazantzákis ou improprement, Kazantzaki, est un écrivain grec né à Héraklion, (Crète) le 18
février 1883 et décédé le 26 octobre 1957 à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne). Penseur influencé par Nietzsche et Bergson, il a également adhéré au marxisme et au bouddhisme, tout en étant
profondément chrétien. Journaliste envoyé comme correspondant dans diverses régions du monde, notamment pendant la Guerre d'Espagne pour le quotidien Kathimeriní, il a par ailleurs exercé à
diverses reprises des fonctions officielles en Grèce, notamment en organisant le rapatriement des centaines de milliers de réfugiés micrasiates suite à la révolution russe de 1917 et au
démantèlement de l’Empire ottoman en 1922 et un bref passage au gouvernement après la Seconde Guerre mondiale. Il fut lauréat du Prix international de la paix en 1950. Il est aussi l'un des
instigateurs du renouveau de la langue grecque moderne, la dhimotikí, inspirée des traditions orales (plutôt que du grec ancien) dans laquelle il a traduit de nombreux ouvrages de
référence.