Ce blog a pour ambition de faire connaître et apprécier la région Centre et en particulier la ville de Bourges. Je souhaite y faire partager mes goûts pour la poésie, la littérature, la peinture, le cinéma... J'y aborde également des questions qui me tiennent à cœur, souvent liées à l'actualité, en particulier le système scolaire (je suis enseignant), mais aussi la politique au sens large du terme et les problèmes de société.
Un livre à lire toutes affaires cessantes sur lequel je suis tombé par hasard, sans doute à l'occasion d'une récente réédition : "La Vague" de Todd Stasser, paru chez Pocket et traduit de l'anglais par Aude Carlier.
L'éditeur est Jean-Claude Gawsewitch.
"La Vague" ("The Wave") se fonde sur des faits qui se sont réellement produits en 1969 au lycée de Palo Alto, en Californie. Selon Ron Jones, le professeur concerné, personne n'en parla durant les trois années suivantes. "Il s'agit, dit-il, de l'événement le plus effrayant que j'aie jamais vécu dans une salle de classe."
Pour faire comprendre les mécanismes du nazisme à ses élèves, Ben Ross, (c'est le nom du professeur d'Histoire dans le roman), crée un mouvement expérimental et trois slogans simples : "La force par la Discipline, La Force par la Communauté, la Force par l'Action."
En l'espace de quelques jours le paisible lycée californien se transforme en univers totalitaire, les élèves abandonnant peu à peu leur libre arbitre et leur esprit critique pour se soumettre aux ordres de leur leader, lui-même de plus en plus prisonnier de son personnage.
"De fait, "La Vague" a ébranlé tout un lycée. Ce livre, version romancée des événements, décrit comment l'extraordinaire pouvoir de pression du groupe, à l'œuvre dans de nombreux mouvements politiques et religieux à travers l'Histoire, peut conduire des individus à rejoindre ce genre d'organisations et, ce faisant, à abandonner leurs droits individuels (...)"
"Pourquoi publier ce texte ? s'interroge l'éditeur, parce qu'il existe encore des livres rares qui marquent notre Histoire et notre mémoire. "La Vague" en fait partie.
J'ajoute que ce livre rejoint, à sa manière, l'analyse de Sébastien Haffner dans "Histoire d'un Allemand" sur ce qui pourrait bien constituer le cœur du nazisme (et de tous les totalitarismes) : la "camaraderie fusionnelle", "l'obsession de l'égalité", le désaisissement de l'angoissante question du choix.
"Monsieur Ross, je suis fier de la Vague."
Ce soudain élan de témoignages surprit Ben au plus haut point. Alors qu'il allait revenir à son cours, il se voyait contraint de jouer le jeu un peu plus longtemps. Presque inconsciemment, il devinait à quel point ses élèves voulaient qu'il soit leur leader, et il ne pouvait le leur refuser.
"Saluez !" commanda-t-il.
Tous les élèves bondirent au garde-à-vous et exécutèrent le salut de la Vague. Les slogans suivirent : "La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action !"
Ben allait ramasser ses notes de cours lorsque les élèves se dressèrent de nouveau, saluant et récitant les slogans de leur propre initiative. Puis le silence se fit dans la salle. Le professeur balaya les lycéens du regard, les yeux écarquillés. La Vague n'était plus une simple idée, ni même un jeu. Mais un mouvement qui avait pris corps grâce à ses élèves. C'étaient eux, la Vague, maintenant, et Ben comprit qu'ils pouvaient agir seuls, sans lui, s'ils le voulaient. Cette pensée aurait pu l'effrayer, mais il ne s'inquiétait pas. Il était leur leader. Il contrôlait la situation..." (page 103)
J'apprends en surfant sur Internet que le livre de Todd Strasser n'a été publié en France qu'en 2008 (mais chacun sait que nous sommes congénitalement immunisés contre ce genre de danger). Il est connu depuis longtemps aux Etats-Unis et en Allemagne.
Une adaptation cinématographique en a été faite :
Au "laisser-aller" et au refus d'obéir à des règles qui règnent actuellement dans la plupart des collèges répond une demande diffuse, mais de plus en plus forte, de retour à l'ordre (aussi bien chez les professeurs que chez les élèves et leurs parents)
L'absence de normes est presque aussi insupportable que l'excès inverse (elle a d'ailleurs les mêmes effets) et on sait, historiquement que c'est la désagrégation des valeurs et l'affaiblissement de la cellule familiale dans l'Allemagne des années 30 qui ont préparé le terrain à la prise en main de la jeunesse par le national-socialisme.
Todd Srasser montre que ce sont les adolescents les plus destructurés et les plus "anomiques" qui adhèrent avec le plus d'enthousiasme et le moins d'esprit critique à "l'ordre nouveau", l'un d'entre eux s'offrant même à servir de "garde du corps" au professeur d'Histoire "apprenti sorcier".
Il serait temps peut-être de nous interroger avec le vieil Aristote de "L'Ethique à Nicomaque" sur la "vertu" (le courage, par exemple, n'est ni la lâcheté, ni la témérité, et de même l'ordre véritable n'est ni l'anarchie, ni la privation de liberté).
L'éthique n'est pas la tiédeur du "juste milieu" , mais la tension entre les extrêmes et la décision résolue (et souvent héroïque) de ne céder ni à l'un, ni à l'autre.
L'éditeur est Jean-Claude Gawsewitch.
"La Vague" ("The Wave") se fonde sur des faits qui se sont réellement produits en 1969 au lycée de Palo Alto, en Californie. Selon Ron Jones, le professeur concerné, personne n'en parla durant les trois années suivantes. "Il s'agit, dit-il, de l'événement le plus effrayant que j'aie jamais vécu dans une salle de classe."
Pour faire comprendre les mécanismes du nazisme à ses élèves, Ben Ross, (c'est le nom du professeur d'Histoire dans le roman), crée un mouvement expérimental et trois slogans simples : "La force par la Discipline, La Force par la Communauté, la Force par l'Action."
En l'espace de quelques jours le paisible lycée californien se transforme en univers totalitaire, les élèves abandonnant peu à peu leur libre arbitre et leur esprit critique pour se soumettre aux ordres de leur leader, lui-même de plus en plus prisonnier de son personnage.
"De fait, "La Vague" a ébranlé tout un lycée. Ce livre, version romancée des événements, décrit comment l'extraordinaire pouvoir de pression du groupe, à l'œuvre dans de nombreux mouvements politiques et religieux à travers l'Histoire, peut conduire des individus à rejoindre ce genre d'organisations et, ce faisant, à abandonner leurs droits individuels (...)"
"Pourquoi publier ce texte ? s'interroge l'éditeur, parce qu'il existe encore des livres rares qui marquent notre Histoire et notre mémoire. "La Vague" en fait partie.
J'ajoute que ce livre rejoint, à sa manière, l'analyse de Sébastien Haffner dans "Histoire d'un Allemand" sur ce qui pourrait bien constituer le cœur du nazisme (et de tous les totalitarismes) : la "camaraderie fusionnelle", "l'obsession de l'égalité", le désaisissement de l'angoissante question du choix.
"Monsieur Ross, je suis fier de la Vague."
Ce soudain élan de témoignages surprit Ben au plus haut point. Alors qu'il allait revenir à son cours, il se voyait contraint de jouer le jeu un peu plus longtemps. Presque inconsciemment, il devinait à quel point ses élèves voulaient qu'il soit leur leader, et il ne pouvait le leur refuser.
"Saluez !" commanda-t-il.
Tous les élèves bondirent au garde-à-vous et exécutèrent le salut de la Vague. Les slogans suivirent : "La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action !"
Ben allait ramasser ses notes de cours lorsque les élèves se dressèrent de nouveau, saluant et récitant les slogans de leur propre initiative. Puis le silence se fit dans la salle. Le professeur balaya les lycéens du regard, les yeux écarquillés. La Vague n'était plus une simple idée, ni même un jeu. Mais un mouvement qui avait pris corps grâce à ses élèves. C'étaient eux, la Vague, maintenant, et Ben comprit qu'ils pouvaient agir seuls, sans lui, s'ils le voulaient. Cette pensée aurait pu l'effrayer, mais il ne s'inquiétait pas. Il était leur leader. Il contrôlait la situation..." (page 103)
J'apprends en surfant sur Internet que le livre de Todd Strasser n'a été publié en France qu'en 2008 (mais chacun sait que nous sommes congénitalement immunisés contre ce genre de danger). Il est connu depuis longtemps aux Etats-Unis et en Allemagne.
Une adaptation cinématographique en a été faite :
L'absence de normes est presque aussi insupportable que l'excès inverse (elle a d'ailleurs les mêmes effets) et on sait, historiquement que c'est la désagrégation des valeurs et l'affaiblissement de la cellule familiale dans l'Allemagne des années 30 qui ont préparé le terrain à la prise en main de la jeunesse par le national-socialisme.
Todd Srasser montre que ce sont les adolescents les plus destructurés et les plus "anomiques" qui adhèrent avec le plus d'enthousiasme et le moins d'esprit critique à "l'ordre nouveau", l'un d'entre eux s'offrant même à servir de "garde du corps" au professeur d'Histoire "apprenti sorcier".
Il serait temps peut-être de nous interroger avec le vieil Aristote de "L'Ethique à Nicomaque" sur la "vertu" (le courage, par exemple, n'est ni la lâcheté, ni la témérité, et de même l'ordre véritable n'est ni l'anarchie, ni la privation de liberté).
L'éthique n'est pas la tiédeur du "juste milieu" , mais la tension entre les extrêmes et la décision résolue (et souvent héroïque) de ne céder ni à l'un, ni à l'autre.