A Ion Omesco, aux moniales du monastère d’Agapia, à Radu, où qu’il soit, à l’esprit de résistance…Et à Natalia Bikir, « peintre d’amour et de mémoire »
La peur avait chassé les hommes, mais la joie persistait dans le sourire des humbles.
Femmes aux seins de froment, angelots aux lèvres étoilées de lait, fillettes en robes de fête, chevaux caparaçonnés de feu, bœufs aux grands fronts subjugués de pierreries, conduits par des enfants couronnés de feuilles…Ils jubilaient, glorieux sur les murailles de neige, rutilants de turquoises et d’émeraudes, précédant les rois sertis d’or, sous les rayons radieux des rosiers mystiques et les fruits parfumés des poiriers solaires, dans le bruissement des violons bleus et le cortège incarnat des archanges, parmi les saints et les prophètes. La lumière tressaillait quand le moine élevait le calice des douleurs. Sucevita, Putna, Agapia, Arbore… Vos murs chantaient plus haut que les cris des bourreaux, vos pierres criaient plus fort que les voix qu’on étouffe…
Pour qu’il restât encore malgré tout quelque part un peu d’espoir, un décret mystérieux avait confié aux voïévodes légendaires ensevelis dans le linceul des siècles, aux artistes et aux humbles parmi les humbles, la garde de la Mémoire.