Baruch Spinoza, également connu sous les noms de Bento de Espinosa ou Benedictus de Spinoza, né le 24 novembre 1632 à Amsterdam, mort le 21 février 1677 à La Haye, est un philosophe hollandais dont la pensée eut une influence considérable sur ses contemporains et nombre de penseurs postérieurs.
Issu d'une famille juive marrane portugaise ayant fui l'Inquisition, Spinoza fut un héritier critique du cartésianisme. Il prit ses distances vis-à-vis de toute pratique religieuse, mais non envers la réflexion théologique, grâce à ses nombreux contacts inter-religieux. Après sa mort, le spinozisme, condamné en tant que doctrine athée (puisque son panthéisme va à l'encontre d'une définition d'un Dieu transcendant, hors de ce monde, comme dans le judaïsme, le christianisme et l'islam), eut une influence durable. Gilles Deleuze le surnommait le "Prince des philosophes", tandis que Nietzsche le qualifiait de « précurseur », notamment en raison de son refus de la téléologie.
"De tout ce qu'on vient de dire, il ressort clairement que nous percevons de nombreuses choses et que nous formons des notions universelles de plusieurs façons :
1) À partir des choses singulières qui nous sont représentées par les sens d'une manière mutilée, confuse, et sans ordre valable pour l'entendement (voir le Corolaire de la Proposition 29). C'est pourquoi j'ai l'habitude d'appeler ces perceptions : connaissance par expérience vague. À partir des signes, quand, par exemple, après avoir lu ou entendu certains mots, nous nous souvenons des choses et nous en formons certaines idées semblables à celles par lesquelles nous imaginons les objets (voir le Scol. de la Prop.18). Ces deux façons de saisir les choses, je les appellerai désormais connaissance du premier genre, opinion ou imagination.
2) Et enfin, du fait que nous avons des notions communes, et des idées adéquates des propriétés des choses (voir le Corol. de la Prop. 38, la Prop.39 et son corol, et la Prop. 40). J'appellerai raison et connaissance du second genre cette façon de saisir les choses.
3) Outre ces deux genres de connaissances, il en existe un troisième, comme je le montrerai plus loin, et que nous appellerons la Science intuitive. Ce genre de connaissance procède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses. J'expliquerai tout cela par un seul exemple : trois nombres étant donnés, il s'agit d'en déterminer un quatrième qui soit au troisième comme le second au premier. Les commerçants n'hésiteront pas à multiplier le second par le troisième et à diviser le produit par le premier; c'est qu'ils n'ont pas oublié ce qu'ils ont entendu de leurs maîtres sans démonstration, ou qu'ils ont souvent expérimenté cette vérité sur des nombres simples, ou enfin qu'ils appliquent la démonstration de la Proposition 19 du livre VII d'Euclide, c'est-à-dire la propriété commune des nombres proportionnels. Mais pour des nombres très simples, rien de tout cela n'est nécessaire. Soit, par exemple, les nombres 1, 2, 3 : il n'est personne qui ne voie que le quatrième nombre proportionnel est 6, et cela d'une manière beaucoup plus claire, puisque, c'est de la relation même entre le premier nombre et le second, en tant que nous la saisissons en une seule intuition, que nous concluons le quatrième." (Ethique II, proposition 40, scolie 2)
Commentaire :
Spinoza distingue trois genres de connaissance. Celle du premier genre est empiriste et sensualiste, c’est une apparence à la source de toutes les illusions. Celle du deuxième genre est rationnelle, elle procède par enchaînement déductif. Mais la connaissance suprême est celle du troisième genre: la science intuitive, elle n’a rien de mystique, c’est une appréhension intellectuelle immédiate du lien entre les réalités singulières et la Nature infinie qui les fonde.
La connaissance du premier genre ou connaissance par les effets :