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Aristotle | Biography, Contributions, & Facts | Britannica.com

Introduction - Analyse des termes du sujet :

Le mot "technique" vient du grec "techné", c'est-à-dire, selon Aristote: "disposition à produire accompagnée d'une règle vraie". Quatre causes (aïtiaï) pour Aristote peuvent rendre compte de l'existence d'un objet produit par l'homme, par exemple une coupe en argent : la cause matérielle : la matière dans laquelle l'objet est fait, la cause formelle : la forme que l'orfèvre donne à la coupe, la cause finale : ce à quoi la coupe va servir et la cause efficiente : le travail de l'orfèvre qui "fait venir la coupe à l'éclat du paraître".

La technique est l'ensemble des règles permettant d'ordonner ces causes dans un art donné ; une règle technique nous explique comment travailler telle matière, quelle forme lui donner, comment adapter des moyens à une fin.

Selon le Dictionnaire philosophique Lalande, la technique est l'ensemble des procédés bien définis et transmissibles, destinés à produire certains résultats jugés utiles.

Avec le langage articulé, la science et l'art la technique caractérise le monde humain, le monde de la culture et le distingue du monde de la nature. 

"Notre avenir dépend-il de la technique ?" La présence de l' adjectif possessif "notre" suppose que l'avenir a une dimension collective et pas seulement individuelle. 

Les stoïciens de l'Antiquité distinguaient entre "ce qui dépend de nous" et "ce qui ne dépend pas de nous". Mon avenir dépend en partie de moi, de mes choix, de ma liberté, mais l'avenir collectif - notre avenir - n'en dépend que dans une moindre mesure.

L'adjectif possessif "notre" pointe vers une dimension collective de l'avenir et de la technique. Mais dans quelle mesure notre avenir dépend-il de la technique ? Une telle dépendance est-elle inéluctable ? 

Notre avenir a toujours dépendu et dépend de la technique puisqu'en tant qu'êtres humains, nous n'avons pas d'essence prédéfinie, mais la possibilité de créer sans cesse un monde humain qui se caractérise essentiellement par la plasticité.

Comme le fait dire Pic de la Mirandole au Créateur dans le Discours sur la dignité de l'homme (1494) : "la nature définie (des animaux) est tenue en bride par des lois que nous avons prescrites : toi, aucune restriction ne te bride, c'est ton propre jugement, auquel je t'ai confié, qui te permettra de définir ta nature."

La question relève également de l'éthique, elle est axiologique : est-ce une bonne chose que notre avenir dépende de la technique ? La dépendance de notre avenir à la technique est-elle neutre, positive ou négative ? Devons-nous nous abandonner à des forces qui nous dépassent ou bien poser des limites à la technique. Mais quelles limites ? Et qui doit les poser ? Et dans quelle mesure poser des limites est-il désirable, est-ce seulement possible ?

Dépendre de signifie être subordonné à, devoir son existence à... L'enfant dépend jusqu'à un âge avancé de ses parents pour sa nourriture, son logement, sa santé, etc. Dans une société organisée selon la division du travail, nous dépendons les uns des autres. 

"Notre avenir dépend-il de la technique?" La question signifie-t-elle que la technique est indispensable à notre existence, que sans elle nous n'aurions pas d'avenir ou que notre avenir serait plus ou moins compromis, selon que la technique serait plus ou moins dévelopée ? ou bien signifie-t-elle que la développement des sciences et des techniques, indissociables les unes des autres pourraient éventuellement compromettre ou du moins infléchir de façon néfaste notre avenir commun ?

Technique et développement humain :

D'un point de vue historique, on peut dire, rétrospectivement que l'avenir des civilisations a largement dépendue de l'évolution des techniques. Le passage de l'âge de pierre à l'âge de bronze par exemple. La maîtrise du feu a été un "progrès" essentiel dans l'histoire de l'humanité ; le développement de l'agriculture et la maitrise des techniques telles que le sélection des semences ou la domestication des animaux a permis à l'humanité de passer de tribus nomades de chasseurs-cueilleurs à des sociétés  sédentaires ; on lui doit notamment l'invention de l'écriture et du calcul, de la monnaie et du commerce. D'un point de vue anthropologique, le développement humain et l'acquisition des techniques vont de pair. "Homo sapiens" accompagne "homo faber"sur la longue route de l'évolution.

On pourrait difficilement se passer de nos jours de téléphones portables, de machines à laver, d'automobiles, etc. L'environnement technologique nous est devenu "naturel". 

L'essence de la technique moderne (notes de lecture sur Heidegger, Habermas et Marcuse) :

Cependant, pour Martin Heidegger, la technique moderne, dans son "essence" est bien différente de ce que les Grecs entendaient par "techné" : l'ensemble des règles qui définissent les moyens à employer en vue de la réalisation d'une fin.

Elle est un mode de pensée qui repose sur une modification profonde, ontologique, de la conception des rapports entre l'homme et la nature : l'homme ne pense plus qu'à gérer, à calculer, à prévoir. La "pensée calculante" veut dominer la nature en "l'arraisonnant", en la dépouillant de toute épaisseur qualitative et en la rendant transparente à la pensée mathématique. La nature, pour la technique moderne, n'est plus qu'un réservoir d'énergie indéfiniment disponible et exploitable.

Pour Heidegger, le danger de la technique ne réside pas seulement dans la bombe atomique ou un accident dans une centrale nucléaire, mais dans le fait que la technique est devenue l'unique mode de pensée de l'homme moderne.

La technique n'est plus un projet dont l'homme serait encore le maître, comme à la Renaissance et même jusqu'au XVIIème siècle lorsque Descartes formait, dans le Discours de la Méthode, le projet de "devenir maîtres et possesseurs de la nature", mais c'est bien plutôt l'homme qui s'est mis au service de la technique.

Des penseurs, comme Marcuse, Habermas ou Jonas, insisteront sur d'autres aspects de la technique, notamment sa dimension politique, à travers la notion "d'aliénation".

La technique et la science comme "idéologies" : 

Selon Jurgen Habermas dans son livre consacré à une discussion de la thèse dévelopée par Herbert Marcuse : La technique et la science comme idéologie, "la puissance libératrice de la technologie – l’instrumentalisation des choses – se convertit en obstacle à la libération, elle tourne à l’instrumentalisation de l’homme."

Le positivisme est cette façon d’hypostasier la science au point d’en faire comme l’équivalent d’une nouvelle foi, donnant réponse à tout. Le technicisme aboutit en quelque sorte à faire fonctionner le savoir scientifique et plus encore la technique, qui en est l’application, en tant qu’idéologie et à en attendre des solutions pour la totalité des problèmes qui se posent à nous.

Ce système de représentations est d’autant plus convaincant qu’il n’est pas seulement un masquage idéologique de la réalité. Problèmes et solutions, les deux sont liés : cette double lutte est le combat mené contre les deux visages que montre le même adversaire, c’est-à-dire un certain modernisme, précisément "idéologique".

Dans quelle mesure la démarche de Jürgen Hebermas est-elle  redevable à la réflexion de Martin Heidegger sur "l'essence de la technique", bien qu'il ne soit jamais fait mention de l'auteur de Sein und Zeit ? Tandis que Heidegger rattache la question de la science et de  la technique à l'Histoire de la métaphysique occidentale et à la question de l'Être, notamment avec la notion de "Gestell" ("arraisonnement"), Habermas s'interroge plus particulièrement sur l'incidence de la science et de la technique sur le "monde social vécu" et la compatibilité entre technocratie et  démocratie.

Mais l'explicitation des présupposés idéologiques et des enjeux politiques de la science et de la technique ne dérive-t-elle pas de la clarification préalable de leurs présupposés métaphysiques et notamment de leur inscription dans un horizon de vérité indépassable ?

La spécificité du progrès scientifique et technique est son caractère indéniablement cumulatif, au regard duquel toute autre forme de "progrès" peut être mise en doute ou regardée comme une analogie métaphorique. Le souci théorique premier de J. Habermas est de se situer par rapport à ce progrès scientifique et technique, de proposer une théorie sociale qui tienne compte des modifications profondes - "qualitatives" - qu’ont apportées les dernières décennies à cet égard.

Il lui incombe dès lors la tâche d’une démystification de la magie… chiffrée dont s’entoure le complexe scientifico-technique. Mais cette mise en question se veut elle-même "scientifique" : il ne suffit pas, dans un mouvement de raidissement volontariste et activiste, de poser le primat exclusif du facteur humain et de dénier à la technique la toute puissance usurpée que d’aucuns revendiquent pour elle, tout en s’économisant l’effort d’une plus ample réflexion, pour pouvoir d’emblée passer à l’action. Il ne s’agit pas de proposer un volontarisme qui soit seulement l’inverse de la technocratie. La technique n’est pas un "tigre de papier", elle doit être éminemment prise au sérieux. 

Le complexe militaro-industriel (CMI) : 

"(…) Le complexe scientifico-technique se politise en quelque sorte, au même titre que la politique se scientificise". Les investissements en matière stratégique ont là une importance décisive ; ce sont eux qui déterminent des priorités qui finissent par se répercuter sur l’ensemble du système. Aux États-Unis, on le sait, la Défense et l’Université travaillent en symbiose. Par ailleurs, les sociologues américains ont attiré l’attention sur l’existence d’un "complexe militaro-industriel". Aux Etats-Unis, le ministère de la Défense et la NASA. sont les deux plus importants commanditaires en matière de recherche scientifique…

A tel point qu’on a maintenant tout un complexe science-technique-industrie-armée-administration intégré, avec un processus de feed-back généralisé, que l’auteur compare à un système de vases communicants. C’est ainsi que science et technique deviennent la première force productive. Après quelques autres, J. Habermas en tire la conséquence que la théorie marxiste de la valeur travail devra faire l’objet d’une révision, car c’est le travail intellectuel "sophistiqué" qui est maintenant à la base effective de notre économie."

Note : l'expression "complexe militaro-industriel" fut créee par le Président Dwight. D. Eisenhauer lors de son départ de la Maison Blanche en 1961 pour désigner la synergie entre la technique, l'armement et le pouvoir politique et en souligner les dangers.

"La technique et la science constituent désormais les forces productives les plus importantes des sociétés développées. Cette situation nouvelle pose le problème de leur relation avec la pratique sociale, telle qu’elle doit s’exercer dans un monde où l’information est elle-même un produit de la technique."

Illusions et dangers de la technocratie :

Jünger Habermas examine l’incidence de la rationalité scientifique sur "le monde social vécu" et ses répercussions sur le fonctionnement de la démocratie. Il montre les limites de la technocratie qui tend à s’abriter derrière une pseudo-rationalité pour assurer le triomphe de ses intérêts. Il analyse le système des valeurs en cours, les finalités que se propose le corps social sans toujours en avoir conscience, la fonction des idéologies qui les systématisent.

"La dynamique immanente à ce progrès semble produire des contraintes objectives auxquelles doit se conformer une politique répondant à des besoins fonctionnels. Or, une fois que cette illusion s'est effectivement bien implantée, la propagande peut invoquer le rôle de la science et de la technique pour expliquer et légitimer les raisons pour lesquelles, dans les sociétés modernes, un processus de formation démocratique de la volonté politique concernant les questions de la pratique "doit" nécessairement perdre toute fonction et céder la place aux décisions de nature plébiscitaire concernant les alternatives mettant tel ou tel personnel administratif à la tête de l'Etat." 

Il aborde du même coup l'une des plus grandes questions de notre temps : comment le consensus social que postule la démocratie peut-il s’opérer dans les sociétés industrielles avancées ?"

 

 

 

 

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