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Jules Vallès, L'Enfant (extrait + questions)

L'auteur :

Né le 11 juin 1832 au Puy-en-Velay et mort à Paris le 14 février 1885, Jules Vallès (nom de plume de Jules Louis Joseph Vallez) est un journaliste, écrivain et homme politique français de gauche. Fondateur du journal Le Cri du Peuple, il fait partie des élus de la Commune de Paris en 1871. Condamné à mort, il doit s'exiler à Londres (de 1871 à 1880). Avec l'amnistie, Vallès rentre à Paris le 14 juillet 1880. Jules Vallès a écrit une trilogie romanesque largement autobiographique centrée autour de Jacques Vingtras : L'Enfant (1879), Le Bachelier (1881) et L'Insurgé (1886). Il utilise divers pseudonymes pour ses articles dans la presse et la parution de ses premières œuvres en feuilleton : Jean La Rue, La Chaussade, Jacques Vingtras, Vingtras.(source : babelio)

L'oeuvre : 

Fils d'un professeur de collège méprisé et d'une paysanne bornée, Jules Vallès raconte : « Ma mère dit qu'il ne faut pas gâter les enfants et elle me fouette tous les matins. Quand elle n'a pas le temps le matin, c'est pour midi et rarement plus tard que quatre heures. » Cette enfance ratée, son engagement politique pour créer un monde meilleur, l'insurrection de la Commune, Jules Vallès les évoqua, à la fin de sa vie, dans une trilogie : L’Enfant, Le Bachelier et L’Insurgé. La langue de Jules Vallès est extrêmement moderne. Pourtant l'histoire de Jacques Vingtras fut écrite en 1875 et c'est celle des mal-aimés de tous les temps. (source babelio)

« Je ne me rappelle pas une caresse du temps où j'étais tout petit ; je n'ai pas été dorloté, tapoté, baisotté ; j'ai été beaucoup fouetté. » Tel est le premier aveu du petit Jacques Vingtras, double de Jules Vallès et héros de L'Enfant. Dans cette œuvre unique, bouleversante, devenue un classique du récit autobiographique, souvenirs douloureux et tendres sont appelés à témoigner d'une époque, d'une éducation et, par-delà le temps, de l'enfance qui forge l'individu." (source : FNAC)

Le texte :

L’action se passe au XIXe siècle : le narrateur est injustement puni à la suite d’une bousculade dans la cour.

J’ai été puni un jour : c’est, je crois, pour avoir roulé sous la poussée d’un grand, entre les jambes d’un petit pion qui passait par là, et qui est tombé derrière par-dessus tête ! Il s’est fait une bosse affreuse. […]

Le pion s’est fâché. Il m’a mis aux arrêts ; — il m’a enfermé lui-même dans une étude vide, a tourné la clef, et me voilà seul entre les murailles sales, devant une carte de géographie qui a la jaunisse, et un grand tableau noir où il y a des ronds blancs et la binette du censeur . Je vais d’un pupitre à l’autre : ils sont vides — on doit nettoyer la place, et les élèves ont déménagé. Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le cadavre d’un lézard, une agate perdue.

Dans une fente, un livre : j’en vois le dos, je m’écorche les ongles à essayer de le retirer. Enfin, avec l’aide de la règle, en cassant un pupitre, j’y arrive ; je tiens le volume et je regarde le titre :

                                                  ROBINSON CRUSOÉ

Il est nuit. Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? — quelle heure est-il ?

Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s’effacent ; les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus rien. J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse : je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d’une émotion immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profiler la tête longue d’un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain…

La faim me vient : j’ai très faim.

Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ? Comment faire du feu ? J’ai soif aussi. Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons frais ! Justement j’adore la limonade ! Clic,clac ! On farfouille dans la serrure. est-ce vendredi ? Sont-ce des sauvages ?"

Jules Vallès, L’Enfant, 1884, "Robinson Crusoé", p. 144, Editions Gallimard, collection Folio classiques, 1973

Notes : pion : surveillant - binette du censeur : tête de ce qui correspond au CPE - limons : variété de citron.

Questions sur le texte : 

1. Quel est le genre de ce texte ? 

2.Pourquoi la punition se transforme-t-elle en plaisir pour le personnage ?

3. Expliquez et commentez l'expression : "Combien de temps y a-t-il que je suis dans ce livre" (ligne 16)

4.Quel effet le livre produit-il sur le personnage ? Justifiez votre réponse en vous référant précisément au texte.

5. Quel est le temps verbal le plus utilisé dans le texte ? Quel autre temps le narrateur aurait-il pu utiliser pour raconter ce souvenir d'enfance ? Quel effet le temps choisi produit-il ?

6. "Je tiens le volume et je regarde le titre :

                                               ROBINSON CRUSOË" 

Que remarquez-vous dans la disposition du texte, les majuscules et le blanc typographique ?

7. Le personnage fait-il la différence entre sa situation réelle et l'univers qu'évoque le livre ? Justifiez votre réponse en analysant un exemple précis.

 

 

 

 

 

 

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