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André Glucksmann, Les Maîtres Penseurs
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André Glucksmann, Les Maîtres Penseurs, Editions Grasset et Fasquelle, 1977 Né en France de parents juifs autrichiens, André Glucksmann est un philosophe engagé. Après des études à Lyon, puis à l'école normale supérieure de Saint-Cloud, il entre au CNRS en qualité de chargé de recherches. Il se penche notamment sur les tenants, les aboutissants et les stratégies de guerre, en collaboration avec le sociologue Raymond Aron. Son premier livre, Le Discours de la guerre, est publié en 1968. Dès lors, il s'engage dans de nombreuses causes qui lui tiennent à coeur. Il participe notamment aux événements de mai 68 et milite en faveur des résistants à l'oppression soviétique. Dans son best-seller 'La Cuisinière et le mangeur d'hommes, réflexions sur l'État, le marxisme et les camps de concentration', il compare le nazisme et le communisme. Il est l'auteur des Maîtres penseurs, succès paru en 1977. Karl Marx J'ai chois de présenter aujourd'hui ce livre paru en 1977, donc avant la "Glastnost" de Gorbatchev et l a Chute du Mur de Berlin, et dont l'influence sur les gens de ma génération fut considérable. "Toute la famlle fait de la politique. L'aîné, Johann Gottlieb Fichte, passait pour jacobin - un futur Lénine ? Hegel, un peu tout, un peu là, offre de devenir maître etpossesseur non seulement de la nature (style Descartes), mais de la société. La domination de la Terre, résume Nietzsche. Ca ne se résume pas. En cent ans, la pensée allemande est devenue mondiale. La dernière fleur de la métaphysique occidentale ? Une anémone, une fleur du vent, du vide, glisserait Socrate. Panurge qui ne veut ni être battu, ni volé, ni trompé, a droit au cocktail. Un rien de révolution française, un zeste d'économie politique anglaise et un vieux fond de science allemande recommandée par Marx. cela n'a pas emp^éché les marxistes de battre et d'être battus, volés, cocus. L'ordre règne dans le siècle et l'obéissance dans les têtes. Face Est, le continent du grand mensonge, côté Ouest, les provinces du se mentir. A la porte, un vagabond, personne visiblement déplacée. Il y a quelque temps, on eût dit : un juif. La famille prouve que mai 68 est impossible. Et la révolte des jeunes Américains. Et la résistance des Russes qui kidnappent Pinochet pour l'échanger contre Brejnev. Quand il entend parler de contestation, Doc prépare la piqûre." André Glucksmann (Les maîtres penseurs, "Panurge hors les murs") a bien perçu ce caractère "totalitaire" de l'utopie thélémite (et à vrai dire de toutes les utopies depuis La République de Platon). "Fais ce que vouldras" : La formule est radicale : elle s'intime au présent (Fais) et gouverne le futur ("ce que vouldras"). Le passé est rayé de la carte, rayé définitivement puisque répéter la formule c'est une nouvelle fois repartir de zéro. Les commentaires illustrent la rupture (bien que le règlement se réduise, en principe, à la clause unique du "Fais ce que vouldras", la construction et l'organisation préalable de Thélème installe ses pensionnaires dans un anti-couvent soumis à des anti-règles non moins détaillées que celle du couvent traditionnel. La formule est révolutionnaire : elle cerne cet instant où "tout est possible" (comme le dit Michelet de la Révolution française). Elle définit entièrement un ensemble - les Thélémites (...) par l'unique propriété qu'elle énonce : l'instant où "tout est possible" se donne pour acte de naissance à chaque individu compris dans l'ensemble. Ma fin n'est pas de "piller ny rançonner les humains, mais de les enrichir et réformer en liberté totalle." promettent à leurs prisonniers les rois de Rabelais.(...) Ni curé, ni plaideur, ni avare, ni vérolé, le futur habitant de Thélème doit être lui aussi "blanc", non marqué, cire vierge. Une machine d'origine. Un commencement absolu. La formule est collectiviste : nous sommes libres ensemble. Donc seul l'ensemble est libre : "grâce à cette liberté, ils rivaliseront d'efforts pour faire tous ce qu'ils voyaient plaire à un seul. Si l'un disait "jouons", tous jouaient ; si disait "allons nous ébattre dans les champs, tous y allaient". Cette société semble condamnée à répéter à l'infini son acte de naissance. On n'y communique qu'à l'impératif, comme si le premier chef ne pouvait céder la parole qu'à de nouveaux (petits) chefs, pris au hasard, dans l'instant, se valant les uns les autres et ne valant que comme chefs de l'heure ("buvons", "jouons") Les Thélémites sont, avant la lettre, des moutons de Panurge. La formule est dictatoriale : pas seulement parce qu'un chef (Gargantua) l'énonce, par son impératif explicite ou implicite. Beaucoup plus grave : elle instaure une dissymétrie insurmontable entre celui qui l'énonce comme loi et celui qui l'accepte comme règle de vie, entre celui commande et celui qui obéit. (...) Fais ce que voudras, mais ne te rebelle pas contre celui qui te l'ordonne ou tu t'empêtreras dans d'infranchissables contradictions. Machine qui ne produit qu'une différence, la hiérarchique. Machine de gouvernement. La formule est théologique : son origine est religieuse, ainsi saint Augustin : Dilige et quod vis fas, soit : Aime (Dieu), sers (Dieu) et fais ce que veux. D'avoir évacué le rapport entre la volonté et Dieu coupe la face religieuse de la formule, mais laisse la trace de la coupure..." (André Glucksmann, Les maîtres penseurs, "Panurge hors les murs")
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