Le monde selon Michel Serres, numéro 39 hors série de philosophie magazine.
Sommaire :
Les Petites Poucettes dialoguent avec l'ogre du savoir : entretien entre Michel Serres et sept enfants d'Internet - Chronologie : le périple d'un penseur généraliste - Un penseur inspiré : entretien avec Michel Serres - Le Grand Récit : Introduction par Martin Legros - extraits illustrés - De Lucy à la Petite Poucette, Entretien avec Yves Coppens - Dans la bibliothèque de Michel Serres : extraits de Georges Lemaître, Henri Poincarré et Jacques Monod commentés - Sauver la Terre : Introduction par Martin Legros - extraits : "Polluer pour s'approprier" (Michel Serres) - Un contrat mondial de longue durée : entretien avec Stéphanie Posthumus - Dans la bibliothèque de Michel Serres : extraits de Jules Michelet, Jules Verne, La Fontaine et de la Bible, commentés - Communiquer : introduction de Sven Ortoli - extrait : "Internet, c'est vraiment du Leibniz sans Dieu - Information, la révolution du doux, entretien avec Serge Abitboul et Gilles Dowek - extrait : "Les bijoux de la Castafiore, quand la communication fait Tintin" (Michel Serres) - Dans la bibliothèque de Michel Serres : extraits de Homère, Pascal, Leibniz et Claude Shannon commentés - La nouvelle condition humaine, introduction par Martin Legros - extrait : "Nous nous construisons nous-mêmes" (Michel Serres) - Le renard enthousiste par Florence Ehnuel - Dans la bibliothèque de Michel Serres : extraits de Homère, Cervantès et Erwin Schrödinger commentés - Qu'est-ce que la philosophie ? : Introduction par Octave Larmagnac-Matheron - un penseur en dialogue, entretien avec Frédéric Worms - Dans la bibliothèque de Michel Serres : extraits de La Fontaine, Platon, Aristote et Leibniz commentés - Abécédaire
"Pourquoi les hors-séries seraient-ils réservés aux philosophes du passé ? La rédaction de Philosophie magazine entretient depuis des années une relation particulière avec le plus amical, le plus curieux, le plus optimiste, le plus encyclopédique aussi des philosophes français. Ce hors-série est l'occasion, en étroite collaboration avec Michel Serres, de rassembler le « grand récit » de sa pensée, et de ré-ouvrir en sa compagnie les oeuvres et des découvertes qui continuent de l'inspirer - de la Bible aux Bijoux de la Castafiore, du squelette de Lucy au smartphone de Petite poucette - pour mieux comprendre et aimer l'avenir, car pour Michel Serres, philosopher c'est anticiper. C'est aussi l'occasion de faire le tour de l'oeuvre immense et souvent visionnaire de Serres, que l'accent rocailleux et la popularité médiatique de Michel Serres ont parfois fait passer au second plan. Il sera question de communication - Serres est l'un des premiers à avoir théorisé un monde de réseaux ; d'écologie - le « contrat naturel », proposé par Michel Serres dès 1990, est à la base des initiatives les plus récentes pour sauver la planète ; et de réconciliation des deux cultures, scienti-fique et humaniste." (source : Pollen-Difpop)
"Internet, c'est vraiment du Leibniz sans Dieu..." (extrait)
Marqué par la pensée de Leibniz dans laquelle il voit une formidable anticipation du monde contemporain, Michel Serres trace un saisissant parallèle : chez le philosophe allemand, tous les êtres communiquent entre eux par le biais de Dieu, qui centralise et redistribue l'information. Notre époque a simplement remplacé ce tiers divin par le réseau informatique ! Et mis le monde en calcul binaire.
"Tout mon problème à moi, leibnizien devant l'éternel, a été de me demander : s'il n'y a pas Dieu, que se passe-t-il, qu'advient-il de la communication ? En fait, Leibniz pose l'alternative décisive ; soit la communication fonctionne grâce à un pôle (Dieu chez le philosophe allemand) qui relie tous les points, soit il faut inventer un réseau qui assure la fonction de Dieu en l'absence de Dieu. C'est le prodige de la technologie moderne d'avoir inventé un tel modèle avec les ordinateurs personnels, puis bien sûr avec l'Internet à haut débit. Internet, c'est vraiment du Leibniz, une monadologie mais sans Dieu ! Tous les internautes sont des monades sur un pied d'égalité, à la fois autonomes et connectées, qui surfent sur le même univers, la Toile, et ainsi le reflètent. Donc je persiste et je signe : Leibniz est le penseur de notre temps - Descartes, Kant, Hegel, à côté, apparaissent comme de véritables dinosaures ! Il anticipé le monde dans lequel nous vivons, et vivrons encore demain.
Qu'on en juge : aujourd'hui, tout n'est plus que chiffrage et codage. regardez les cogniticiens qui étudient le cerveau comme un gigantesque réseau de communication, ou les biologistes qui analysent le code génétique, le nombre faramineux de combinaisons possibles entre les ADN du père et de la mère : ils se retrouvent en pleine explosion combinatoire leibnizienne ! Et regardez les informaticiens avec leurs lignes de code : que font-ils, sinon calculer encore et encore sur des machines d'ores et déjà leibniziennes, qui marchent au calcul binaire ? Grâce aux avancées technologiques, le calcul est devenu le paradigme de notre temps, l'opération maîtresse qui permet de faire absolument tout, de comprendre le vivant comme de reproduire la Joconde en pixels... Or qu'est-ce qu'avait déjà en tête Leibniz ? La mathesis universalis, la mathématique universelle. Et quel était son mot d'ordre ? Calculemus, calculons... Je crois, comme lui, aux puissances du calcul."
(Entretien avec Michel Serres, extrait de Philosophie magazine, n°48, avril 2011, p.71)
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