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Ce que je crois par Clavel

Maurice Clavel, Ce que je crois, Editions Grasset et Fasquelle, 1975

Né le 20 novembre 1920, Maurice Clavel entre à l'Ecole Normale supérieure et passe son agrégation de philosophie en 1942, année où il entre dans la Résistance. Chef des F.F.I. d'Eure-et-Loire, il rencontrera le général de Gaulle en 1944. Professeur de philosophie, journaliste, polémiste, il a écrit de nombreux ouvrages, des pièces de théâtre : Les Incendiaires, Maguelonne, Dalmadesa -, des romans - Le Jardin de Djémila, Le Temps de Chartres,  des Essais politiques et polémiques - Qui est aliéné ? tout en prenant une part active aux événements de mai 1968, par ses chroniques de Combat et du Nouvel Observateur.

 

"Avec Maurice Clavel, on doit s'attendre à du feu et on ne sera pas déçu. Mais la surprise, ici, c'est que le feu se fait peu à peu lumière.

Clavel est un chrétien converti qui témoigne de sa foi et fait le récit - tant attendu - de sa conversion, terrible et radieuse, pathétique et clinique.

Dans cet ouvrage où il rend compte de sa vie - homme public, il doit des comptes - il ne peut oublier qu'il pense, avec autant d'agressivité que de rigueur.

Ce qui fait que l'on trouve ici, sous la plume du grand polémiste, une débauche d'incrédulité laïque, une démystification implacable de toutes les vaches sacrées de la culture contemporaine qui courent nos rues, envahissent nos journaux, imprègnent nos moeurs elles-mêmes. Et ainsi le champ s'ouvre aux légitimes chances de la Foi aujourd'hui, à la possibilité de la pensée dès demain. Et pour l'une comme pour l'autre il ne reste rien que Dieu - s'Il vient..."

Tympan central du narthex de la basilique Sainte Marie-Madeleine de Vezelay

"Je crois avoir montré à tous ceux qui ont la Foi qu'aucune pensée humaine n'a légitime prise sur elle, à condition qu'elle-même se garde de philosopher. je crois avoir prouvé que l'humanisme athée, la seule négation collective de Dieu en Occident, n'avait plus aucune pensée possible, hors du radotage sénile. L'homme, cette poussière, ne tient en effigie que pétri dans les flots de sa propre salive, ou bave. Cela peut encore durer un peu et n'a aucune importance : moi-même, j'ai montré les crocs de la Critique et n'ai dévoré aucune proie, les proies étant devenues des ombres...

La voie n'a jamais été si libre, depuis deux cents ans, pour la Foi. Si je fais ce rappel des deux siècles passés, c'est que Kant, avec sa fameuse phrase de sa Préface ("J'ai borné le savoir pour laisser une place à la Foi."), reste bien au départ. (...) Que la Foi soit contact de mon être avec l'Etre, qu'elle broie le sensible en son moment d'origine et le réorganise et le réincorpore aussitôt dans sa vie concrète, cela ne pose pas plus de problème philosophique (...) que l'Art et le Langage. La Foi est sans doute plus difficile à vivre qu'Art ou Langage, mais non à concevoir ni fonder - quand elle est là...

Et de même que je n'ai pas témoigné assez de gratitude envers Kierkegaard pour son appel à l'existence absolue humaine, que je viens de retrouver à l'instant, peut-être mieux fondée en droit que la Critique, plus historique et même plus quotidienne en fait. Mais Kierkegaard était justifié à croire qu'il opérait pour le christianisme cette "percée décisive", vouée à aboutir dans la seconde moitié de ce siècle. Pour ma part, je ne suis que le cantonnier momentané de la Voie Royale. Il y en aura d'autres, et dans un délai rapide...

Enfin, la distinction entre Foi et Révélation, précisée au-delà de ce que j'en ai dit, deviendrait assez vite verbale et académique. La Foi est un trou noir, mais comme dans l'oeil de la pupille. ce qu'elle donne à voir et à vivre s'appelle Révélation. Que nos deux ordres sensibles contradictoires, le naturel et le surnaturel, soient aussi deux ordres de connaissance possible, voilà qui n'a rien d'inquiétant pour nos résultats. Car la Révélation est Vérité Absolue, mais accessible seulement si je la vis. Et réciproquement, c'est le refus de la vivre qui me confirme en nature et pousse mes vérités naturelles en leur prolongement naturaliste, illusion métaphysique. Dieu, l'Eglise, le Dogme, les Saints l'ont toujours dit, que c'était l'amour-propre qui nous fausse l'esprit et l'amour de Dieu qui le rajuste. Cela ne concilie pas les contradictions entre les deux Ordres, au contraire, mais les explique. A chacun le choix : en fin de compte entre l'orgueil et l'humilité, la volonté de puissance et la pauvreté en esprit.

Pietersz Peter, "Laissez venir à moi les petits enfants, car le Royaume des Cieux appartient à ceux qui leur ressemblent."

 

Et cela me permet d'achever cet ouvrage, comme je l'ai commencé : "Je te remercie, ô Père, d'avoir caché ces choses aux docteurs et aux sages, et de les avoir révélées aux humbles et aux petits." On se passe très bien de docteurs et de sages - surtout dans l'Eglise, à moins qu'ils ne soient saints et mystiques...

Ce que je crois tient dans le Credo. Je viens d'essayer de m'en réciter le texte et je n'y suis pas parvenu. J'ai découvert que je ne le savais pas. Je ne le sais qu'en le prononçant avec d'autres hommes. C'est ainsi. Et très bien ainsi. Dieu soit loué.

Pâques 1975

 

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