Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie, Editions Gallimard, 1996
Guy Goffette est un poète et écrivain belge né le 18 avril 1947 à Jamoigne (Gaume). Il a été tour à tour enseignant, libraire, éditeur des cahiers de poésie Triangle et de L'Apprentypographe. Il a parcouru nombre de pays d'Europe avant de poser ses valises à Paris où il vit actuellement. Il est lecteur chez Gallimard, où sont édités la plupart de ses ouvrages. Poète avant tout, même lorsqu'il écrit en prose, il a publié une quinzaine de livres et a obtenu en 2001 le Grand Prix de Poésie de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre. Entre autres travaux de préfaces, il est l'auteur de l'introduction aux œuvres complètes du poète Lucien Becker. (source : babelio)
Quatrième de couverture :
"Parce que, tout de même, un homme, c'est bien autre chose que le petit tas de secrets qu'on a cent fois dit.
Bien autre chose, en deçà et au-delà de l'histoire qui le concerne, comme un pays sans frontière, et l'horizon ne tient la longe qu'aux yeux. C'est un pays rêvé quand on ne rêvait pas encore, et c'est le rêve d'un pays qui vous mène quand tout dort, quand on est soi-même endormi. Au réveil, ça vous colle à la peau. Ça vous remplit et ça vous vide tour à tour. La plénitude et le manque, systole, diastole, flux, reflux, qui font aller l'homme comme la mer, d'un bord à l'autre de lui-même. Parce qu'un poète, c'est toujours un pays qui marche, dressé comme une forêt, et traînant dans sa langue une terre d'exil, un paradis d'échos."
"Verlaine : c'est fragile et allumé comme un coquelicot dans le brouillard." (Claudel)
"Verlaine ? Il est caché parmi l'herbe, Verlaine." (Mallarmé)
"La route est bonne et la mort est au bout." (Paul Verlaine)
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens
Citations :
"Le schiste est un soleil refroidi, enfermé dans la pierre. C'est une fleur aussi, plusieurs fois millénaire, quelque chose entre le coquelicot et le chardon, en plus éteint, mais qui s'irise encore à certaines heures du jour, les plus fragiles. Au petit matin, par exemple, et à l'entrée du soir.
Le pluie, qui ferait luire la plus sale défroque, noie le soleil du schiste, et la fleur bise qu'elle aurait dû réveiller, elle l'assome au contraire, l'assombrit davantage, la renfrogne, comme un vieux lilas.
Tout le pays, d'un seul coup, en est atteint. Toutes les maisons se renferment sur elles-mêmes, s'enfoncent dans la campagne grise. Pour un peu, on les heurterait du pied si l'on n'y regardait de plus près en marchant.
Heureusement, il y a les ardoises. Coupé en tranches fines, le soleil du schiste a vite fait de reprendre du mordant, et la fleur qu'on croyait éteinte retrouve en un instant une sorte d'éclat et de fraîcheur.
Encore faut-il pour cela qu'il bruine ou brumaille.
La fée ardoise alors étale sur la table du soir tout son jeu de nuances, et c'est la discrétion des simples quand tout rit alentour, clabaude ou criaille ; c'est l'oeillade mate qui enjôle les sapins à l'exercice dans leur uniforme de parade ; c'est la fluorescence quand tout s'évapore, grisonne ou s'endeuille ; c'est la grande conversation des toits avec la lune qui s'étonne ; c'est toute l'Ardenne en rêve descendant la Meuse : c'est Verlaine qui passe. Silince ! Silince !