Brice Parrain, Recherches sur la nature et les fonctions du langage, Gallimard, collection Idées, 1972
En lien : Scène célèbre du film de Jean-Luc Godard, Vivre sa vie (1962). On y voit et entend le philosophe Brice Parain tenir une mini conférence sur le langage à Ana Karina, qui joue, dans le film, le rôle de Nana, une prostituée. Elle s'interroge sur l'impossibilité de communiquer...
L'oeuvre :
"Brice Parain examine la fonction du langage et analyse la doctrine des grands philosophes dans ce domaine. D'Aristote à Hegel en passant par Descartes, Pascal et Leibniz, il étudie en particulier l'évolution de la notion de dialectique, d'abord dans l'Antiquité et ensuite dans la philosophie moderne." (source : Editions Gallimard)
Elements de biographie :
Brice Parain (Courcelles-sous-Jouarre, 10 mars 1897 - Verdelot, 20 mars 1971) est un philosophe et essayiste français, normalien, agrégé de philosophie et diplômé de l'Ecole des Langues orientales. Il s'intéresse principalement aux grands mouvements intellectuels et politiques de son temps. Ses travaux portent notamment sur le communisme, le surréalisme et l'existentialisme, dont il anticipe l'échec dans certains de ses premiers ouvrages, tels Essai sur la misère humaine (1934) et Retour à la France (1936). Il est obsédé par les problèmes du langage. Le critique Charles Blanchard le surnomme « le Sherlock Holmes du langage ». Il ne cesse de scruter les mystères de l'origine et de l'évolution des mots. En témoignent des essais plus tardifs, comme Essai sur le Logos platonicien (1942), Recherches sur la nature et la fonction du langage (1942) ou Sur la dialectique (1953). Toute sa vie, il demeure en marge des intellectuels français attirés par le communisme. Il parle russe, il est en contact avec les écrivains du pays, il est allé sur le terrain et il est très critique vis-à-vis du système soviétique.
Le "Sherlock Holmes du langage" :
"À l'origine de l'œuvre de Brice Parain se trouve moins une intuition qu'une déception. Très tôt, Parain découvre la profonde duplicité du langage : il est notre fatalité puisqu'il nous permet de communiquer. Mais il ne nous unit qu'en nous trahissant : il nous donne l'illusion que c'est nous qui parlons, alors que nous ne livrons au monde que notre part la plus impersonnelle, la seule susceptible d'être dite. Ainsi le langage ne fonde pas le moi mais le traverse et le soumet à son ordre. Comment empêcher que les mots composent à côté du monde un univers parallèle où l'idée de la chose se substitue à cette chose même ? C'est à cette question que Parain va s'efforcer de répondre, et d'abord dans ses Recherches sur la nature et les fonctions du langage (1942), où il étudie les principaux systèmes philosophiques qui prétendent livrer le sens du réel sans se préoccuper de la parole qui fonde leur vérité. Surtout, Parain combat le mouvement de la pensée dialectique (notamment dans Sur la dialectique, 1953), qui constitue pour lui le moment le plus grave de la servitude à laquelle le langage réduit l'homme. C'est la dialectique qui, approfondissant le décalage qui existe entre le réel et les mots, entraîne l'être dans un mouvement de contestation infini de soi par soi, à partir duquel il n'est plus de vérité dernière qui serait aussi achèvement." (source : encyclopédie universalis)
Citations :
"La vie ne pousse bien que là où elle est heureuse."
"Les mots sont des pistolets chargés."
"Le langage est le seuil du silence que je puis franchir. Il est l'épreuve de l'infini."
"Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde, car le mensonge est justement la grande misère humaine, c'est pourquoi la grande tâche humaine correspondante sera de ne pas servir le mensonge." (Sur la philosophie de l'expression)
"Aussi ne puis-je m'empêcher de craindre dès que j'ouvre la bouche d'être engagé dans une opération infinie."
"L'important, lorsque nous disons : "L'histoire c'est nous qui la faisons" est de savoir qui est ce "nous".
"L'absurde se nomme, le désespoir se chante. Tout vient se perdre dans les mots et y ressusciter (Recherche sur la nature et la fonction du langage)
"Dieu est essentiellement le postulat de notre appartenance à une communauté qui nous protégerait de la solitude et de la mort." (Petite métaphysique de la parole)