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Texte de Bergson sur la démocratie + questions

L'ouvrage : 

Les Deux Sources de la morale et de la religion est un ouvrage du philosophe français Henri Bergson paru en 1932 :

Il s’agit du dernier ouvrage du philosophe. Sa réflexion sur la morale l’amène à discuter les approches sociologiques de son temps (Émile Durkheim, Lucien Lévy-Bruhl) en insistant particulièrement sur le concept d’obligation qu’il place au cœur des relations interindividuelles.

Il pose la distinction restée célèbre entre « société ouverte » et « société fermée » (qui sera reprise dans une autre perspective par l’épistémologue Karl R. Popper). Le dernier chapitre expose la vision de l’avenir de l’auteur et contient le passage célèbre sur le « supplément d’âme » dont le corps serait en attente, à la suite des possibilités extraordinaires que lui confère la technique. Cette réflexion est placée sous le signe de la dualité mécanique/mystique :

« Ne nous bornons donc pas à dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mécanique. Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d’âme, et que la mécanique exigerait une mystique. Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu’on ne le croirait ; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l’humanité qu’elle a courbée encore davantage vers la terre arrive par elle à se redresser, et à regarder le ciel. »

— Chap. IV : Remarques finales. "Mécanique et mystique", PUF, p. 329-330

Et ce regard sur le « ciel » annonce la phrase de conclusion (demeurée aussi célèbre que le « supplément d’âme »), sur « la fonction essentielle de l’univers, qui est une machine à faire des dieux. » Car, de bout en bout, la question centrale est celle de la mystique qui déifie les êtres.

Présentation du texte (André Rousset, textes philosophiques, Nathan technique) :

"Partant d'une conception pessimiste de la nature humaine, Machiavel va mettre la cruauté, la ruse au service de l'action politique. Conseillant au Prince d'"être renard pour connaître les filets et lion pour faire peur aux loups". Il affirme que la fin justifie les moyens" selon les principes du réalisme politique qui fait passer les intérêts de l'Etat avant les strictes exigences de la morale personnelle. En fait, le pouvoir politique, du moins à l'origine, favorise la caste qui gouverne et réprime à l'occasion par la violence les revendications du peuple. Dans le texte suivant, Bergson montre que la démocratie, dont l'ambition est d'associer les valeurs morales aux valeurs politiques, ne peut apparaître qu'au terme d'une évolution, d'un progrès de l'humanité."

La nature opposée à la démocratie

"On comprend que l'humanité ne soit venue à la démocratie que sur le tard (...). de toutes les conceptions politiques c'est en effet la plus éloignée de la nature, la seule qui transcende, en intention du moins, les conditions de la "société close" (1). Elle attribue à l'homme des droits inviolables. Ces droits, pour rester inviolés, exigent de la part de tous une fidélité inaltérable au devoir. Elle prend donc pour matière un homme idéal, respectueux des autres comme de lui même, s'insérant dans les obligations qu'il tient pour absolues, coïncidant si bien avec cet absolu qu'on ne peut plus dire si c'est le devoir qui confère le droit ou le droit qui impose le devoir. Le citoyen ainsi défini est à la fois "législateur et sujet", pou parler comme Kant (2). L'ensemble des citoyens, c'est-à-dire le peuple, est donc souverain. Telle est la démocratie théorique. Elle proclame la liberté, réclame l'égalité, et réconcilie ces deux sœurs ennemies en leur rappelant qu'elles sont sœurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité. Qu'on prenne de ce biais la devise républicaine, on trouvera que le troisième terme lève la contradiction si souvent signalée entre les deux autres et que la fraternité est l'essentiel : ce qui permettrait de dire que la démocratie est d'essence évangélique et qu'elle a pour moteur l'amour (...) Les objections tirées du vague de la formule démocratique, viennent ce qu'on en a méconnu le caractère originellement religieux. Comment demander une définition précise de la liberté et de l'égalité, alors que l'avenir doit rester ouvert à tous les progrès, notamment à la création de conditions nouvelles où deviendront possibles les formes de liberté et d'égalité aujourd'hui irréalisables, peut-être inconcevables ? On ne peut que tracer des cadres, ils se rempliront de mieux en mieux si la fraternité y pourvoit. "Ama, et fac quod vis." (3) La formule d'une société non démocratique, qui voudrait que sa devise correspondît, terme à terme, à celle de la démocratie, serait : "autorité, hiérarchie, fixité". Voilà donc la démocratie dans son essence. Il va sans dire qu'il faut voir simplement un idéal, où plutôt une direction où acheminer l'humanité. D'abord, c'est surtout comme protestation qu'elle est introduite dans le monde. Chacune des phrases de la Déclaration des droits de l'homme est un défi jeté à un abus (...) Les formules démocratiques, énoncées d'abord dans une pensée de protestation se sont ressenties de leur origine. On les trouve commodes pour empêcher, pour rejeter, pour renverser ; il est moins facile d'en tirer l'indication positive de ce qu'il faut faire. Surtout, elles ne sont applicables que si on les transpose, absolues et quasi générales ; et la transposition risque toujours d'amener une incurvation dans le sens des intérêts particuliers. Mais il est inutile d'énumérer les objections élevées contre la démocratie et les réponses qu'on y fait. Nous avons simplement voulu montrer dans l'état d'âme démocratique un grand effort en sens inverse de la nature."

(Henri Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion, Presses Universitaires de France, Paris, 1932)

1. Société dont la morale n'est pas universelle : les étrangers sont considérés comme des ennemis possibles ou réels.

2. Emmanuel Kant (1724-1804) : philosophe allemand

3. "Aime et fais ce que tu veux."

Questions sur le texte :

1. "On comprend que l'humanité ne soit venue à la démocratie que sur le tard". D'où vient le mot "démocratie". A quand remonte la démocratie ? Quelles étaient les limites de la démocratie grecque ?

2. De toutes les conceptions politiques, en quoi la démocratie est-elle la plus éloignée de la nature ?

3. Expliquer : "en intention du moins", "transcende", "société close".

4. La démocratie attribue à l'homme des droits inviolables. Donnez des exemples de "droits inviolables".

5. Pourquoi les droits exigent-ils de la part de tous une fidélité inaltérable au devoir ? 

6. Peut-on dire que la démocratie prend pour matière l'homme tel qu'il est ?

7. En quoi le citoyen est-il à la fois législateur et sujet ?

8. En quoi la liberté et l'égalité sont-elles des "sœurs ennemis" ?

9. Pourquoi la démocratie met-elle au-dessus de tout la fraternité ?

10. Pourquoi le troisième terme de la République lève-t-l la contradiction entre la liberté et la fraternité ?

11. Pourquoi Bergson déclare-t-il que la démocratie est d'essence évangélique ?

12. Pourquoi ne peut-on demander une définition précise de la liberté et de l'égalité ?

13. Citez des exemples de liberté et d'égalité jadis irréalisables, voire inconcevables.

14. La démocratie dans son essence est-elle dans le passé, le présent ou le futur ?

15. En quoi la démocratie est-elle introduite dans le monde comme protestation ? Protestation contre quoi ?

16. Montrez que les articles de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen sont des défis jeté à des abus.

15. Pourquoi les formules démocratiques sont-elles plus commodes pour rejeter que pour en tirer l'indication positive de ce qu'il fait faire ?

16. Pourquoi les formules démocratiques ne sont-elles applicables que si on les transpose ?

17. Pourquoi la transposition des formules démocratiques risque-t-elle toujours d'amener une incurvation dans le sens des intérêts particuliers. Donnez des exemples.

18. En quoi l'état d'âme démocratique est-il un grand effort en sens inverse de la nature ?

 

 

 

2. Quelles qualités morales la démocratie requiert-elle ?

3. Pourquoi Bergson déclare-t-il que la démocratie est d'essence évangélique ?

4. Comment s'appellent les sociétés qui s'éloignent le plus de la formule démocratique ?

5. Quelle conception l'auteur se fait-il de la société politique naturelle ?

 

 

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