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Extrait d'Yvain, le chevalier au lion de Chrétien de Troyes (questions)

L'auteur : 

Chrétien de Troyes (né vers 1130 et mort entre 1180 et 1190) est un poète français, considéré comme le fondateur de la littérature arthurienne en ancien français et l'un des premiers auteurs de romans de chevalerie. Il est au service de la cour de Champagne, au temps d'Henri le Libéral et de son épouse Marie de France.

Ses œuvres majeures sont : Érec et Énide, Cligès, Lancelot ou le Chevalier de la charrette écrit probablement en même temps que Yvain ou le Chevalier au lion, et Perceval ou le Conte du Graal, œuvre inachevée. Ses romans reflètent les idéaux politiques et culturels du milieu pour et dans lequel il écrit. Ils mettent en scène un idéal aristocratique mêlant l'aventure chevaleresque, l'amour courtois et les aspirations religieuses que symbolise l'esprit de croisade.​​​​​

L'œuvre : 

Yvain, le Chevalier au lion est un roman de chevalerie de Chrétien de Troyes. « Le Chevalier au lion » est l'autre nom de messire Yvain dans les romans courtois, ayant trait aux chevaliers de la Table Ronde.

Chevalier à la cour du roi Arthur, Yvain rêve de prouesses. Mais lorsqu'il perd l'amour de sa femme Laudine, il sombre dans une profonde folie. Accompagné d'un lion dont il a sauvé la vie, Yvain affronte de terribles épreuves. Parviendra-t-il à devenir un chevalier parfait et à reconquérir le cœur de son épouse ?

Écrite vers 1176 en octosyllabes, l'œuvre de Chrétien de Troyes puise son inspiration dans la matière de Bretagne, et probablement à la même source que le conte gallois Owein (ou Le Conte de la Dame à la fontaine), qui ne lui serait pas antérieur, mais aurait été davantage composé d'après une source commune dont il ne reste aucune trace. Cette œuvre nous est connue grâce à neuf manuscrits différents. Le roman a en outre inspiré l'auteur Hartmann von Aue qui l'a adapté en allemand sous le titre d'Iwein.

Travail préparatoire : 

Le héros médiéval : un preux chevalier. Extrait d'Yvain, le chevalier au lion (vers 1180). Chrétien de Troyes.

Objectif : comprendre ce qui fait du héros médiéval un homme hors du commun. Dégagez de cette représentation la conception du monde qu'elle sous-tend.

1. Délimitez les trois temps de ce récit.

2. Dans le combat proprement dit entre le Chevalier (Esclados) et Yvain :

a) Quels procédés font des deux combattants des chevaliers hors du commun ?

b) A partir de quel moment Yvain prend-il le dessus sur son adversaire ? Observez la façon dont la lutte est racontée dans le passage qui précède ce moment : que constatez-vous ? Appuyez votre réponse sur des procédés du texte.

c) Comment la défaite du Chevalier est-elle rendue ? Prenez appui sur des éléments du texte.

Activités :

d) Comment Chrétien de Troyes a-t-il mis en scène l’arrivée d’Esclados au début de l’extrait ? Quelle image de celui-ci nous donne-t-il ainsi ?

e) En prenant appui sur toutes vos réponses aux questions précédentes, expliquez ce qui fait d’Yvain, un héros.

3. Comment s’explique l’attitude de la jeune fille vis-à-vis d’Yvain ? Quelle autre qualité du personnage est ainsi mise en avant ?

4. A quels moments le merveilleux est-il présent dans cet extrait ? Montrez qu’il apparaît pour les personnages comme quelque chose de normal. Qu’en déduisez-vous de la vision du monde que véhiculent les romans médiévaux dont Chrétien de Troyes est un modèle ?

5. En prenant appui sur les réponses aux questions précédentes, reformulez en quelques lignes les caractéristiques du héros médiéval.

Le texte : 

Calogrenant a raconté à la cour du roi Arthur son combat dans la forêt de Brocéliande avec Esclados,  chevalier de la Fontaine et châtelain de l’endroit. Arthur, informé par Guenièvre, décide alors de se rendre à Brocéliande pour affronter et vaincre Esclados. Mais Yvain veut accomplir cet exploit seul pour venger l’honneur de Calogrenant et pour répondre aux moqueries de Keu. Il part avant le roi et après une première nuit, trouve la fontaine... Cette fontaine maléfique se trouve en forêt de Brocéliande, domaine dont la châtelaine est Laudine et dont Lunete est la fidèle suivante et la conseillère. Son mari, Esclados le Roux est un terrible chevalier qui surgit dès que quelqu’un verse l’eau qui met en péril la forêt et ses habitants.

"Puis il alla jusqu’à la fontaine. Là il vit tout ce qu’il voulait voir. Sans s’arrêter ni s’asseoir, il versa sur le perron toute l’eau du bassin. Aussitôt il se mit à venter et à pleuvoir. Il fit le temps qu’il devait faire, et quand Dieu ramena le soleil, les oiseaux vinrent sur le pin et firent entendre au-dessus de la fontaine périlleuse, leur grande joie. Mais avant qu’ils aient terminé, le chevalier vint, plus ardent que la braise, avec le même bruit que s’il chassait un cerf en rut. Dès que les deux chevaliers s’aperçurent, ils s’approchèrent et ils donnèrent l’impression de se haïr à mort. La lance de chacun est rigide et puissante. Ils se donnent nombre de coups violents, si bien que les écus qui pendent à leur cou sont percés et que les hauberts se détachent. Les lances se brisent et volent en éclats ; leurs morceaux volent en l’air. L’un et l’autre s’attaquent à l’épée. Ils ont coupé les courroies des écus, et ceux-ci sont dans un tel état que les pièces en pendent. Les deux combattants ne peuvent s’en couvrir ; les écus  ne les défendent pas car ils les ont mis en lambeaux. Aussi les côtés sont libérés, et les épées blanches frappent sur les bras et sur les hanches. Ils s’éprouvent tous deux dangereusement. Mais ils tiennent leur position et ne bougent pas plus que ne le feraient deux rochers. Jamais deux chevaliers ne furent si avides de hâter leur mort. Ils ne veulent pas perdre leurs coups, et les emploient donc du mieux qu’ils peuvent. Les heaumes se penchent en avant et se tordent,  et les mailles des hauberts volent. Ils font couler beaucoup de sang car ils sont si échauffés que leur haubert ne les protège guère plus qu’un froc. Avec la pointe de leur épée, ils se frappent au visage. La durée de cette bataille si violente et si difficile est incroyable. Mais tous les deux sont si courageux qu’à aucun prix l’un ou l’autre ne cèderait du terrain avant d’avoir tué son adversaire. Ils ont agi avec d’autant plus de noblesse qu’ils n’ont jamais blessé ni mis à mal leurs chevaux, car ils ne le voulaient pas et trouvaient cela indigne. Ils se tinrent toujours à cheval et n’en descendirent jamais, ce qui rendit le combat encore plus beau. A la fin, Yvain brisa le heaume du chevalier. Le coup étourdit et affaiblit celui-ci, qui eut peur, car il n’en avait jamais reçu de si violent. Sous son casque, il a la tête fendue jusqu’à la cervelle : les mailles de son haubert blanc en sont teintées, ainsi que de son sang. Il ressentit une douleur si grande qu’il faillit défaillir. Il a raison de vouloir fuir car il se sent blessé à mort, il est donc inutile de se défendre.

Aussi dès qu’il a repris ses esprits, il s’enfuit vers sa demeure. Le pont levis est baissé, la porte grande ouverte. Yvain éperonne de toutes ses forces. Comme le gerfaut qui poursuit rapidement la grue, il s’approche tout près du chevalier. Il croit le tenir mais ne le touche pas : celui-là fuit et celui-ci est tellement proche de lui qu’il peut presque le prendre dans ses bras. Si Yvain ne parvient pas à le rattraper, il est si près de lui qu’il peut l’entendre se plaindre. Mais le chevalier cherche toujours à fuir tandis que l’autre s’évertue à le rattraper : Yvain a peur d’avoir perdu sa peine s’il n’arrive pas à l’attraper mort ou vif et il se souvient des railleries de Keu. Il n’aura pas non plus tenu la promesse qu’il avait faite à son cousin et s’il n’apporte pas de vraies preuves jamais on ne le croira. Yvain a suivi le chevalier jusqu’à la porte de son château. Ils y sont entrés ensemble. Dans les rues, ils n’ont trouvé ni homme ni femme. A toute bride ils arrivent tous les deux jusqu’à la porte du palais. Celle-ci est haute et large, mais elle a une ouverture si étroite que les deux hommes sur leurs chevaux ne pourraient, sans ennui ni sans grand mal, y entrer en même temps. Elle était faite comme une arbalète qui guette le rat qui commet un forfait : l’espion qui est aux aguets tire, et frappe, et prend car la herse se met en marche et se détend quand quelque chose la touche même si c’est doucement. Deux pièges étaient placés sous la porte et soutenaient en haut la porte en fer, coulissante, aiguisée et tranchante. Quand quelque chose frôlait ce mécanisme, la porte d’en haut descendait, tous ceux qui étaient dessous étaient tués ou emprisonnés. Le passage était aussi étroit qu’un sentier. Le chevalier s’y est enfoncé avec prudence. Yvain, follement, lui court après à vive allure et il s’approche de si près qu’il s’accroche à l’arçon de derrière. Grâce à cela, comme il se penche en avant, il est sauvé : car il aurait été entièrement pourfendu, son cheval ayant marché sur le bois qui tenait la porte en fer. Ainsi, comme un diable de l’enfer, la herse descend, atteint par derrière la selle et l’animal et tranche tout en deux. Mais, dieu merci, elle ne toucha pas Yvain, si ce n’est qu’elle le griffa au ras du dos et qu’elle trancha les deux éperons ensemble au ras des talons. Il tomba tout effrayé. Le chevalier blessé à mort lui échappa de cette façon : derrière il y avait une autre porte pareille à la première. Le chevalier s’enfuit par là et la porte retomba après lui. Yvain fut prisonnier.

Plein d’angoisse, il resta enfermé dans la salle toute décorée de clous dorés, les murs joliment peints et aux riches couleurs. Mais sa plus grande douleur était de ne pas savoir de quel côté était allé le chevalier. D’une petite chambre à côté de cet endroit, il vit une porte étroite s’ouvrir. Une demoiselle en sortit, seule, très avenante et très belle, qui referma la porte derrière elle. Quand elle découvrit Yvain, elle eut d’abord très peur. « Chevalier, dit-elle, je crains que vous ne soyez pas le bienvenu. Si on vous voit ici, vous serez entièrement démembré, car mon seigneur est blessé à mort, et je sais bien que vous l’avez tué. Ma maîtresse éprouve une immense douleur et ses gens autour d’elle crient si fort qu’ils manquent de se tuer. Ils savent bien, pourtant, que vous êtes là, mais leur souffrance est si violente qu’ils ne savent pas encore s’ils veulent vous tuer ou vous faire prisonnier. Ils n’y manqueront pas quand ils viendront vous attraper ». Et Yvain répond : « Jamais, s’il plaît à Dieu, ils ne me tueront, ni jamais je ne serai pris. – Non, dit-elle, car j’y mettrai tout mon pouvoir. Celui qui doute n’est pas un homme de valeur, mais vous n’êtes pas trop effrayé, c’est pour cela que je crois que vous êtes un homme de valeur. Sachez bien que, si je le peux, je vous rendrai service et vous ferai honneur comme vous le fîtes avec moi. En effet, un jour, ma maîtresse m’envoya porter un message à la cour du roi. Peut-être n’étais-je ni si sage, ni si courtoise ni d’une si bonne condition que celle qu’une jeune-fille doit avoir, mais, à part vous seul qui êtes ici, il n’y eut pas un seul chevalier qui daigna m’adresser la parole. Vous, et je vous en remercie, vous m’avez honorée et servie. Je vous rendrai ici l’honneur que vous me fîtes là. Je sais bien quel est votre nom et je vous ai parfaitement reconnu. Vous êtes le fils du roi Urien et vous vous appelez Yvain. Soyez certain que, si vous voulez me croire, vous ne serez ni pris ni blessé. Vous prendrez mon anneau et vous me le rendrez, s’il vous plaît, quand je vous aurai délivré ». Alors elle lui donne l’anneau et lui dit qu’il a le pouvoir de le cacher pour qu’on ne le voit pas comme s’il était sous une écorce."

 

 

 

 

 

 

 

 

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