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Extrait d'Yvain, le chevalier au lion de Chrétien de Troyes (questions) - Le blog de Robin Guilloux
L'auteur : Chrétien de Troyes (né vers 1130 et mort entre 1180 et 1190) est un poète français, considéré comme le fondateur de la littérature arthurienne en ancien français et l'un des prem...
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Le héros médiéval : un preux chevalier. Extrait d'Yvain, le chevalier au lion (vers 1180). Chrétien de Troyes
Objectif : comprendre ce qui fait du héros médiéval un homme hors du commun. Dégagez de cette représentation la conception du monde qu'elle sous-tend.
1. Délimitez les trois temps du récit :
Première partie :
Depuis : "Puis il alla jusqu'à la fontaine" jusqu'à : "Il a raison de vouloir fuir car il se sent blessé à mort, il est donc inutile de se défendre" : Yvain affronte Esclados le Roux près de la fontaine périlleuse (la fontaine de Barenton) et le blesse à mort à l'issu d'un terrible combat.
Deuxième partie : Depuis : "Aussi dès qu'il a repris ses esprits" jusqu'à "Yvain fut prisonnier" : Esclados le Roux s'enfuit vers son château, poursuivi par Yvain.
Troisième partie : depuis : "Plein d'angoisse, il resta enfermé dans la salle toute décorée de clous dorés jusqu'à la fin : Prisonnier du château d'Esclados le Roux, Yvain rencontre Lunete, la suivante et la conseillère de Laudine, l'épouse d'Esclados qui lui propose de l'aider et lui remet un anneau magique qui a le pouvoir de le rendre invisible.
2. Dans le combat entre le chevalier Esclados et Yvain :
a) quels procédés font des deux combattants des chevaliers hors du commun.
Les chevalier Yvain et Esclados le Roux sont présentés comme des combattant hors du commun. Le narrateur présente Esclados comme un adversaire particulièrement redoutable à l'aide de deux comparaisons : "le chevalier vint plus ardent que la braise", "... avec le même bruit que s'il chassait un cerf en rut".
Le narrateur souligne la haine mortelle que se témoignent les deux adversaires : "Dès que les deux chevaliers s'aperçurent, ils s'approchèrent et ils donnèrent l'impression de se haïr à mort". Il emploie une métonymie pour souligner la vigueur des combattants : "La lance de chacun est rigide et puissante".
b) A partir de quel moment Yvain prend-il le dessus sur son adversaire ? Observez la façon dont la lutte est racontée dans le passage qui précède ce moment : que constatez-vous ? appuyez votre réponse sur des procédés du texte.
Yvain prend le dessus sur son adversaire à partir du moment où il brise le heaume du chevalier et lui fend la tête jusqu'à la cervelle. A partir de ce moment, Esclados se sent blessé à mort, sent l'inutilité de se défendre et s'enfuit vers son château.
Le narrateur évoque les différentes phases du combat comme s'il s'agissait d'un tournoi : les deux adversaires s'affrontent d'abord à la lance : "les lances se brisent et volent en éclats", puis à l'épée, cherchant à frapper le corps de l'adversaire : "les épées blanches frappent sur les bras et sur les hanches", puis le visage : "avec la pointe de leur épée ils se frappent au visage".
Pour souligner la détermination des deux adversaires, la volonté de ne pas céder, le narrateur les compare à des rochers : "Mais ils tiennent leur position et ne bougent pas plus que des rochers".
L'évocation du combat est dominé par le champ lexical de la violence : "coups violents", "les écus sont percés", "les hauberts se détachent", les lances se brisent et volent en éclat", leurs morceaux volent en l'air", "les heaumes se penchent en avant et se tordent", les mailles des hauberts volent".
Le narrateur insiste sur la réciprocité des deux adversaires qui semblent s'imiter l'un l'autre : "l'un et l'autre", les deux combattants", "tous deux", deux chevaliers", "tous les deux".
Le narrateur insiste davantage sur les armes d'attaque et de défense des deux adversaires que sur les adversaires eux-mêmes : "la lance de chacun est rigide et puissante", "les écus sont percés, les hauberts se détachent", les lances se brisent", les épées frappent, "les heaumes penchent en avant et se tordent", "les mailles des hauberts volent".
On a l'impression que les armes offensives et défensives des deux adversaires sont dotées d'une vie autonome.
Le combat est évoqué à l'aide d'énumérations : "lance", écus", épées", "heaumes", "hauberts" et par des hyperboles (exagérations épiques) : "Mais ils tiennent leur position et ne bougent pas plus que ne feraient deux rochers", "Jamais deux chevaliers ne furent si avides de hâter leur mort", "ils sont si échauffés que leur haubert ne les protège guère plus qu'un froc", "la durée de cette bataille si violente et si difficile est incroyable", "Mais tous deux sont si courageux qu'à aucun prix l'un ou l'autre ne cèderait du terrain avant d'avoir tué son adversaire", "il a la tête fendue jusqu'à la cervelle".
Le combat est évoqué à l'aide de phrases courtes, de proposition indépendantes en asyndète (sans mots de liaison, conjonctions de coordination ou de subordination) : "Les lances se brisent et volent en éclat ; leurs morceaux volent en l'air."
c) Comment la défaite du chevalier est-elle rendue ? Prenez appui sur des éléments du texte.
La défaite du chevalier est évoquée de façon beaucoup plus brève que la description du combat : "A la fin, Yvain brisa la heaume du chevalier jusqu'à "il est donc inutile de se défendre". Le texte est dominé par le champ lexical de l'agonie : "Brisa", "étourdit et affaiblit", "peur", "douleur", "la tête fendue jusqu'à la cervelle", "défaillir", blessé à mort", "inutile de se défendre" Le narrateur emploie une hyperbole épique : "Il a la tête fendu jusqu'à la cervelle".
Activités :
d) Comment Chrétien de Troyes a-t-il mis en scène l'arrivée d'Esclados au début de l'extrait ? Quelle image de celui-ci nous donne-t-il ainsi ?
Le narrateur évoque la tempête suscité par Yvain au-dessus de la fontaine et le retour au calme. La scène est idyllique : "et quand Dieu ramena le soleil, les oiseaux vinrent sur le pin et firent entendre au dessus de la fontaine périlleuse, leur grande joie". Il emploie un adversatif : la conjonction de coordination "Mais" pour marquer l'arrivée du chevalier noir qui est évoquée comme le surgissement d'un événement semblable à la tempête qui a précédé et qui vient troubler à nouveau la paix retrouvée, à l'aide de deux comparaisons : "Mais avant qu'il aient terminé, le chevalier vint, plus ardent que la braise, avec le même bruit que s'il chassait un cerf en rut".
Le narrateur nous donne donc l'image d'un guerrier ou d'un chasseur colérique, facilement irrité, peu sensible aux beautés de la nature.
e) En prenant appui sur toutes vos réponses aux questions précédentes, expliquez ce qui fait d'Yvain, un héros.
Par contraste, Yvain n'est pas présenté comme un homme bruyant et colérique, mais comme quelqu'un qui ne fait que se défendre, même s'il a provoqué la colère d'Esclados en versant l'eau de la fontaine périlleuse sur le perron. Il est aussi brave dans le combat que son adversaire, mais il finit par le vaincre en assénant le coup décisif.
Il est moins prudent qu'Esclados, l'imprudence étant considérée comme une vertu associée à la vaillance : "Le chevalier s'y est enfoncé avec prudence. Yvain follement, lui court après à vive allure."
Il est décrit comme un homme courageux aussi bien physiquement que moralement, soucieux de défendre son honneur : "Yvain a peur d'avoir perdu sa peine s'il n'arrive pas à l'attraper mort ou vif et il se souvient des railleries de Keu. Il n'aura pas non plus tenu la promesse qu'il avait faite à son cousin et s'il n'apporte pas de vraies preuves jamais on ne le croira". Yvain est très sensible au jugement des autres. Le passage qui évoque sa rencontre avec Lunete, la servante et la confidente de Laudine, le présente comme un homme respectueux, courtois et galant, indifférent au statut social de Lunete. De plus, Yvain préfère mourir que d'être capturé et, d'après Lunette "ne connait pas le doute". Yvain est donc un héros médiéval parfait.
3. Comment s'explique l'attitude de la jeune fille vis-à-vis d'Yvain ? Quelle autre qualité du personnage est ainsi mise en avant ?
La jeune fille est la servante de Laudine, l'épouse du chevalier Esclados. Son attitude est assez surprenante : elle devrait partager la colère des habitants du château car Yvain vient de blesser à mort leur maître. Son attitude s'explique par deux raisons : d'abord, elle pense que "c'est un homme de valeur" car il ne doute pas et ne semble pas très effrayé, d'autre part, elle se souvient qu'un jour sa maîtresse l'envoya à la cour du roi Arthur pour y porter un message et qu'il fut le seul chevalier à daigner lui adresse la parole. Yvain n'est donc pas un inconnu pour elle. Elle veut lui rendre l'honneur qu'il lui fit à cette occasion en empêchant qu'il ne soit tué ou capturé.
4. A quels moments le merveilleux est-il présent dans cet extrait ? Montrez qu'il apparaît pour les personnages comme quelque chose de normal. Qu'en déduisez-vous de la vision du monde que véhiculent les romans médiévaux dont Chrétien de Troyes est un modèle.
Le merveilleux est présent à deux reprises dans cet extrait. D'abord quand Yvain verse toute l'eau de la fontaine sur le perron du bassin, qu'il se met à venter et à pleuvoir, puis que Dieu ramène le soleil et que les oiseaux se mettent à chanter, ensuite lorsque Lunete remet son anneau à Yvain, un anneau "qui a le pouvoir de le cacher pour qu'on ne le voie pas comme s'il était sous une écorce".
Pour Yvain, les phénomènes qui se produisent autour de la fontaine périlleuse semblent tout à fait normaux. Il n'y a pas d'irruption du surnaturel dans le réel, comme dans le fantastique, mais continuité entre le réel et le merveilleux. De même Lunette remet l'anneau d'invisibilité à Yvain comme s'il s'agissait d'un anneau ordinaire et Yvain accepte ce don sans se poser de questions.
Les romans médiévaux de Chrétien de Troyes véhiculent donc une vision du monde dans laquelle le réel et le surnaturel ne sont pas vraiment séparés. Le surnaturel se mêle au réel. Dans la religion, par exemple, on ne met pas en doute les phénomènes mystiques, les miracles et les apparitions.
5. En prenant appui sur les réponses aux questions précédentes, reformulez en quelques lignes les caractériels du héros médiéval.
Le héros médiéval dont Yvain est un exemple, accepte tout naturellement le surnaturel, il fait preuve d'un courage physique et moral indomptable. C'est un homme de valeur qui ne connaît pas le doute, un homme respectueux et courtois qui honore toutes les femmes, quel que soit leur rang social.