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Un homme seul par Beigbeder

Frédéric Beigbeider, Un homme seul, Editions Grasset, Paris 2025

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Frédéric Beigbeder, né le 21 septembre 1965 à Neuilly-sur-seine, est un écrivain, critique littéraire, scénariste, animateur de télévision et réalisateur français. Il est le créteur du Prix de Flore, un prix littéraire dont il préside le jury. Il fut également directeur de la rédaction du magazine Lui. Il obtient en 2003 le prix Interallié pour Windows on the World, en 2009 le prix Renaudot pour son livre Un roman Français et en 2018 le Prix Rive Gauche à Paris pour son livre Une vie sans fin.

Résumé du roman : 

"Ce récit aurait pu s'intituler "Le Livre de mon Père". Frédéric Beigbeder part à la découverte de Jean-Michel Beigbeder (1938-2023), dont il fait un vrai personnage de roman, à situer entre Roger Martin du Gard et Ian Fleming : « c’était un Français qui s’est cru Américain alors qu’il était Anglais ».

Il tente de comprendre cet homme solitaire et secret, fils d'une américaine et d'un béarnais, qui se qualifiait lui-même de "solipsiste". Une enfance dans un pensionnat militaire catholique, l'abbaye-école de Sorèze, puis après les « kapos à chapelets » de Sorèze, chez les frères marianistes de la Villa Saint-Jean à Fribourg, l'a endurci à vie.

À peine majeur, il a fui son pays natal pour apprendre le management à Harvard Business School. Au début des années 1960, il a importé en France le métier de "chasseur de têtes" (executive search), « plaçant » tous les dirigeants du CAC 40 (ou presque), durant cinquante ans. Ou les débauchant (« la guerre économique est la seule dont les déserteurs sont récompensés »). A moins que cette activité prestigieuse, le conduisant à voyager dans le monde entier et à tisser des réseaux dans toute ce que la France de l’époque comptait de « décideurs », n’ait été une parfaite couverture pour des activités d’honorable correspondant de la CIA ?

Ce tombeau d'un père brillant et absent est aussi le portrait d'une génération de jouisseurs. Ces hommes seuls que l'on appelle aujourd'hui les "boomers" ont forgé leur égoïsme pendant la Seconde Guerre mondiale. Le confort fut leur idéologie, le luxe leur utopie, le divorce leur fatalité, l'Amérique leur horizon. Ils n'étaient pas faits pour être des pères de famille. À la fois philosophe pessimiste et playboy de la jet-set, Jean-Michel Beigbeder a épousé le XXème siècle, ses plaisirs, sa mondialisation et ses errements.
Son fils contemple avec sensibilité la disparition d'un homme qui symbolise aussi l'écroulement d'un monde, et profile en creux son autoportrait au miroir de ce père si fraîchement disparu, dont il peut enfin faire la connaissance."

Extraits : 

"J’inverse ici la méthode proustienne dans « Noms de pays : le nom ». Alors que Marcel bascule dans la rêverie en entendant les noms « Bayeux », « Vitré », « Lamballe », « Pont-Aven », j’imagine que, pour mon père enfant, les eaux de la Fendeille paraissent une menace bouillonnante, des flots de métaux rouillés, une cascade radioactive ; que Nailloux évoque des chutes de silex froids et coupants comme des clous de la Croix ; que Gardouch représente une caserne de geôliers revêches et édentés ; et que Les Cassés sont un précipice où les gamins, jetés aux oubliettes, sont broyés telle de la tôle froissée dans un compacteur d’acier. La fontaine du village se nomme le Griffoul, comme si l’eau glacée jaillissait des crocs de l’enfer. La grotte de Calel passe encore, mais pourquoi fallait-il baptiser Malamort le gouffre voisin, comme dans un roman de sorcellerie que J.K. Rowling n’avait pas encore écrit ?
Et la rue qui fait face à l’entrée du pensionnat s’appelle la rue Perdue."

"Quand il récitait des vers de la Fontaine, Ronsard, Corneille ou Victor Hugo, sa mémoire n'était jamais défaillante, jusqu'au bout. Sa culture m'agaçait, moi qui suis amnésique, obligé de vérifier les citations sur Google. Sur l'empire romain, la liste des papes ou des croisades, il était incollable. Il ne fallait surtout pas le lancer sur la chute de Constantinople car il était parti pour une heure de monologue et si on ne l'écoutait pas attentivement, il s'écriait : « Pourquoi as-tu posé une question si tu ne veux pas entendre la réponse ? »

"Pour les » headhunters », les hommes sont des pions. On enquête sur eux discrètement. On se renseigne comme un agent secret. On les vend comme sur un marché aux esclaves. On les achète aux enchères. Les rendez-vous se faisaient au cabinet de mon père autour d'un whisky en carafe dans les années 1960, d’un Montecristo N° 4 dans les années 1981 ou d'un café Nespresso dans les années 2000. (Dans les années 2020, j'imagine que les réunions se font désormais autour d'un jus vert, pomme-poire-épinard-gingembre.)"

"On dit que les morts perdent 21 grammes ; ce serait le poids de leur âme envolée. Celle de mon père pesait sans doute 21 kilos tant il était raviné dans son catafalque. Je me suis aperçu que, pour la première fois de ma vie, il était le « pater familias » dont rêvent les enfants. Je ne l’ai jamais vu aussi fort que mort. L’existence de mon père a consisté à échapper à la paternité, à se comporter toujours autrement qu’un père. Et dans ce cercueil, enfin, je voyais un homme responsable, apaisé. Pour la première fois, je l’ai respecté.
À présent qu’il n’était plus, nous pouvions enfin faire connaissance, lui et moi."

 

 

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