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Un été avec Jankélévitch

Cynthia Fleury, philosophe: "Nous sommes en crise de confiance très forte"

Cynthia Fleury, Un été avec Jankélévitch, Equateurs France-Inter, 2023

Un été avec Jankélévitch est à l'origne une série d'émissions diffusées sur France-Inter.

Cynthia Fleury (civilement Fleury-Perkins), née en 1974 à Paris 2, est une philosophe et une psychanalyste française. Elle est professeure titulaire de la chaire Humanités et Santé au Conservatoire national des arts et métiers et professeure associée à l'École nationale supérieure des mines de Paris (Mines-ParisTech), titulaire également de la chaire de philosophie à l'hôpital Sainte-Anne du GHU Paris psychiatrie et neurosciences et est membre du conseil d'administration de l'ONG Santé Diabète. Elle a auparavant enseigné la philosophie politique (en qualité de research fellow et associate professor) à l'American University of Paris 7, et a été chercheuse au Muséum national d'histoire naturelle.

"Né en 1903, mort en 1985 Jankélévitch connu les succès au crépuscule de sa vie et fut l'un des philosophes alors les plus médiatiques. Il est aujourd'hui le penseur qui convient pour conjurer la désespérance et le pessimisme. Jankélévitch nous apprend le charme de l'instant, les joies de l'action, nous met en garde contre les conformismes de la pensée et les mondes enrégimentés. C'est le pianiste de la philosophie, il joue sur les concepts comme sur un clavier. Ne manquons pas notre unique matinée de printemps. Jankélévitch disciple d'Alain nous montre que c'est l'heure, que cette heure ne dure qu'un instant. Le vent se lève, c'est maintenant ou jamais. Cynthia Fleury, philosophe, psychanalyste, auteur à succès d'ouvrages sur la fin du courage, le soin ou le ressentiment nous offre un été avec Jankélévitch allègre plein de paradoxes sur le temps et son irréversibilité. Un dialogue sur la jeunesse d'esprit qui est le meilleur remède contre les passions tristes qui nous menacent."

Lire Vladimir Jankélévich (1903-1985), c'est découvrir l'une des voix les plus charmeuses et envoûtantes de la philosophie. il est le philosophe du temps et de l'instant, ce battement de coeur. "Ne manquez pas votre unique matinée de printemps", nous dit-il. Il nous invite à l'action, ici et maintenant. C'est pour cette raison que son oeuvre va vite : elle court comme une fugue au piano, s'envole comme l'oiseau de la branche, prend conscience de la fragilité des choses et se compose de je-ne-sais-quoi et de presque-rien. Une certitude, on ne s'ennuie pas quand on lit Jankélévich car il avait l'ennui en horreur : tuer le temps est une occupation indigne à ses yeux ! En revanche, l'auteur du Traité des vertus est un philosophe de l'ironie, de l'amour qui, selon lui, est l'autre nom de la morale, mais aussi le penseur du courage, de l'amitié, de la fidélité, de la justice, de l'aventure. Ne manquez pas ce stimulant et délicieux Eté avec Jankélévitch, ce virtuose si vital, si paradoxal, si musical."

"Le vent se lève, c'est maintenant ou jamais. Ne perdez pas votre chance unique dans toute l'éternité, ne manquez pas votre unique matinée de printemps."

"L'homme de lumière, c'est le principe du temps, qui indique à la ronde nocturne le chemin de l'aurore."

"Dans une vie libre il y a la permission d'espérer qui est tout. Car la liberté, c'est l'espérance permise."

"Jankélévitch est le philosophe du temps, l'héritier de saint Augustin et de Bergson. Au coeur de cette philosophie du temps, il y a différents personnages : l'instant, le primultime, superbe mot et notion crée par le philosophe pour exprimer la vérité de tout instant, à savoir qu'il est le premier et le dernier de son espèce, l'instant qui suivra est d'une autre nature." (Cynthia Fleury)

Compte-rendu de la conférence de Cynthia Fleury à la Maison de la Culture de Bourges (salle Gabriel Monnet) sur Vladimir Jankélévitch et la musique. Cette conférence était précédée d'un concert autour d'oeuvres de Gabriel Fauré.

Cynthia Fleury évoque l'oeuvre musicologique de Vladimir Jankélévitch et en premier lieu son ouvrage du Gabriel Fauré, paru en 1938. La réflexion de Jankélévitch  sur la musique est inséparable de sa pensée philosophique, notamment de la notion "d'apparition-dispersion".

Dans La Musique et l'ineffable, Jankélévitch s'interroge sur l'essence de la musique : qu'est-ce-que la musique ? La musique est du côté de l'instant, elle révèle ce que la philosophie n'arrive pas à dire. La musique signifie quelque chose en général, mais rien en particulier. Elle n'est pas un "discours sur" comme la philosophie, mais un mouvement.

"L'homme qui chante est le lieu des rencontres, des significations". Jankélévitch cherche à dire ce qui apparaît, non ce qui est et comme le dit Nietzsche, ce qui apparaît est "superficiel par profondeur".

La musique suggère, elle est la voix de l'éphémère, elle n'a aucune intentionalité. Dans le panthéon musical de Jankélévich figure également Maurice Ravel. Son livre sur Ravel paraît en 1939. Jankélévitch y souligne "l'importance de l'éphémère" chez Ravel et sa "pudeur élégante". L'éphémère chez Ravel possède une valeur ultime. Ravel nous fait savourer la fugacité.

Cynthia Fleury commente la définition de Jankélévitch de la musique comme "art du temps" ; prenant comme exemple le Boléro, elle explique que la musique cherche à "saisir l'instant dans toute sa brièveté sans que celui-ci nous échappe complètement".

"La musique est aussi l'accès à l'ineffable, autre thème fondamental de la pensée de Jankélévitch. Cynthia Fleury rappelle que le maître de Jankélévitch était Henri Bergson, le penseur du temps et de la durée. "Le temps va invariablement à l'endroit", une note de musique n'existe que dans son énonciation.

Elle rappelle que Vladimir Jankélévitch était "musical dans sa voix", ce que tous ceux qui ont assisté à ses cours pourront attester.

Jankélévitch aimait à dire que Gabriel Fauré avait été son premier professeur de philosophie. Il lui doit ses notions de "charme" et de "je ne sais quoi".

Le charme n'existe que dans la "nescience" : on ne sait pas ce qui nous charme, on ne peut pas le définir. Il est un "je ne sais quoi". On ne peut pas expliquer le charme de la Balade en fa dièse de Fauré.

La vie est une succession de transitions comme la musique. Fauré est un "artisan de la réconciliation" et Chopin, "le poète du secret". Chopin exprime une "pudeur douloureuse", par exemple dans le Prélude opus 28. La musique de Chopin est une "musique de l'intime".

... et aussi de la compassion, car "On ne danse jamais sans penser à ceux qui ne dansent jamais".

Cynthia Fleury évoque également Claude Debussy, "précurseur de l'esthétique de l'instant", "horloger de l'instant" dans Nuages, Reflets dans l'eau et Des pas sur la neige, Debussy exprime la "douce mélancolie du flétrissement". Dans Des pas sur la neige, le piano est la porte d'entrée des intuitions philosophiques. La musique de Debussy porte la trace de l'inachevé, du "je ne sais quoi".

Cynthia Fleury évoque la figure de Listz et la rhapsodie. "Listz a fait du piano un instrument philosophique."

Elle souligne également l'influence de Balthasar Gracian, sa virtuosité et sa "morale paradoxologique" très proche de celle de Jankélévitch. Elle cite pour finir le philosophe : "L'apparence n'est pas rien", "il ne faut pas discréditer l'apparence". "On peut vivre après tout sans musique, sans philosophie et sans le "je ne quoi", mais moins bien", "la chose la plus importante est indicible".

Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d'avoir été est son viatique pour l'éternitCelui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d'avoir été est son viatique pour l'éternit

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