Steve Bruce, God is dead, Religion in the modern world, secularisation in the West, Blackwelle Publishing (Steve Bruce, Dieu est mort, La religion dans le monde moderne, La sécularisation en l'occident)
Steve Bruce est professeur de sociologie à l’Université d’Aberdeen depuis 1991. Il est né à Edinburgh en 1954 et a suivi sa scolarité à la Queen Victoria School Dunblane à Perthshire. Il a étudié la sociologie et les sciences des religions à l’University de Stirling (Master en 1976; Doctorat en 1980) et a enseigné à la Queen’s University à Belfast, de 1978 à 1991. Il a été élu en tant queFellow of the British Academy en 2003 puis Fellow of the Royal Society of Edinburgh en 2005. Il a écrit sur la nature de la religion dans la société moderne et sur les relations entre religion et politique. Son ouvrage le plus récent Paisley: religion and politics in Northern Ireland, a été publié par Oxford University Press en 2007 et il est actuellement en train de préparer une seconde édition à Fundamentalism for Polity.
God is Dead: Secularization in the West
Steve Bruce (article traduit de l'anglais)
Blackwell 2002
A book review by Danny Yee © 2002 http://dannyreviews.com/
Le "paradigme de la sécularisation" n'est pas un simple concept isolé. L'explication qu'en donne Steve Bruce dans le premier chapitre de Dieu est mort (God is dead) commence par un diagramme comportant 22 points (de "Réforme protestante" à "Relativisme" et "Cloisonnement et Individualisme"), reliés par 26 flèches et suivies par vingt pages d'explications.
Mais l'idée principale est la suivante : il s'est produit "un long déclin dans le pouvoir, la popularité et le prestige des croyances religieuses et des rituels, déclin provoqué par la modernisation, ou, plus spécifiquement, par "l'individualisme, la diversification et l'égalitarisme, dans le contexte de la démocratie libérale".
Bruce évoque également les forces susceptibles de s'opposer à la sécularisation quand la religion est liée au communautarisme, au nationalisme, ou même à la modernisation elle-même et aborde quelques malentendus concernant le paradigme de la sécularisation, par exemple qu'il prédirait l'extension de l'athéisme, alors qu'il ne fait que mettre en évidence une indifférence grandissante envers la religion et non l'opposition à la religion.
Les chapitres suivants abordent différents aspects du paradigme, en présentant les éléments de preuve de la sécularisation, en analysant ses mécanismes cachés, en abordant des questions méthodologiques et en examinant des point de vues alternatifs.
L'approche sociologique de Bruce s'inscrit dans une tradition qui va de Durkheim et Weber à Niebuhr et Martin ; il laisse une place à la théorie (...) et entre dans des débats académiques.
L'ensemble est cependant largement accessible, avec un bon équilibre entre théorie, statistiques et études de cas.
Les chapitres sont en grande partie indépendants. Quelques-uns s'inspirent d'articles publiés ailleurs et peuvent être lus séparément.
Bruce commence par répondre aux révisionnistes qui ont essayé de prouver qu'il n'y avait pas eu réellement de déclin de la religiosité. Le deuxième chapitre jette un regard en arrière sur l'Angleterre médiévale : il n'y a peut-être pas eu un "âge d'or" de la Foi, et aussi bien la culture religieuse que l'orthodoxie des croyances peuvent avoir été limitées, mais les croyances religieuses étaient cependant plus répandues et influentes qu'elles ne le sont aujourd'hui.
Le chapitre trois examine plusieurs indices du déclin du christianisme en Angleterre sur les cent cinquante dernières années. Bien qu'aucun d'eux, pris isolément, ne soit irréfutable, tous pointent dans le même sens : le déclin de l'engagement dans les organisations religieuses et de l'adhésion aux idées religieuses. Ce déclin n'est pas un mythe inventé par les sociologues.
Beaucoup de gens attribuent la responsabilité de la sécularisation au développement de la science, "mais aucun sociologue contemporain de la religion n'affirme que la science a sapé la religion de façon fatale".
Les croyances religieuses des hommes de science sont d'ailleurs dignes d'intérêt, et Bruce examine en passant les variations entre les disciplines - les mathématiciens sont bien plus religieux que les anthropologues - , ainsi que des similitudes dans "l'approche cognitive" entre la religion et la science sous certains aspects.
Le mouvement "New Age" semble témoigner d'une croyance religieuse informelle largement répandue, peut-être même d'un "besoin persistant" de religion. Mais l'analyse que fait Bruce de l'extension, de la nature et de la signification de ce mouvement aboutit à des conclusions différentes.
Il conclut que : "Le New Age est un mouvement éclectique à un degré sans précédent et il est à ce point dominé par le principe selon lequel le consommateur décide souverainement du choix de ses propres croyances que, même s'il était vrai que nous ayons une propension innée à la spiritualité, nous ne parviendrons pas, là où nous en sommes, à un quelconque renouveau religieux. Le principe du choix individuel paraît si fermement établi dans notre culture que je ne peux pas comprendre comment une foi partagée peut sortir de ce bric-à-brac.
... J'ai bien peur, qui plus est, que ce mouvement, faible comme il l'a toujours été, s'affaiblira à mesure que les enfants du New Age se désintéresseront de la quête spirituelle de leurs parents."
De la même manière, la présence croissante de la spiritualité orientale en occident ne dément pas le phénomène de sécularisation. La plupart des emprunts à la spiritualité orientale sont superficiels. "L'intérêt pour le Feng Sui n'est pas plus la preuve d'un renouveau spirituel que le mode des meubles de style "Shaker" ne prouve que les Londoniens aient l'intention de ressusciter la secte protestante du XIXème siècle qui a inspiré le style minimaliste."
Le New Age tire parti des éléments les plus flexibles et les moins exigeants de la spiritualité orientale. "Les Anglais sont en train d'adopter les éléments philosophiques les plus élastiques en les adoptant à la mentalité occidentale. L'élément central est l'accent mis par l'occident sur la souveraineté du consommateur individuel autonome."
La popularité des religions orientales est renforcée par leur ancien statut d'opprimées, tandis que le christianisme continue à souffrir de sa complicité historique avec le colonialisme.
Le chapitre "Regression to the mean" offre une série d'aperçus sur des communautés qui ont essayé de maintenir des systèmes de croyance et des modes de vie identitaires, notamment les presbytériens d'Ecosse et les Amish. Le maintien d'une différence spécifique dans l'environnement particulièrement hostile de la société moderne repose sur une organisation sociale - mais la diffusion d'une spiritualité confessionnelle et cultuelle ne peut susciter le genre d'organisations sociales susceptibles de prévenir la sécularisation.
Un chapitre sur le mouvement charismatique en Angleterre offre un aperçu de son histoire, de son ampleur et de sa trajectoire et pose la question de savoir s'il résiste à la sécularisation.
Bruce conclut que "loin de représenter une alternative religieuse radicale à la sécularisation de la société, le mouvement charismatique a été la voie qu'ont empruntée de nombreux protestants évangéliques conservateurs pour devenir progressivement à la fois libéraux et sectaires.
Ce n'est pas un puissant exemple de rejet de la modernité chez des gens auparavant sécularisés, mais une illustration des étapes du déclin progressif de la religion dans les cultures protestantes. Les gens élevés dans les Eglises baptistes et anabaptistes (Brethern) dans les années 50 utilisaient le langage du renouveau et de la réforme religieuses pour s'évader du carcan d'une orthodoxie étouffante vers un cadre offrant des interprétations plus larges des doctrines protestantes.
Certains de leurs enfants abandonneront à leur tour le christianisme, certains continueront dans les "New Churches" et deviendront encore plus libéraux, et d'autres rejetteront cette tendance et s'en détacheront pour former de nouvelles sectes. Ces nouvelles organisations seront plus petites que celles de leurs parents et évolueront de la même manière.
Deux chapitres mettent l'accent sur des débats académiques. L'un est un regard critique sur les théories de l'offre et de la demande en matière de religion qui prétendent que la demande est constante (et élevée) et que le niveau de vitalité religieuse dépend par conséquent de l'offre, qui est plus grande quand il y a un marché libre, ouvert à la concurrence pour les "fournisseurs".
Bruce trouve cette approche intéressante, mais estime qu'elle sous-estime les possibilités d'autosuffisance ou d'autosubsistance des religions et qu'elle néglige les différences importantes entre les religions.
Un autre chapitre met en lumière les problèmes méthodologiques posés par les enquêtes qui prétendent montrer l'importance d'une croyance non confessionnelle : les questions de l'enquête sont biaisées, on a choisi des raccourcis pour recueillir un vague assentiment à l'idée de "quelque chose là-haut", en affaiblissant ou en pervertissant la croyance religieuse authentique de manière à brouiller la frontière entre le religieux et le profane.
Bien que God is dead s'intéresse essentiellement à la Grande-Bretagne, un chapitre porte sur les Etats-Unis. Bruce démontre que le même processus de sécularisation se déroule là-bas, bien qu'il puisse être retardé d'une cinquantaine d'années - dissimulé par la tendance qu'ont les gens à majorer leur engagement religieux (les enquêtes ne recoupent pas les données actuelles sur la fréquentation des Eglises). La spécificité américaine peut s'expliquer par son taux élevé d'immigration, beaucoup d'immigrants provenant de pays moins modernisés, et par la liberté laissée aux communautés par une structure fédérale moins contraignante de vivre séparément, la diversité politique favorisant la liberté d'éviter la diversité culturelle.
Certains ont finalement essayé "d'accrocher" le religion au postmodernisme à travers la critique postmoderne du rationalisme. Or, la sécularisation n'est pas conduite par la science ou la rationalité, mais par la diversité et l'individualisme (le choix individuel), qui sont tous deux des thèmes du postmodernisme.
Ce qui amène Bruce à conclure : "Là où la diversité et l'égalitarisme se sont profondément enracinés dans la conscience collective et incarnés dans la démocratie libérale, là où les pays demeurent suffisamment stables et prospères pour que la diversité et l'égalitarisme ne soient pas balayés par un cataclysme actuellement inimaginable, je ne vois aucune raison de s'attendre à l'inversion du processus de sécularisation."
Juillet 2002.
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%T God is Dead
%S Secularization in the West
%A Bruce, Steve
%I Blackwell
%D 2002
%O paperback, references, index
%G ISBN 0631232753
%P xv,269pp